L’euphorie des Jeux olympiques de Paris 2024 a laissé des traces, et pour cause ! Une édition historique marquée par la toute première parité totale entre les sexes aux Jeux. Les athlètes féminines ont brillé, raflant une majorité des médailles canadiennes avec panache et redéfinissant la portée du sport féminin sur la scène mondiale. Mais cet essor dépasse largement les exploits sportifs. Avec des audiences records — comme la finale de la NCAA Women’s Basketball 2024, suivie par 18,9 millions de téléspectateur·rices, surpassant même la finale masculine (14,8 millions) —, le monde du sport entre dans une nouvelle ère où la popularité croissante des athlètes féminines, spoiler alert, bouscule les codes de l’économie.
Le boom du sport féminin
Le succès du sport féminin repose sur un savant cocktail de facteurs sociaux, culturels et économiques. La couverture médiatique ? Pratiquement triplée depuis 2021, même si elle reste encore un peu timide avec seulement 15 % des diffusions sportives. On peut faire mieux, non ? Selon un sondage Léger pour le Grenier, 65 % des Québécois·es estiment que la médiatisation du sport féminin est encore en retard par rapport au sport masculin, tandis que 21 % jugent la couverture équitable. Petite nuance intrigante : 29 % des hommes trouvent la couverture équilibrée, contre seulement 14 % des femmes.
Les changements sociaux en faveur de l’égalité des genres et l’émergence d’athlètes devenues de véritables icônes pour les jeunes générations n’ont fait qu’amplifier le phénomène. Des figures comme Simone Biles et Caitlin Clark inspirent, et des initiatives comme Fillactive, qui promeut l’activité physique chez les jeunes filles, ou Égale Action, qui soutient les femmes dans le sport depuis près de 25 ans, créent un écosystème propice à l’ascension du sport féminin.
Les barrières à l’accès et à la progression
Mais attention, la route est encore semée d’embûches ! Malgré les avancées, des obstacles persistent, freinant la participation et la progression des femmes dans le sport. D’après Guylaine Demers, professeure titulaire et directrice du Laboratoire de recherche pour la progression des femmes+ dans les sports au Québec (Lab PROFEMS) de l’Université Laval, deux grands axes se dessinent : la participation et la représentation dans les rôles de leadership. Bien que l’offre sportive pour les filles se développe, et que le nombre de filles pratiquant des sports augmente, des disparités subsistent, avec environ 37 % de filles contre 63 % de garçons membres dans les sports fédérés au Québec. « Les filles tendent à abandonner le sport plus tôt que les garçons, souvent à cause d’un manque d’offres adaptées à leur niveau, des stéréotypes de genre sur la féminité et le sport, d’un encadrement inapproprié ainsi qu’un manque de modèles féminins visibles. »
Quant à la sous-représentation des femmes dans les rôles de leadership, c’est un autre défi de taille. Avec seulement 13 % de coachs féminins aux JO, les jeunes filles peinent à se projeter dans ces rôles, créant un cercle vicieux qui freine leur accès au leadership sportif. « Les organisations sportives doivent être plus intentionnelles et innovantes dans leurs méthodes de recrutement pour attirer et retenir des femmes dans des postes de leadership », estime Guylaine. Un exemple qui change la donne ? « Il ne suffit pas de rendre le sport féminin visible, il faut aussi mettre en lumière les entraîneuses. Regardez l’équipe de hockey féminin de Montréal : le staff est féminin », poursuit la professeure. Et dernièrement, la canadienne Jessica Campbell est devenue la première femme entraîneuse adjointe à travailler à temps plein derrière le banc d’une équipe de la LNH avec le Kraken de Seattle. Bam !
De nouvelles sources de revenus
Le sport féminin ne transforme pas seulement les mentalités, il révolutionne aussi les revenus des diffuseurs, annonceurs et organisations sportives. Des événements comme la Coupe du monde féminine de la FIFA et les matchs de la WNBA attirent des millions de téléspectateur·rices, incitant les marques à investir massivement. Partenariats, droits de diffusion, revenus touristiques : entre 2023 et 2024, les investissements dans le sport féminin ont bondi de plus de 22 %, triplant pour franchir la barre du milliard. Et ça ne fait que grimper, selon Deloitte !
Les campagnes autour du sport féminin osent davantage, comme la campagne Spot Your Period de Knix, conçue par Rethink, qui brise les tabous liés aux menstruations tout en célébrant les athlètes féminines. De son côté, Nike a innové en ouvrant la Nike Dream Arena dédiée au football féminin à Sydney en 2021. Et on se souvient la pub Dream Crazier ? Le focus de Nike sur les femmes donne de solides résultats. « Le segment féminin a enregistré une croissance à deux chiffres au deuxième trimestre, mais nous voyons des opportunités de croissance encore plus importantes en répondant davantage aux besoins des femmes dans différentes catégories et à travers plus d’occasions qui lui sont dédiées », avait déclaré le vice-président exécutif et directeur financier de Nike, Andy Champion.
Les entreprises ont enfin flairé le filon doré du sport féminin. « Les filles exigent la même qualité d’équipement que les garçons. Les entreprises ont compris qu’il y a un marché énorme à exploiter ici. Ignorer 50 % de la population, ce n’est pas très stratégique », dit Guylaine. Un exemple de cette transformation ? Le Super Bowl. « Autrefois, les pubs du Super Bowl ciblaient surtout les hommes, avec des stéréotypes bien ancrés. Mais tout a changé quand les études ont montré que près de 50 % du public était féminin. En réalisant qu’ils pouvaient toucher tout le monde, les annonceurs ont adapté leurs campagnes, et d’autres marques ont suivi, voyant là une opportunité. Ce changement de stratégie a permis d’élargir la base de fans et, surtout, de générer plus de revenus. »
Les marques ont tout intérêt à répondre à cette demande croissante. The Sports Bra à Portland, par exemple, un bar qui ne diffuse que des sports féminins, a généré un million de dollars de chiffre d’affaires en seulement huit mois. Les consommatrices sont prêtes à mettre la main au portefeuille pour soutenir les marques qui misent sur le sport féminin, créant ainsi un cercle vertueux où tout le monde marque des points. « L’engouement pour le sport féminin est réel, il suffit de le rendre visible. On a vu une équipe vendre tous ses billets en un temps record, surprenant même les organisateur·rices. L’appétit du public a toujours été là, mais il fallait en parler et le promouvoir pour que les gens s’y intéressent. Les athlètes féminines sont accessibles et adorent interagir avec les fans. C’est rafraîchissant, différent et ça marche », dit Guylaine, en faisant référence à la Victoire. Et la merch ? Sold out en un clin d’œil !
Vers plus d’égalité, sur et hors du terrain
L’essor du sport féminin va au-delà des médailles : il redéfinit l’égalité des genres. Plus les athlètes féminines sont mises en avant, plus elles deviennent des modèles pour celles qui rêvent de briller, que ce soit dans le sport ou ailleurs. Tenez-vous bien : une étude montre que 94 % des femmes qui occupent des postes de direction ont fait leurs armes sur le terrain, prouvant que les compétences acquises dans l’arène peuvent propulser tout droit au sommet de la hiérarchie.
L’Espace leadership féminin du Pôle sports HEC, avec des ambassadrices comme Guylaine Demers, aux côtés de France Margaret Bélanger, présidente, sports et divertissements du Groupe CH, Marie-Anik L’Allier, chef d’entreprise, et Danièle Sauvageau, la directrice générale de l’équipe de Montréal, Ligue professionnelle de hockey féminin et d’autres femmes inspirantes, s’active pour transformer la culture organisationnelle. Ensemble, elles s’engagent à propulser les femmes vers des postes décisionnels et à briser le plafond de verre, rêvant d’une équité qui soit à la hauteur de leurs ambitions.
Investir dans le sport féminin n’est plus seulement progressiste, c’est rentable. Les marques, diffuseurs et consommateur·rices qui soutiennent cette dynamique récoltent des bénéfices tangibles : plus d’influence, de revenus et une perception publique positive. « L’arrivée de la Ligue québécoise de hockey féminin au Québec a marqué un tournant. Après plus de 35 ans de recherche sur le sport, c’est la première fois que je sens que nous avons franchi un point de non-retour : le mouvement est lancé, et ceux·celles qui ne s’y joignent pas risquent de passer pour déconnecté·es. Le sport féminin prend son envol, et les entreprises comprennent enfin l’importance de cette évolution », résume Guylaine.
De plus en plus visibles, les athlètes féminines forcent les marques à revoir leur stratégie et à miser sur des valeurs plus inclusives. Après tout, qui ne veut pas d’une équipe gagnante sur son banc ?