Comme bien des enfants, Camille Asselin rêvait d’aller aux Jeux olympiques quand elle était petite. Pourtant, même si elle a toujours été très active, l’esprit compétitif n’a jamais suivi. Ce qui la fascinait n’était pas tant le sport, mais le dévouement des athlètes qui se donnent corps et âme pour repousser les limites de leur discipline. Quoi qu’il en soit, en 2018, Camille a réalisé son rêve pour la première fois en allant aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang.
Puis elle a répété l’exploit en participant aux Jeux de Pékin en 2022 et de Paris, cet été. La relationniste faisait partie d’un groupe sélect responsable de coordonner toutes les entrevues des athlètes de la délégation canadienne pour Radio-Canada et CBC, diffuseurs officiels des Jeux. Un rôle qui, bien qu’il soit moins glorifié que celui d’athlète, est à tout le moins sportif.
Il est 10 heures dans la capitale française. Camille a terminé sa journée de travail à peine huit heures plus tôt qu’elle est déjà en poste, toute son attention rivée sur les multiples écrans qui accaparent son bureau parisien. Athlétisme, trampoline, basketball 3 contre 3, cyclisme sur piste et sur route, planche à roulettes de parc et de rue, lutte, taekwondo, haltérophilie, vélo de montagne, gymnastique artistique, rugby féminin : la liste de sports auxquels elle est attitrée ne lui laisse pas grand temps pour déambuler dans les rues de la Ville Lumière. Qu’importe, elle est là pour bosser.
Concrètement, le travail de Camille ressemble un peu à Tetris mais au lieu des blocs qui tombent, ce sont des demandes d’entrevue qui pleuvent. Des dizaines de demandes provenant des stations télé et radio (sans compter les équipes numériques !) de Radio-Canada à travers le pays chaque fois qu’un·e athlète de l’unifolié réalise un exploit. Et le rôle de Camille, c’est d’essayer de donner à tout le monde son petit moment de gloire.
« Tous les matins, on regarde l’horaire de la journée. On sait par exemple que les demandes d’entrevue sont plus rares lors des qualifications qu’après des demi-finales ou des finales, explique-t-elle. On bâtit donc différents scénarios en sachant toujours qu’il peut y avoir des imprévus, comme un match qui se prolonge et termine en tirs de barrage. Il faut donc constamment faire preuve de créativité et de flexibilité tout en tenant compte des disponibilités des médias et des préférences des athlètes. »
Finalement, c’est comme jouer à Tetris et à Twister, en même temps et avec un calme olympien si possible.
Prenons par exemple l’équipe féminine de rugby à 7 qui, après avoir éliminé les Australiennes et les Françaises, a récolté une médaille d’argent inespérée lors de la finale contre la Nouvelle-Zélande. Coup d’éclat, voilà que tout le monde s’arrache les vedettes. Dans la tête de Camille, les prochaines étapes défilent à 100 km/h : fin du match, cérémonie des médailles, conférence de presse, contrôle antidopage, déplacement, breffage, entrevues. Les questions aussi se bousculent : seront-elles assez hydratées pour que le contrôle se déroule rapidement ? Quelles joueuses parleront ? Préfèrent-elles honorer d’abord leurs engagements ou passer du temps avec leur famille ? Heureusement, en vraie professionnelle, Camille est arrivée préparée.
« Environ un mois avant de partir, j’ai étudié tous les scénarios possibles et travaillé en étroite collaboration avec les attaché·es de presse du Comité olympique pour connaître les engagements commerciaux et les préférences de chaque athlète. » Un facteur essentiel pour que les entrevues se déroulent dans le respect et la bonne humeur, selon celle qui a elle-même longtemps travaillé comme attachée de presse au sein de la boîte de Marie-Anick L’Allier.
En plus d’avoir réponse à tout, Camille est partout : au studio principal de Radio-Canada à la Cité des Sciences et de l’Industrie ; au Stade de France ; à Saint-Quentin où avaient lieu les compétitions de vélo ; à la place du Trocadéro ; au Village olympique. Elle est toujours là, avec son calepin et son air un peu pressé, à s’assurer que ses athlètes suivent l’horaire prévu. Mais parmi tous les endroits où elle passe, c’est la voiture qui la marque le plus.
« Le trajet en voiture pour aller du site de compétition au studio, c’est vraiment spécial, explique-t-elle. Souvent, les athlètes n’ont même pas encore eu le temps de parler à leur famille et, moi, je suis là, témoin des rires, des pleurs, des appels FaceTime. Je les laisse vivre ce moment charnière dans l’intimité, avec leurs proches. »
Parfois, le moment est plus difficile et nécessite une grande sensibilité. Un parcours olympique qui se termine de manière abrupte, comme celui du décathlonien Damian Warner. Un podium raté de justesse. D’autres fois, il rappelle à Camille que les Jeux olympiques, c’est bien plus qu’un tableau de médailles. C’est l’aboutissement d’années de travail acharné et de sacrifices.
« Quand je suis allée chercher l’équipe masculine de gymnastique artistique, j’ai eu l’immense privilège de voir la fin des épreuves. Pour la première fois de l’histoire, l’équipe canadienne s’était qualifiée pour la finale du concours complet. Les gars n’ont pas remporté de médailles, mais ils étaient juste contents d’avoir atteint l’objectif qu’ils s’étaient fixés et qu’aucun autre quintuplé canadien n’avait réussi avant eux. »
Voyant qu’elle avait de l’avance sur l’horaire, Camille a demandé aux gymnastes s’ils voulaient manger une bouchée. En chœur, ils ont répondu un gros hamburger et une frite. « Pour eux, le hamburger c’était comme le couronnement de plusieurs mois d’efforts. Ils n’avaient plus besoin de se priver. »
« Mais les athlètes diront que ce ne sont pas des sacrifices, poursuit la relationniste. C’est leur vie. » De la même façon, Camille dira que quitter sa famille pendant quatre semaines n’est pas un sacrifice, même si faire un dernier câlin à sa fille de trois ans à l’aéroport fut particulièrement déchirant. « C’est une expérience que j’avais envie de m’offrir. Je suis une maman, une conjointe, mais aussi une relationniste et je veux pouvoir exploiter toutes mes forces. C’est, ça, ma médaille à moi. »
Mention spéciale à l’agence Canidé, employeur de Camille, qui a accepté avec enthousiasme qu’elle quitte temporairement pour Paris et qui a fièrement suivi son aventure depuis Montréal.