La loi 25 au Québec introduit une nouvelle dimension aux défis auxquels sont confrontés les marketeurs et les professionnels du média payant. En mettant l'accent sur la protection des données des consommateurs, cette réglementation entraîne une diminution significative des informations disponibles pour l'analyse et le ciblage. Bien que cette situation semble préoccupante, elle offre également l'opportunité de repenser nos stratégies de marketing et d'adopter de nouvelles approches respectueuses de la vie privée. Dans cet article, nous explorerons les impacts potentiels de la loi 25 et discuterons des alternatives innovantes qui s'offrent à nous pour naviguer dans ce nouveau cadre réglementaire.

Les impacts
L'essentiel à retenir est que l'implémentation de la loi 25 nous confronte à deux enjeux majeurs: la réduction du volume de données recueillies et la dégradation de leur précision. Ces défis auront des impacts considérables, tant sur nos analyses que sur l'efficacité de nos campagnes. De plus, ils influenceront également la manière dont nous structurons nos plans média.

Quantité des données
Lorsque nous mettons en place une gestion du consentement des utilisateurs (CMP), obligatoire pour se conformer à la loi 25, nous constatons une baisse des données recueillies sur nos sites web. La France, où le RGPD est appliqué depuis plusieurs années, présente un taux de consentement moyen de 55%. Il est important de noter que cela affecte non seulement les services d'analyse comme Google Analytics et Adobe Analytics, mais également les plateformes publicitaires payantes comme Meta, TikTok, LinkedIn, etc. En effet, si un utilisateur n'accepte pas de partager ses données avec ces tiers, leurs pixels ou API de conversion ne seront pas déployés. Par conséquent, nos analyses devront s'appuyer sur des données moins précises. Cela concerne l'évaluation du nombre d'utilisateurs sur nos plateformes web, l'étude de leur comportement ainsi que l'analyse des conversions de nos campagnes publicitaires.

La taille des audiences
La diminution du consentement des utilisateurs conduit à une réduction de la taille et de la précision des audiences. Cela affecte de manière considérable des types d'audiences spécifiques, comme les audiences de reciblage et les audiences comportementales. Les audiences de reciblage, qui visent les utilisateurs ayant déjà interagi avec notre marque, et les audiences comportementales, basées sur le comportement des utilisateurs, sont particulièrement touchées. Cette situation peut entraver notre capacité à faire des campagnes publicitaires plus ciblées et réellement adaptées pour nos audiences.

Les algorithmes
Cette situation a également un impact sur les algorithmes des plateformes publicitaires, dont la performance est basée sur la quantité et la précision des données collectées. Une diminution de la qualité des données peut entraîner une perte de performance des campagnes publicitaires. Moins ces plateformes sont capables de mesurer le trafic et les conversions sur un site web, moins elles disposent de données, plus la taille des audiences se réduit, plus les algorithmes perdent en efficacité. Cette cascade d'effets se traduit par une réduction du potentiel d'optimisation des plateformes, ce qui a pour conséquence d'affecter la performance des campagnes publicitaires.

La mesure du lectorat total des éditeurs
Pour les éditeurs, la difficulté à mesurer leur audience globale sur divers domaines et plateformes s'accroît à mesure que la gestion du consentement des utilisateurs se généralise. La possibilité de réconcilier les profils d'utilisateurs à travers différentes plateformes et appareils dépend du consentement de ces derniers. Sans cela, les éditeurs se retrouvent avec une image partielle de l'interaction de l'utilisateur, rendant difficile la prise de décisions éclairées pour la planification média. Cette situation peut complexifier l'identification des meilleures stratégies pour diffuser leurs messages publicitaires, influant directement sur l'efficacité de leurs campagnes marketing.

Les solutions
Bien que la loi 25 occasionne des défis importants en termes de perte de données, il existe diverses solutions qui nous permettront d'évoluer vers un futur où le respect des données personnelles des consommateurs est priorisé. Beaucoup de ces solutions sont également envisagées en prévision de la disparition des cookies tiers, offrant ainsi aux entreprises une occasion de se préparer en conséquence.

Activer les données probabilistes dans GA4
Pour compenser la diminution de données dans Google Analytics 4 (GA4), une des approches viables consiste à activer l'option de "behavior modelling" ou modélisation du comportement. Cette fonction offre la possibilité de remplir les vides de données en employant des techniques d'apprentissage automatique pour prédire et simuler le comportement des utilisateurs. Il est important de souligner que Google utilisera les données de ceux qui ont consenti à les partager, ces utilisateurs étant généralement plus engagés avec la marque. Cela pourrait potentiellement biaiser l'analyse réelle du comportement des utilisateurs sur notre site web.

Utiliser un autre système d’analytic web
En Europe, certaines entreprises ont choisi une autre solution pour faire face à la perte de données due au respect du RGPD, soit d'utiliser un système d'analyse web qui est compatible avec cette réglementation, comme AT Internet ou Matomo. Ces systèmes ont été conçus spécifiquement pour respecter les exigences du RGPD et utilisent notamment des données anonymisées pour protéger la confidentialité des utilisateurs. Cette solution est aussi envisageable au Québec puisque la loi 25 est très similaire au RGPD.

Ces outils sont payants mais investir dans ces plateformes peut être vu comme un investissement stratégique pour continuer à obtenir des informations précieuses sur les utilisateurs, tout en respectant leur droit à la confidentialité.

Le media mix modelling
Avec la loi 25, on assiste à plusieurs bris de mesure directe entre une campagne et une La loi 25 entraîne plusieurs ruptures dans la mesure directe entre une campagne et une conversion, rendant l'analyse incomplète. Une solution consiste à se tourner vers des méthodes qui ont autrefois connu une grande popularité et qui sont en train de revenir en force, soit les media mix

modelling (MMM). Ces outils, aujourd'hui nettement plus sophistiqués, sont basés sur des modèles d'inférence statistique et permettent de prendre des décisions stratégiques en se basant sur les résultats d’affaires d’une entreprise.

L'un des principaux avantages des modèles de mix média (MMM) est qu'ils vont au-delà de la simple mesure des résultats directs d'une campagne. En effet, ils intègrent divers facteurs susceptibles d'affecter les résultats, tels que les promotions, le prix et même la concurrence.  De plus, les MMM offrent l'avantage de mesurer l'impact des médias traditionnels, souvent difficiles à évaluer autrement. Les MMM modernes intègrent tous ces éléments pour réaliser des analyses exhaustives et même pour simuler les performances futures en fonction de différents scénarios média. Cependant, ces modèles ont leurs limites : ils nécessitent une quantité considérable de données (un budget média adéquat ainsi que deux ans de données au minimum) pour fonctionner efficacement.

Une stratégie de donnée 1st party
L'importance des données 1st party ne peut être surestimée dans le contexte actuel où la protection de la vie privée des utilisateurs est de plus en plus prioritaire. Ces données, recueillies directement auprès des consommateurs, seront au cœur des stratégies futures. Autant pour les éditeurs que les annonceurs, il est primordial de construire une stratégie robuste pour la collecte de ces informations de première main.

Pour illustrer l'importance des données 1st party, prenons quelques exemples concrets. Pensez à la SAQ et à la carte Inspire, qui utilisent des données de première main pour personnaliser les offres et améliorer l'expérience client. Considérez également La Presse, qui nécessite une connexion pour accéder au contenu, ce qui leur permet de collecter des informations précieuses sur les préférences et le comportement de lecture des utilisateurs. Un autre exemple est Ricardo, qui demande aux utilisateurs de se connecter pour ajouter les ingrédients d'une recette à une liste d'achats, ce qui fournit des données essentielles sur les habitudes de cuisine et les préférences alimentaires.

Ces exemples montrent comment les organisations peuvent utiliser les données de première main pour améliorer non seulement leurs produits et services, mais aussi pour personnaliser et améliorer l'expérience utilisateur. Dans ce contexte, la capacité à collecter et à utiliser efficacement les données 1st party devient une compétence clé pour rester compétitif.

Les “data clean rooms”
La mutualisation des données 1st party data avec des partenaires média en utilisant des "data clean rooms" marque un tournant majeur dans l'optimisation de l'exploitation de ces informations. Ces "clean rooms" sont conçues comme des espaces sécurisés et régulés où l'analyse et le partage des données peuvent se faire en toute conformité avec les réglementations sur la confidentialité, en autant que les utilisateurs aient donné leur consentement. Par ce processus, nous sommes en mesure de croiser les données d'un annonceur et d'un éditeur afin de réaliser deux objectifs principaux.

La première application de cette approche est la constitution d'audiences dédiées au reciblage et à l'élaboration de profils similaires ("lookalike"). Cette stratégie vise à identifier de nouveaux prospects qui partagent des comportements et des préférences similaires à ceux de vos clients actuels. Ces audiences nouvellement créées sont ensuite directement intégrées aux campagnes publicitaires du partenaire média avec qui les données ont été mutualisées.

Le second objectif est d'analyser le comportement des clients au sein de l'écosystème d'un éditeur, comme le type de contenu qu'ils consultent, une information qui peut s'avérer précieuse dans la planification média.

Ces nouvelles possibilités offrent aux annonceurs une puissante combinaison: elles maximisent l'efficacité des campagnes publicitaires tout en respectant les normes en matière de confidentialité.

Dans l'ensemble, la loi 25 au Québec, bien qu'elle présente des défis pour les professionnels du marketing, elle nous offre somme toute l'occasion de repenser notre approche du marketing numérique. Des stratégies innovantes, comme l'exploitation du media mix modelling, la mise en œuvre de stratégies axées sur les données 1st party et l'utilisation de "data clean rooms", constituent des pistes prometteuses pour évoluer dans ce nouveau paysage. En adaptant nos pratiques et en embrassant ces nouvelles approches, nous pouvons naviguer avec succès dans le paysage réglementaire changeant et façonner l'avenir du marketing numérique de manière responsable et efficace.

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