Mardi 23 janvier 2024. C’est l’honneur ultime (ou presque) pour le réalisateur Vincent René-Lortie, qui apprend en direct de Montréal que son court métrage intitulé Invincible s’est classé sur la très sélecte liste des finalistes aux Oscars. En marge de cette annonce qui, on l’imagine, crée son lot d’émotions, le créateur discute avec nous de cinéma, de publicité et de complémentarité des démarches artistiques.
Au téléphone, Vincent René-Lortie semble très calme au regard de la nouvelle incroyable qu’il vient d’apprendre. Il faut dire que le jeune cinéaste de 30 ans précise avoir passé «plus d’une trentaine d’entrevues consécutives» la veille. Dans son ton de voix posé, on perçoit de la joie, oui, mais aussi beaucoup d’humilité. «Les Oscars, ç’a été un très long processus. Ça fait environ un an et demi qu’on a commencé à distribuer le film, et un an qu’on sait qu’on s’est qualifiés. Il y a beaucoup d’étapes pour se rendre à la nomination. Je dirais que je ne peux pas m’imaginer gagner un Oscar (rires). Surtout cette année, il y a de super bons films, dont un de Wes Anderson.»
Pourtant, le réalisateur a bel et bien ses chances de remporter la prestigieuse statuette dorée dans la catégorie du meilleur film court métrage de fiction. Il a jusqu’ici remporté le prix Iris du meilleur film court de fiction québécois au Gala Québec Cinéma cet hiver, un Prix spécial du jury au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand ainsi qu’une récompense au Chicago International Children’s Film Festival, en 2022.
L’histoire d’Invincible raconte avec émotions les dernières 48 heures de la vie du jeune Marc-Antoine Bernier, 14 ans, un ami d’enfance de Vincent René-Lortie. Selon le réalisateur, le film a touché les membres de l’Académie car il engage la discussion sur un sujet universel, celui d’une santé mentale vacillante chez les adolescent·es. «Et il y a aussi le jeu d’acteurs. Le personnage principal, incarné par Léokim Beaumier-Lépine, qui n’avait jamais joué avant, tient vraiment le film sur ses épaules. J’ai reçu énormément d’éloges sur son jeu, c’est impressionnant de le voir aller à l’écran», ajoute le cinéaste.
Vincent René-Lortie
Pub et cinéma : des démarches artistiques complémentaires
Mais Vincent René-Lortie n’est pas seulement un réalisateur de films de fiction. Il fait aussi profiter l’industrie musicale et publicitaire de son talent. Un diplôme en Film Production de la Mel Hoppenheim School of Cinema de l’Université Concordia en poche, il fonde d’abord la boîte de production cinématographique Telescope Films avec ses amis et collègues cinéastes Samuel Caron et Alexandre Nour. À la base, l’entreprise — aujourd’hui acquise par Cult Nation — ne se spécialisait pas dans la production publicitaire. «L’idée était de continuer à faire des films ensemble. Les premières années, on a fait beaucoup de vidéoclips et des films d’art. Puis, j’ai fait des clips qui ont eu une belle reconnaissance à l’international. Des boîtes de production de France et des États-Unis m’ont approché pour me représenter en publicité. Au Québec, j’ai eu plus de difficultés à percer dans cette industrie. Depuis la dernière année, j’ai vraiment commencé à faire de la publicité à l’international, des pitchs à Paris et à Londres, notamment.»
Parallèlement à tous ces projets, le réalisateur développe son court métrage Invincible. Un processus créatif de longue haleine qui a duré près de 6 ans. Mais pour Vincent René-Lortie, la production publicitaire n’est pas un «à côté» en attendant de faire sa place dans l’univers du film de fiction. Au contraire. Bien qu’il ne soit plus associé de Telescope Films, la boîte le représente toujours comme réalisateur. «Je ne vois pas la publicité comme un deuxième métier. Pour moi c’est une continuité du cinéma. Ce qui est super tripant avec les projets en publicité, c’est que ce sont des défis, mais aussi des rushs, des projets qui se développent pendant un ou deux mois, et dans lesquels on est à fond. J’ai envie de faire du cinéma autant que de la publicité, mais l’important pour moi, c’est de toujours me reconnaître dans ce que je fais.»
Pour le créateur, la pub et le cinéma sont donc des univers complémentaires. L’approche cinématographique peut notamment nourrir la démarche artistique publicitaire en lui insufflant cette dimension personnelle qui la caractérise. Et avec la publicité, Vincent René-Lortie apprend en continu. «En pub, il y a toujours cette direction d’acteurs, ce développement de la mise en scène, qui sont des aspects qui me font vraiment vibrer. C’est un autre genre de travail d’équipe, de manière de travailler, qui amène aussi à apprendre, à réfléchir et à réagir plus vite. Je dois aussi me mettre dans la peau du client, comprendre les besoins de la marque, mais ça peut être intéressant de mettre de l’avant en pub cette touche de richesse, d’authenticité, d’honnêteté qu’on l’on retrouve dans les films.»
Voir des portes s’ouvrir
Est-ce que la vie professionnelle et personnelle du jeune créateur changera drastiquement suite à l’annonce de cette prestigieuse nomination et, sait-on jamais, s’il remporte l’Oscar? Tout est possible, et le réalisateur ne cache pas espérer développer de nouvelles relations avec des agences «sans pour autant sauter des étapes».
Chose certaine, qu’il soit récompensé ou non, cette place en finale est déjà une réussite pour Vincent René-Lortie. «C’est sûr que c’est un peu un rêve d’enfance. J’ai grandi en regardant les Oscars à la télévision, donc le fait d’aujourd’hui avoir été sélectionné, de pouvoir m’y rendre, c’est incroyable. J’ai toujours vu la nomination comme une victoire en soi.»