Louangée par plusieurs mais crainte par d’autres, l’intelligence artificielle (IA) est assurément au cœur des débats actuels. Chose certaine, les entreprises doivent s’y intéresser si elles souhaitent demeurer compétitives à moyen ou long terme. Mais par où commencer pour l’implanter ? Prendre la voie de l’IA, est-ce un choix qui risque d’ébranler la structure (et les emplois) au sein d’une organisation ? Ou au contraire, les retombées pour l’entreprise sont-elles assurément positives ? Petit tour de la question avec Ravy Por, associée en IA et données chez Omnia IA, branche de la pratique d’IA chez Deloitte Canada.
Ravy Por
L’intelligence artificielle est aujourd’hui bien présente, influençant les modes de vie comme les pratiques de travail. Comme toute technologie émergente avant elle, l’IA nécessite d’être comprise, expérimentée, puis apprivoisée. Mais sa capacité à révolutionner les façons de faire et, possiblement, à remplacer les tâches jusqu’ici réalisées par l’humain, rend certain·es hésitant·es à l’adopter. Pourtant, son potentiel est indéniable, malgré les défis qu’elle peut amener. Professionnelle des mathématiques et en science de données, Ravy Por s’est dirigée naturellement vers l’étude de l’IA pour aujourd’hui accompagner les entreprises québécoises et canadiennes dans leur évolution face aux données et à l’analytique, mais aussi pour les aider à adopter une pratique responsable de l’IA.
«L’IA, c’est un concept très abstrait, mais c’est surtout une méthodologie scientifique, mathématique, statistique et programmatique. Donc, parler de quelque chose qui peut sembler flou, quand on est habitué aux choses plus concrètes dans notre monde, ça peut faire peur. Dépendant du type d’industrie, les entreprises doivent d’abord se demander de quelles façons l’IA sera utilisée et comment elle peut les aider. Ensuite, il y aura une gestion de changement mise en place. Comment son adoption va impacter les équipes ? Et comment faire évoluer les métiers avec son arrivée en entreprise?», explique la spécialiste.
Un rapport publié à la fin du mois de septembre par l’Institut d’IA de Deloitte Canada démontre que les organisations demeurent encore frileuses en ce qui a trait à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Les résultats révèlent que seulement 26 % des 375 entreprises canadiennes sondées dans le cadre de l’étude ont au moins un projet d’IA sur la table, comparativement à 34 % à l’échelle mondiale.
«Certaines entreprises ne sont pas assez matures technologiquement pour intégrer des systèmes d’intelligence artificielle. Par exemple, quant à l’évolution de leur architecture de données ou de la gouvernance de celles-ci. Mais je dirais que plus les gens comprennent l’impact que l’IA aura dans leur organisation, mieux ils peuvent s’adapter à son évolution et son application par la suite.»
Une technologie de tous les possibles… qui garde ses limites
Bien qu’elle puisse effrayer les gestionnaires comme les employé·es, l’IA est tout de même une mine de ressources et de possibilités. Pour l’industrie des communications et du marketing, les multiples fonctionnalités qu’elle propose peuvent être très intéressantes, allant de la génération de textes, à l’automatisation de courriels, en passant par la création visuelle et vidéo. Mais l’intelligence artificielle, c’est avant tout un outil d’aide à la prise de décision qui peut aussi permettre de sauver des coûts, croit Ravy Por. « Ce qui fait consensus, c’est que l’intelligence artificielle doit du moins faire partie des conversations au sein des entreprises car elle peut se révéler très utile », ajoute-elle
Et même si l’IA peut être un véritable atout, elle n’est tout de même pas parfaite, rappelle-t-elle à ceux et celles qui auraient peur que cette technologie révolutionnaire menace leur emploi. « On est plus dans l’idée d’intégrer l’humain aux changements que l’IA amène, que de se dire “OK, elle va remplacer ta job”. L’intelligence artificielle générative, notamment, est réfléchie pour optimiser le travail. Quand on pense par exemple à ChatGPT, ça génère du texte et ça peut même produire une « opinion » basée sur la source de données. Mais il n’en demeure pas moins que quelqu’un doit vérifier et valider la provenance et la véracité de l’information. L’humain a donc encore ce rôle-là de déterminer si ce qui est généré fait du sens. »
Son adoption en entreprise ne signifie donc pas qu’elle remplacera le travail des humains, puisqu’elle a aussi ses limites, précise l’experte. On pense bien sûr aux images loufoques générées par l’IA qui circulent sur le web où les protagonistes apparaissent avec 14 doigts et trois jambes ! « C’est ce qu’on appelle des hallucinations, ce qui est tout à fait normal, dans le sens que l’algorithme est encore en train d’apprendre, et il n’est pas parfait. Il y a donc des erreurs qui se glissent parfois et qui sont détectées par l’humain. À date, je n’ai pas vu de métier créatif qui a été remplacé par cette technologie, justement à cause de cette marge d’erreurs. »
Un usage propre à chacun
Pour qu’elles puissent déterminer comment utiliser adéquatement les possibilités de l’IA au sein de leur organisation, les entreprises doivent d’abord se demander comment et pourquoi elles souhaitent l’appliquer. L’idée est donc de se mettre d’accord sur un cadre de gouvernance et de définir une stratégie, explique Ravy Por.
« Par exemple, dans certaines branches de la communication, certains gestionnaires vont dire : “on ne veut pas que ça soit généré par de l’IA” ou bien “ça peut s’inspirer de l’IA, mais on ne veut pas de copier-coller”. Après avoir parlé avec beaucoup de professionnel·les du milieu, je dirais que plusieurs croient que l’IA pourra les aider à atteindre des processus de travail plus optimaux, à construire la « maquette » d’un projet, mais que l’IA ne sera jamais entièrement responsable d’un produit fini ».
Selon la spécialiste, les entreprises doivent aussi déterminer de quelles manières et sous quels formats elles souhaitent communiquer grâce à l’IA. Est-ce à travers un univers physique ou virtuel ? « Les arcs narratifs sont différents dans ces deux mondes. C’est pourquoi on a recours à la personnalisation des algorithmes dépendant du médium privilégié. Il y a des utilisations très avancées de l’IA et d’autres qui sont très de base. Est-ce qu’à long terme, l’entreprise voudra créer son avatar-influenceur ? Tout dépendra de la voie que voudra prendre l’organisation », conclut-elle.