L’un des défis les plus pressants de notre époque ? Le changement climatique. Pas étonnant que le sort de notre planète peut angoisser. Écoanxiété, bonjour ? Une initiative particulièrement remarquable se propage à travers le monde avec une rapidité exponentielle, et fait même des p’tits. (On y reviendra.) Mais qu’est-ce que La Fresque du Climat au fait ?

Sensibiliser pour un avenir durable
Depuis sa fondation en 2018 par Cédric Ringenbach, l’association de La Fresque du Climat est aujourd’hui déployée dans 153 pays, traduite dans plus de 45 langues, et compte 1,2 million de participant·es à travers le monde. Reposant sur le principe qu’il faut comprendre pour agir, cette initiative offre à chacun·e la possibilité d’acquérir une compréhension approfondie des problèmes liés aux changements climatiques en utilisant un jeu de cartes (oui, oui !) basé sur les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) — qui, avouons-le, sont assez ardus à lire si vous avez déjà tenté le coup.

Au Québec, une poignée d’animateur·trices accrédité·es animent l’atelier destiné aux entreprises. Côté grand public, il·elles sont 500 bénévoles. En tant qu’entrepreneur en marketing et technologie depuis une vingtaine d’années, Julien Galtier, directeur général de Masse Critique (tiens, tiens !), a décidé de s’engager dans l’entrepreneuriat d’impact et de mettre en pratique les principes du marketing durable. «J’étais très conscient de mon impact social et environnemental, ce qui m’a naturellement conduit à m’intéresser à La Fresque, exprime-t-il. Après ma première participation, j’ai réalisé à quel point c’était un outil puissant de sensibilisation. J’ai donc décidé de devenir animateur il y a un peu plus de deux ans. En parallèle, j’ai intégré La Fresque du Climat dans ma pratique professionnelle pour sensibiliser et mobiliser les entreprises autour de ces enjeux.» Sophie Lallemand, animatrice, formatrice certifiée et référente locale, a découvert l’atelier en pleine période de confinement. Ce fut le coup de cœur absolu. «En fin de compte, ça coche toutes les cases du métier de mes rêves. Ça touche à l’écologie, à l’enseignement, au soin des gens, à l’entrepreneuriat. Je m’amuse vraiment avec ce métier», nous partage celle qui en a fait sa vocation à plein temps.

fresque 4Julien Galtier et Sophie Lallemand

Quasi un jeu d’enfant
La particularité de La Fresque du Climat réside dans son approche ludique et participative. D’une durée d’environ trois heures, l’atelier se déroule en plusieurs étapes et fait appel à un jeu de cartes représentant différents phénomènes liés au changement climatique, tels que l’effet de serre, la fonte des glaciers, les émissions de CO2 et bien d’autres. Les participant·es, généralement au nombre de sept — excellente activité de team building d’ailleurs ! — doivent travailler en équipe pour reconstituer le système climatique en plaçant les cartes de manière à représenter les causes et les conséquences. Julien comme Sophie expliquent que l’animateur·trice, ou facilitateur·trice, guide le processus pour favoriser l’intelligence collective, sans jamais effectuer le travail à la place du groupe. « On a des pièges pédagogiques dans La Fresque du Climat parce qu’on retient toujours mieux quand on se trompe, dit Sophie. C’est un peu comme un escape game, où des indices sont dispersés pour nous aider à résoudre les énigmes. »

Après cette première phase, les émotions sont souvent palpables chez les participant·es, expose Julien. Normal, quand on voit l’ampleur de l’urgence climatique ! Un tour de table est encouragé pour laisser la chance à tou·tes d’exprimer les émotions qui les habitent. «Honnêtement, c’est une partie qui me donne des frissons chaque fois, poursuit Sophie. Je suis très impressionnée par la vulnérabilité et l’ouverture dont font preuve les employé·es qui vont vraiment se raconter et s’ouvrir auprès de leurs collègues.»

On passe ensuite à la phase créative de l’atelier. Muni·es de crayons, les participant·es sont invité·es à représenter graphiquement les liens entre les différentes cartes, ce qui leur permet de visualiser les interactions complexes du système climatique et renforcer la compréhension des enjeux. «À la fin de cette phase, nous avons une fresque, une œuvre collective créée par les participant·es, et un titre est donné à celle-ci», explique Julien. Dans la dernière heure, les «fresqueur·es» sont encouragé·es à envisager des changements dans leurs habitudes de vie et de consommation. Ainsi, La Fresque du Climat ne se contente pas de sensibiliser, elle encourage la réflexion sur les solutions. À noter que l’atelier ne propose PAS de solutions toutes faites. «L’objectif est de sensibiliser les gens à des enjeux scientifiques. Les solutions dépendent des choix de société, des décisions politiques, et de la démocratie. Nous ne prenons pas position», souligne Julien. «C’est vraiment un atelier d’intelligence collective, continue Sophie. En tant qu’animateur·trice, on a 4 objectifs: on veut que les gens se disent “j’ai appris des choses, c’est nous qui l’avons fait, j’ai eu du fun et j’ai envie de passer à l’action”.»

fresque 1©Sylviane Robini 

À chaque enjeu sa fresque
Ne se limitant pas au climat, La Fresque du Climat a donné naissance à d’autres versions sur des thèmes similaires comme la biodiversité, la mobilité, le numérique, l’économie circulaire et bien d’autres. Cette diversification témoigne de la flexibilité du modèle et de sa capacité à sensibiliser aux multiples enjeux environnementaux et sociaux. «J’en profite pour mentionner qu’il y a une superbe initiative de la Maison du développement durable à Montréal qui organise toutes les 6 semaines les “Soirée complètement fresque“ où les gens peuvent participer gratuitement à des fresques toute la soirée. C’est chouette même si on ne veut pas nécessairement devenir animateur·trice, ne serait-ce que pour monter en compétence.» Car un aspect important de La Fresque du Climat est sa simplicité de mise en œuvre. Après avoir participé à un atelier, pratiquement n’importe qui peut devenir animateur·trice en suivant une formation. Cette approche favorise la diffusion rapide de l’initiative et permet à un nombre croissant de personnes de devenir à leur tour actrices du changement. Ça a un « effet boule de neige », quoi. Expression qui revient chez nos deux interviewé·es. Les entreprises ne sont pas en reste, avec de nombreuses organisations qui intègrent La Fresque du Climat dans leur démarche de formation et de mobilisation de leurs employé·es. Desjardins, Banque Nationale Investissements, BNP Paribas, Amundi, Ménard, Bel, Beyond Technologies, Datavalet, Espace pour la Vie, SUCO, MRC de Beauharnois-Salaberry, Caisse d’Économie solidaire, McCain, Agence de Mobilité Durable, notamment. Toutes des organisations avec lesquelles Sophie travaille. Dans le cas de Desjardins, c’est l’entreprise au Québec qui a le plus intégré La Fresque pour le moment. À elle seule, Sophie a formé 43 facilitateur·trices. « J’ai formé 43 facilitateur·trices internes chez Desjardins, des personnes capables de donner l’atelier à leurs collègues, partenaires, voire à l’école de leurs enfants, car il y a une version pour les enfants à partir de 10 ans. En tout, environ 369 personnes ont vécu l’atelier chez Desjardins. Mon rôle a évolué, et j’espère qu’à terme, elle n’aura plus besoin de moi, car elle aura ses formateur·trices internes. » Si le nombre de participant·es est généralement de sept, Sophie a supervisé une fresque géante avec 200 fresqueur·es et plusieurs animateur·trices et coachs — dont Julien faisait partie également — pour la Caisse d’économie solidaire !

fresque 2©Sylvain Decoste

À quand une fresque en pub ?
Estimant que l’atelier Fresque du Climat est un bel outil de mobilisation, Julien aimerait bien promouvoir au Québec celle sur la publicité, puisqu’elle a un lien vraiment fort avec Masse Critique. «Cependant, pour l’instant, la formation ne se fait qu’en présentiel en France. Pour des raisons évidentes liées à mon empreinte carbone, je ne vais pas faire un aller-retour à Paris pour me former ! Mais je ne désespère pas, je continue à les solliciter pour qu’ils la proposent en ligne afin que nous puissions l’importer au Québec (RIRES).»

Alors que le monde continue de faire face aux défis du changement climatique, La Fresque du Climat offre une lueur d’espoir en éduquant et en mobilisant les citoyen·nes du monde pour créer un avenir plus vert et plus durable, avec, comme toile de fond, des étés de plus en plus écorchants.

fresque 3©Sylviane Robini

Pour en savoir plus
La Fresque du Climat Québec / Pistes Vertes / Sens Climat / Entrevue de Benoît Waeckel (Sens Climat) avec Masse Critique / Soirée complètement fresque / Participer à un atelier grand public