Depuis un an, les employés et employeurs sont confrontés à une vulnérabilité sans précédent. D’ailleurs, selon un sondage réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 21 % des travailleurs en télétravail présentent un score de détresse psychologique problématique. Mélanie McClure, vice-présidente personne et culture chez FX Innovation, une entreprise en TI offrant des solutions cloud, a gentiment accepté de nous partager son expertise et de répondre à nos questions sur les enjeux actuels en santé mentale.
Mélanie McClure
Grenier aux nouvelles : Comment vont les employés ?
Mélanie McClure : Certainement la COVID pèse lourd sur nous tous. Donc, c’est sûr que les effets, le stress et la fatigue qu’elle engendre n’épargnent pas les humains que sont ceux qui travaillent dans tout domaine confondu. Certaines industries se portent mieux que d’autres, chacun a sa réalité personnelle quotidienne, mais d’ordre général, même si je ne suis pas psychologue, j’ai l’impression que les effets de la COVID se font sentir pour tout le monde. La solitude accentuée par la pandémie est difficile et joue un rôle de premier plan sur la santé mentale des humains. Le problème est que l’isolement rend périlleuse, pour les employeurs et gestionnaires, la tâche de détecter les signes précurseurs d’une dépression potentielle, d’un trouble anxieux ou de toute autre détresse psychologique.
GAN : Comment leur venir en aide ?
MM : Je crois qu’humaniser la situation et abaisser les barrières sur les tabous que comportent les enjeux de santé mentale sont des actions primordiales. Les employeurs ont tout intérêt à prendre le rôle d’offrir et de déployer des solutions concrètes et un support à leurs employés. Partant de ce fait, je dirais que de normaliser les choses peut aider. Par exemple, si ton enfant a besoin de toi, on ne te demande pas de t’excuser et on t’encourage même à aller l’aider. Ce sont ce genre d’assises très humaines qui, j’espère, font en sorte que l’humain est aujourd’hui davantage au centre des préoccupations dans les entreprises. Je pense que la plupart des employés doivent se permettre de le dire quand ça ne va pas, car hiérarchie ou pas, nous sommes tous dans le même bateau en ce moment.
GAN : Mais, il n’y a pas que l’isolement ?
MM : En effet, non. Il y a des personnes pour qui le télétravail a été une révélation, car elles réalisent que seules, elles sont bien. La notion d’individualité fait en sorte que c’est différent d’une personne à l’autre. La santé mentale ne se résume pas uniquement à un état dépressif ou non. Elle peut être affectée par des événements ponctuels qui font qu’une journée, on va moins bien. Alors, les employeurs et gestionnaires ont tout intérêt à se montrer ouverts à ce que leurs employés expriment leur inconfort, même si ce n’est pas un état généralisé et à long terme. Il y a plein de petits gestes à poser pour remédier à des sentiments désagréables temporaires, comme proposer une journée de repos.
GAN : Quels sont les grands enjeux à venir ?
MM : Si on veut opérer un vrai changement dans la culture d’entreprise, il faudra appuyer les employés sans jugement, sans tabous. L’équilibre, la flexibilité, la vraie acceptation et un réel support figurent aussi parmi les défis. Et, cela ne se limite pas uniquement à offrir des programmes ; surtout, il est nécessaire d’être vraiment présent en tant qu’employeur. Toutefois, je pense que toutes les organisations ne sont pas prêtes à cela, mais voilà que nous avons une occasion formidable de réinventer les relations humaines, de prendre du temps de qualité et de nous arrêter. Espérons qu’elles sauront la saisir !
GAN : Faut-il s’attendre à un changement permanent des conditions de travail ?
MM : Absolument ! D’ailleurs, j’ose croire que les entreprises vont réfléchir avec leurs employés sur les conditions de travail du futur. Chez nous, nous sondons le personnel afin de connaître leurs préférences et nous savons déjà que nous allons permettre de poursuivre à 100 % en télétravail. Bien que ce dernier présente clairement beaucoup d’avantages, il faudra être vigilants afin de ne pas tomber dans les pièges dont, entre autres, celui de négliger la santé mentale des télétravailleurs. Aussi, il ne faut pas mélanger les cartes, car il y a le télétravail du futur et il y a le télétravail en temps de pandémie. Ce qui est difficile dans le contexte présent, c’est que les rencontres sociales sont réduites à néant et qu’il est impossible d’aller s’asseoir avec son ordi dans un café pour changer d’air. Une fois les restrictions sanitaires levées, je souhaite que la conciliation télétravail-vie sociale soit un scénario offrant un meilleur équilibre.