Maxi a lancé la semaine dernière sa plus récente publicité, une vidéo mettant une fois de plus en vedette son porte-parole de longue date, l'humoriste Martin Matte. Bien que, ces derniers temps, le supermarché a certes réussi à conquérir le coeur du public avec ses multiples offensives humoristiques, authentiques et mettant de l'avant les goûts et les idées des consommateurs, l'épicier semble cette fois avoir manqué son coup, accusé par plusieurs internautes d'avoir usé de grossophobie dans cette dernière publicité.
À la base, l'humoriste devait y faire la promotion des produits du Québec, mais son costume de « gros » semble avoir fait ombrage au message, attisant la colère du public, et engendrant déception et dénonciation chez les défenseurs d'une image corporelle à la fois saine et variée.
À la recherche de points de vue provenant de l'industrie publicitaire, nous avons recueilli l'opinion de professionnels afin de savoir si oui ou non, il est aujourd'hui risqué de lancer une publicité de ce genre dans la jungle, tout aussi opiniâtre que militante, des plateformes sociales.
Quand l'humour se garde une petite gêne
Pour Hugo Morin, directeur de création chez Havas Montréal, la publicité de Maxi représentait un bon moyen de passer le message de la consommation locale, et n'encourageait pas nécessairement la grossophobie. « On voit une personne qui a pris du poids par surplus de calories durant le confinement. Honnêtement, c’est le cas de beaucoup de mes collègues ! », s'amuse-t-il. « Je crois que si Martin Matte n’avait pas été costumé de manière si caricaturale, nous n’aurions pas cette discussion. Maxi jouit d’un personnage qui peut rire de lui-même, sans artifices. Si on avait vu les véritables poignées d’amour de Martin, on aurait trouvé ça drôle, vrai et humble. On aurait probablement plus parlé de body positivity. »
Hugo Morin ajoute qu'avec les codes sociaux actuels, qu'il juge parfois durs à saisir, « les publicitaires ont souvent l’impression de marcher dans un champ de mines. Parfois, on avance à grands pas, et parfois, ça éclate. »
La réflexion n'est toutefois pas la même du côté de Serge Leathead, président de l'agence Upperkut, qui croit qu'en 2020, ce type d'humour n'a pas sa place. « Nous croyons que toute forme d’humour qui vise à souligner des traits corporels ou une particularité physique d’un individu est devenue inappropriée à l’air de la diversité corporelle (...). Maxi est une marque qui a pris beaucoup de risques. Je crois que ça a été très payant jusqu’à présent. Toutefois, quand on prend des risques, ça implique parfois qu’on peut se tromper. Mais faire une erreur, c’est acceptable. »
Dans un texte publié sur la plateforme Linkedin, Sonya Bacon, directrice générale de Kabane Montréal, saluait aujourd'hui la réaction ingénieuse de l'agence lg2 et de son client Maxi suite à la polémique, tout en indiquant qu'elle ne croit pas que l'entreprise et son porte-parole aient volontairement voulu se moquer des personnes ayant un surplus de poids. « La publicité caricature tout simplement notre comportement et ses résultats, sans jamais penser ou chercher à atteindre les personnes ayant des problèmes de poids dus à d’autres facteurs. On reste dans le domaine de l’humour (...). Le but de ce message était simplement de rire gentiment de nos nouveaux comportements alimentaires. L’exercice était totalement louable et le résultat rigolo », croit-elle.
Cette dernière ajoute toutefois que la controverse actuelle semble découler « d'un problème d'image qu’on véhicule dans notre société», et des préjugés ambiants qui s'appuient sur l'archétype de la personne grosse trop souvent présentée sur le web et dans les médias comme étant « paresseuse, gloutonne et sans volonté ni contrôle ».
Les trois professionnels s'entendent cependant sur le fait que Maxi et lg2 ont su rapidement rattraper le coup, avec ingéniosité et humour, et en demeurant réceptifs aux demandes de la clientèle. « La rapidité de leur réaction démontre l’importance d’une gestion de communauté proactive. Le spot corrigé montre aussi l’importance que Maxi accorde à ses clients, et que la marque est à l’écoute. Après tout, le client a toujours raison », résume Sasha Audet, analyste et spécialiste numérique et médias sociaux chez Upperkut.
Si on a entre les mains une recette publicitaire gagnante, et que celle-ci s'expose sous le couvert de l'humour et de la dérision, peut-on quand même tout se permettre en ce qui concerne la conception créative d'une publicité ? À méditer !
Photo : capture écran Maxi