La SAAQ peut compter sur son porte-parole principal, Mario Vaillancourt et son conseiller stratégique, coordonnateur des campagnes publicitaires, Patrice Letendre pour développer des messages de sensibilisation destinés aux automobilistes.

Évidemment, pour les soutenir dans ce perpétuel défi, toute une équipe de stratèges et de créatifs, à l’externe comme à l’interne, est mise à contribution. Parce que changer les comportements n’est pas une mince affaire, Monsieur Letendre jette un regard aguerri sur le marketing sociétal.

Q : Est-ce possible de changer les comportements ?

R : Contrairement à la publicité commerciale qui est susceptible, de changer un comportement d’achat, le marketing sociétal, n’a concrètement rien à offrir au « consommateur ». Ce faisant, nous savons d’avance que ce type de campagnes vise à conscientiser les gens. Leurs principaux buts sont de valoriser les bons comportements, proposer des solutions aux mauvais et provoquer une identification à un problème.

Q : Quelles stratégies sont inhérentes à la réussite d’une campagne sociétale ?

R : Les effets du marketing sociétal se calculent en années, voire en décennies. Dans ce contexte, y consacrer seulement une année ou deux est presque voué à l’échec. Donc, il s’agit simplement de réunir les bons ingrédients : bien se préparer, bien connaître sa clientèle cible et ses comportements à améliorer, varier ses approches, multiplier les canaux de communication et par-dessus tout, répéter encore et encore. Comme on ne peut pas goûter à la recette au préalable, on doit l’ajuster au fur et à mesure.

Q : Avez-vous des statistiques éloquentes des répercussions de vos publicités ?

R : Dans le domaine du marketing sociétal, nous ne sommes pas en mesure d’isoler quel facteur a incité la population à modifier son comportement. Par contre, on peut établir un lien entre l’amélioration du bilan routier et une série de facteurs, tels que la présence policière, la météo, le coût de l’essence, l’amélioration des aménagements routiers ou des véhicules, etc., puis en conclure que les campagnes ont certainement contribué aux effets positifs à long terme.

Q : La preuve étant faite que les mentalités ont changé depuis les années 70 ?

R : Absolument ! Cela a demandé environ 25 ans de travail pour faire passer le bilan routier de 800 décès annuels causés par l’alcool au volant à 200 au début des années 2000 et moins de 120 aujourd’hui. Entre 1976 et le début des années 90, la portion d’automobilistes qui portent la ceinture de sécurité est passée de 50 % à 90 %. D’ailleurs, il est pertinent de noter que toutes les organisations (Transport Canada, ministère des Transports du Québec, corps policiers, médecins et autres) ont prêté main-forte afin de contrer ce problème.

Q : Le public semble-t-il se conscientiser davantage sur un sujet ?

R : La population est relativement ouverte aux messages de prévention concernant les drogues, l’alcool, les textos, les piétons. Par contre, la vitesse est un sujet extrêmement difficile à traiter : même après quelques décennies à mener des campagnes auprès du grand public, à faire des tournées dans les établissements d’enseignement et à faire des contrôles policiers, nos indicateurs de conscientisation sur la vitesse ne bougent à peu près pas. Bref, le dossier de la vitesse est l’un des plus ardus. 

Q : Conduire sous l’effet du cannabis est-il banalisé ?

R : D’abord, précisons que la SAAQ n’a pas attendu la légalisation du pot pour s’y attaquer. Cela dit, le groupe des 30 ans et plus reconnait les effets du cannabis sur la conduite, contrairement à celui des plus jeunes. Comme ils ne sont pas réceptifs aux avertissements des effets négatifs, relever le défi de la conscientisation s’avère encore plus grand.

Q : D’où l’importance d’adapter l’axe de communication ?

R : Nous avons vite constaté que de parler des effets nocifs de la drogue sur la conduite n’a pas d’impact important sur les jeunes. Or, nous avons modifié notre stratégie et plutôt misé sur la perception des risques légaux. C’est un discours qu’ils sont plus susceptibles d’écouter, car ils risquent gros. En ce qui a trait à l’alcool, au fil des ans nous avons fait la démonstration des effets sur la conduite, puis des risques et, ensuite, des conséquences judiciaires. Bref, la SAAQ veille à varier les discours et parfois elle se montre très directive à travers ses slogans.

Q : Diriez-vous qu’il est préférable d’éviter les messages alarmants et répressifs ou encore les images qui font peur ?

R : Au contraire ! Généralement, à la suite de nos analyses avec l’équipe de recherche, on se dit ou bien un effet-choc est souhaitable, ou bien l’heure est à la baisse de pression. Et, c’est important de doser adéquatement le niveau d’intensité, car bien qu’on veuille attirer l’attention, on risque de créer l’effet contraire. Ainsi, au lieu d’exagérer la réalité, il est préférable d’exposer une menace réelle et de prescrire le bon comportement. Il n’y a qu’à penser au message diffusé l’an dernier pendant le temps des fêtes. La scène donnait l’impression qu’un homme en état d’ébriété avait pris sa voiture alors que finalement, on comprenait qu’il avait dormi sur le divan de ses hôtes.

Q : Depuis l’avènement des nouvelles technologies, quels sont les moyens utilisés par la SAAQ pour rejoindre les différents publics ?

R : Depuis deux ans, on s’intéresse aux influenceurs pour passer nos messages, en plus de faire des stunts, dont celui mis en œuvre dans un abribus pour mettre en lumière la vulnérabilité des piétons face aux accidents de la route. Toutefois, la SAAQ croit encore fermement aux médias traditionnels, quoiqu’une bonne partie de notre budget ait été libéré pour assurer notre présence sur les médias sociaux, notamment pour s’adresser à une clientèle plus jeune et plus ciblée. Techniquement, cette dernière est plus facile à rejoindre, mais dans la pratique, plus difficile à éduquer. Par exemple, un message-choc ne passera pas inaperçu et fera même exploser la sphère virtuelle, mais cela n’est pas un gage de conscientisation. Bref, la quincaillerie technologique est en place, maintenant, il s’agit de trouver le bon message pour déclencher un processus de réflexion.

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