Il y a quelques semaines, j’ai été invité à une fête arrosée «adulte» dont les invités avaient de 35 à 50 ans. Au sous-sol, il y avait une autre fête composée des enfants de nos hôtes et amis cégépiens qui jouaient au «beer pong». Quel beau «focus group» pour un propriétaire d’agence qui s’intéresse à l’anthropologie de la jeunesse et qui se sent interpelé par la «neknomination».
Qu’est-ce que la neknomination
Se filmer en buvant de l’alcool, partager la vidéo sur internet et désigner des amis qui devront faire de même dans les 24 heures: la «neknomination», un nouveau jeu qui se propage sur le web qui fait réagir tous les parents, les intervenants et les médias au cours des dernières semaines.
Les réseaux sociaux et la consommation d’alcool
Il y a bel et bien une recrudescence des phénomènes d’incitation à une consommation excessive et dangereuse d’alcool sur les réseaux sociaux. Toutefois, les jeux d’alcool ne sont pas nouveaux et propre à la nouvelle génération!
Quand avons-nous commencé à consommer de l’alcool? Il y a très longtemps! Une hypothèse présentée par les professeurs Dustin Stephen et Robert Dudley et appelée poétiquement «The Drunken Monkey Hypothesis», l’hypothèse du singe «chaud», explique même que l’attirance et l’addiction pour l’alcool présent dans les fruits mûrs aurait présenté un intérêt évolutif pour nos ancêtres hominidés. Nos problèmes d’alcool s’expliqueraient alors par les progrès récents de la technique et donc de la concentration en alcool quelque peu supérieure dans les alcools distillés que dans les fruits légèrement fermentés.
Les jeux liés à l’alcool ne datent pas d’hier!
Déjà au temps de l’Empire Romain, alors qu’on privilégiait initialement une consommation modérée des boissons alcoolisées, la conquête du reste de l’Italie par l’Empire qui s’acheva en 200 AV JC s’accompagna d’une valorisation des excès dans la consommation d’alcool et c’est dans ce contexte qu’apparût…le premier jeu à boire dont j’ai pu retrouver la trace.
Ce jeu était assez basique; les romains se contentaient de lancer un dé et de boire le nombre de verres que ce dé indiquait.
Est-ce que la fête est étroitement reliée à la consommation abusive et dangereuse d’alcool? Adultes ou jeunes prennent plaisir de l’effet euphorisant de l’alcool.
Pour revenir à la soirée à laquelle j’ai assisté, certains adultes devaient présenter un taux d’alcoolémie très similaire aux jeunes du sous-sol qui se démarquaient davantage par la façon colorée de consommer leur alcool. Même que plusieurs adultes auraient bien aimé participer à cette joute de «ping pong» arrosée se remémorant leurs soirées arrosées de leur jeunesse.
Quand les réseaux sociaux s’en mêlent…
Au cours des dernières semaines, il est devenu pratiquement impossible de faire défiler votre flux Facebook sans rencontrer encore une autre vidéo de jeunes qui prennent part à la «NeckNomination» mélangeant l'alcool, les boissons énergisantes et parfois même des oeufs, du savon, de la nourriture pour chats ou pire, élevant la barre pour leurs «amis»…
Tout comme nos lecteurs, nous sommes très sensibles aux dangers liés à cette pratique que nous n’endossons pas du tout. Notre introduction de ce billet visait à mettre la table sur le côté historique des jeux de boissons qui expliquent à notre avis en partie ce phénomène.
Le principal danger de cette pratique repose sur le fait que le jeune se filme souvent seul «selfie» et n’aura pas l’aide d’amis ou de parents en cas de complication. Les cas recencés de comas éthyliques et de morts suite à la NeckNomination en font état.
De plus, les gens ne se limitent pas à une seule bière, malheureusement. On doit s’assurer de faire la bonne vidéo pour qu’elle soit vraiment virale et procurer notre «moment de gloire» auprès de nos amis. Certains trafiquent aussi la bouteille de vodka en la remplaçant par de l'eau pour épater la galerie…inspiré, l'autre va réellement boire une grande quantité de vodka à ses risques et péril.
Les organismes de sensibilisation devraient mettre en valeur des jeunes qui parlent aux jeunes et qui pourraient notamment leur expliquer qu’ils pourraient être soumis à des poursuites judiciaires jusqu'à l'homicide involontaire pour inciter ses amis à y participer.
Quand on est «taggé» dans un vidéo «neknomination» et qu'on a 24h pour «honorer» sa «neknomination», on peut ressentir, surtout chez les plus jeunes ou vulnérables, une pernicieuse pression sociale…avec comme objectif de devenir une vedette instantanée!
Ce que les jeunes peuvent faire…
Olivier Dion, l’ex-académicien de Star Académie a décidé dernièrement de réagir à sa manière en invitant les gens à suivre le contre-courant et à faire une bonne action, «One Good Action», plutôt que de participer aux «Necknomination». L’idée originale n’est pas de lui, comme ses chansons à Star Académie diront les mauvaises langues…
Mais, nous devons saluer son initiative d’avoir accepté le défi «One Good Action». Le chanteur a choisi d’acheter des repas chauds et de les distribuer à des gens qui en ont vraiment besoin. Il invite donc les gens à faire la même chose.
Plusieurs jeunes furent de fidèles téléspectateurs de Star Académie et il représente une figure populaire qui incite les jeunes à se questionner sur la question et proposer des alternatives à une mode qui ne s’éteindra pas à coup de publicités moralisatrices dans les médias ciblés pour les jeunes. On n'arrête pas un phénomène viral de la sorte. Cependant, on peut le contrecarrer par des mouvements internes et externes plus positifs. L'interdire ne changera rien. Pire, l'interdit créera une désirabilité encore plus forte chez certains.
Il y a quelques années, nous avons conçu une campagne de sensibilisation sur les effets des boissons énergisantes. Nous avions imaginé pour bonifier la campagne une discussion de déjeuner entre le parent et son enfant pour en discuter. Le parent était invité à questionner le jeune sur la quantité de caféine de ces boissons… Le problème est que plusieurs d’entre eux en discutaient entre deux gorgée de café… Il est important comme parent de se questionner sur ses propres comportements si nous voulons être crédible à leurs yeux.
La mouvance «Smart nomination» peut être tout aussi virale et même plus auprès des jeunes ! Se filmer entrain de faire quelque chose de positif plutôt que de se laisser aller à pathétique simple beuverie en solo est certainement plus stimulante!
Voici quelques exemples populaires sur le web:
Un jeune homme français a acheté des hamburgers et des bouteilles d'eau pour des sans-abris. Il s'était inspiré d'un Sud-Africain qui, au lieu de boire de l'alcool, a offert de la nourriture à des gens dans le besoin. Une jeune femme du Costa-Rica a, quant à elle, couper la poire en deux. Elle a d'abord ramassé des déchets sur une plage, puis s'est offert une bière en récompense.
La Smartnomination permet à certains de laisser aller leur créativité dans la conception d'une situation particulièrement cocasse ou ingénieuse. De faire valoir des talents de réalisateur-monteur par exemple. De détourner partiellement le mouvement par le biais d'une conscientisation originale et humoristique.
Aussi, la nicnomination qui vise à déplacer l’attention sur la necknomination.
La necknomination sera probablement qu’une mode passagère, mais l’Internet et la gratification spontanée du web génèrera certainement de nouveaux phénomènes tout aussi dangereux. Il est important que notre société et les parents se penchent plus sérieusement sur l’intimidation, la confiance en soi des jeunes et la sensibilisation avec des messages audacieux mieux adaptés pour la cible.