En raison de l’utilisation croissante que font les employeurs et recruteurs d’outils technologiques, il devient quasi-inévitable pour ceux qui souhaitent faire progresser leur carrière d’avoir un curriculum vitae adapté aux moteurs de recherche internes des plateformes de recrutement et être présent sur les réseaux sociaux. De nos jours, dans beaucoup d’organisations, les dossiers de candidature reçus seront d’abord analysés par un ordinateur programmé pour rechercher dans le document des mots clés, généralement une liste de buzzword, des termes à la mode, issus du jargon typique au secteur d’affaires concerné. Pour avoir la chance de voir son curriculum vitae présenté à un autre être humain, le candidat doit donc tout d’abord surmonter cette barrière technologique.

Je ne nie pas qu’il puisse être utile d’avoir recours à ces outils de repérage pour le recrutement de certains postes. Par exemple, il me parait tout à fait approprié de s’en servir pour le recrutement de fonctions dont les exigences incluent la connaissance de logiciels spécifiques et il tombe sous le sens de rechercher des candidats ayant acquis la maitrise de l’utilisation de mots clés dans leur présentation, pour doter un poste de rédaction web. Mais ces moyens sont-ils aussi appropriés pour le recrutement d’infirmières, de comptables ou de courtiers en assurance?

Il en est de même en ce qui concerne les contributions que feront les candidats sur les réseaux sociaux. Est-il dans tous les cas pertinents de s’y attarder?

De ce phénomène découle une tendance que je déplore: lorsqu’ils s’engagent dans la recherche d’un nouvel emploi, les candidats sont souvent davantage préoccupés par l’image qu’ils projettent que par les autres aspects de leur employabilité. Selon le Ministère français chargé de l’emploi, l’employabilité est «la capacité d'évoluer de façon autonome à l'intérieur du marché du travail, de façon à réaliser, de manière durable, par l'emploi, le potentiel qu'on a en soi. L'employabilité dépend des connaissances, des qualifications et des comportements qu'on a, de la façon dont on s'en sert et dont on les présente à l'employeur».

Lorsqu’il m’arrive d’accompagner des professionnels du marketing ou de la communication dans leur transition professionnelle, il me semble tout naturel de les entendre évoquer leur «marque personnelle». Par ailleurs, quand j’entends ces mots de la bouche d’un actuaire ou d’un gestionnaire immobilier qui me demande mon appui pour le développement de son «personal branding», j’ai du mal à retenir une grimace. Ces personnes rechercheront généralement un soutien pour créer un alter-ego lisse et attrayant, une image qui aura souvent peu à voir avec la personne qu’elle doit représenter et ils rechigneront à l’idée d’accomplir le travail préliminaire qui est nécessaire pour définir la promesse qui doit être projetée par cette marque. En fait, lorsque j’utilise le terme «promesse» et explique qu’il s’agit du bénéfice que pourra espérer y trouver «l’acheteur», j’y perds déjà la plupart de ces personnes.

Dans le but de bonifier et (je l’admettrai), faciliter mes interventions auprès de ces personnes, j’ai récemment effectué des recherches sur le personal branding, dans l’espoir de trouver des textes vulgarisant ce concept. C’est avec satisfaction, je dirais même une certaine vindicte, que j’ai pu constater que je suis loin d’être la seule personne qui est irritée par l’utilisation élargie de ce concept aux personnes, mon point de vue parait même être partagé par plusieurs professionnels du marketing…et du branding!

Je me permettrai donc ce bref conseil à ceux qui n’œuvrent pas dans des fonctions proches du développement de marques commerciales: cessez de vous préoccuper par la forme de votre communication (votre « marque personnelle » à définir) et concentrez-vous davantage sur le fond, l’optimisation et la mise en valeur du bagage de compétences et connaissance que vous avez à offrir, la réputation que vous avez créée au cours de votre cheminement professionnel et les attentes que vous avez en retour de votre contribution éventuelle. Croyez-moi, beaucoup de gens qui n’ont pas su développer une signature de marque arrivent néanmoins à décrocher des emplois intéressants à tous les jours…

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