Certains chercheurs d’emploi s’engagent dans la démarche comme s’il s’agissait d’une loterie. Pour augmenter leurs chances au tirage, ils multiplient les envois de curriculum vitae sans prendre le temps de qualifier leur offre professionnelle en relation avec les exigences des postes pour lesquels ils postulent. Parfois, l’écart entre les prérequis identifiés dans l’offre et la candidature proposée est si large que le destinataire aura beaucoup de mal à comprendre ce qui a fait en sorte que le candidat a cru qu’il pouvait se qualifier pour la fonction. À l’époque où je travaillais en recrutement, il m’est arrivé de recevoir plusieurs curriculum vitae de travailleurs de la construction en réponse à une annonce recherchant un chef de produit dans le domaine de la quincaillerie!

À l’inverse, d’autres candidats hésiteront à postuler pour quoi que ce soit. Ils étudieront minutieusement chaque offre d’emploi, analyseront leur candidature en relation avec chacun des énoncés, puis ils tergiverseront avant d’expédier chaque curriculum vitae et ne procéderont que lorsqu’ils sont parfaitement convaincus de correspondre à 100% aux exigences du poste, limitant ainsi au minimum la portée de leurs actions en recherche d’emploi.

Il y aurait pourtant lieu de viser un juste milieu entre ces positions extrêmes. En ce sens, il est utile de garder en tête, que par définition, un affichage de poste devrait décrire le «candidat idéal», alors qu’il est probable que le processus de recrutement conduira à l’embauche du «meilleur candidat disponible et intéressé», un être dont l’expérience et le bagage professionnel offrira sans doute une grande proximité avec le profil recherché, mais qui correspondra rarement à l’idéal avancé.

La loi de l’offre et de la demande explique bien sûr en partie ce phénomène, mais il est également tributaire de la difficulté inhérente au fait d’isoler toutes les variables du bagage professionnel requis et d’exprimer celles-ci sous une forme précise et mesurable dans l’affichage, pour permettre au candidat de s’évaluer justement en relation avec les exigences. Malgré toute la bonne volonté et la rigueur démontrée par l’employeur, une part de subjectivité demeure inévitable, du moins en ce qui concerne la formulation de certains critères. Voici des exemples d’exigences tirées d’affichages de poste présentés dans le Grenier aux Emplois:

• «Habileté à définir et assurer l’implantation d’une stratégie commerciale»;
• «Engagement sérieux envers les résultats et le travail d’équipe»;
• «Rapidité d’exécution»;
• «Sens inné pour le service à la clientèle»;
• «Bilinguisme obligatoire».

Êtes-vous en mesure de vous évaluer précisément en relation avec ces critères? Pas moi. Suis-je rapide d’exécution? Je ne saurais le dire, quelle est l’échelle de mesure? Suis-je aussi rapide ou plus ou moins rapide que les autres candidates qui œuvrent dans le même domaine que moi, encore une fois, je ne pourrais pas me prononcer et il en serait sans doute de même pour l’ensemble des critères énoncés ci-haut.

Lorsqu’il doit recruter, il est bien sûr souhaitable et louable que l’employeur investisse des efforts pour tendre vers une évaluation aussi objective que possible et qu’il évite l’arbitraire, en réduisant le flou entourant certaines exigences et en veillant à n’inclure que les éléments réellement pertinents, mais l’objectivité parfaite est irréaliste. Pour y arriver il faudrait standardiser à l’extrême, multiplier les critères et les indicateurs, ce qui aurait sans doute pour conséquence de déshumaniser complètement ce processus.

Comment le candidat peut-il composer avec ce flou? En démontrant le plus de rigueur possible lorsqu’il s’évalue en relation avec un affichage de poste, tout en gardant en tête que la subjectivité intrinsèque de certains critères s’ajoute à celle qui est propre à son analyse. Lorsque le doute persiste, je recommanderais de pencher vers une «subjectivité généreuse» envers soi-même: si l’on croit posséder la plupart des critères requis, ou si l’on pense correspondre aux plus significatifs, on devrait postuler et participer avec enthousiasme aux entrevues lorsqu’on y est convié, en espérant de tout cœur que l’employeur ne donne pas raison à cette maxime:

«Nous croyons parfois que les gens sont des billets de loterie: qu'ils sont là pour transformer en réalité nos absurdes illusions.» (L'Ombre du vent, Carlos Ruiz Zafòn)

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