«Les pâtes sont cuites!» pour Barilla Canada: une demande d’autorisation d’une action collective contre le géant des pâtes alimentaires italien est actuellement en cours pour publicité trompeuse2. L’objet de cette ire réside dans l’expression «Italy’s #1 brand of pasta / La marque de pâtes No.1 en Italie» apposée sur tous les produits de la marque aux paquets bleus, et assortis d’un drapeau italien. Le hic? Les pâtes sont produites au Canada ou aux États-Unis.

Dans le cadre du de la demande en action collective, les consommateurs allèguent avoir été dupés quant à la provenance et la qualité véritable des produits. En effet, selon leurs allégations, leur choix s’était porté sur les pâtes Barilla précisément, car ils les pensaient authentiquement italiennes, et donc de qualité supérieure, et étaient prêts de surcroît à payer plus cher en raison de cette assurance.

Cette action collective constitue une bonne occasion de rappeler les principes de la publicité fausse ou trompeuse ainsi que des préceptes en matière de publicité comparative au Québec.

Principes généraux
Au Québec, quiconque se livre à de la publicité mensongère ou adopte des pratiques de marketing trompeuses s’expose à des conséquences substantielles pouvant aller jusqu’à plusieurs millions de dollars d’amende3, notamment en vertu de la Loi sur la concurrence4 (« LC ») et de la Loi sur la protection du consommateur5(« LPC »)6.

De manière générale, la LC et la LPC interdisent les indications fausses ou trompeuses qui portent sur «un point important», c’est-à-dire celles qui s’avèreraient être le point de bascule du geste d’achat du consommateur vers un produit plutôt qu’un autre. Cette notion centrale est évaluée selon le critère de l’impression générale. Le Bureau de la concurrence donne des lignes directrices7 en la matière et prescrit que l’impression générale doit s’analyser objectivement du point de vue d’un consommateur crédule et inexpérimenté. La Cour suprême du Canada s’est elle-même penchée sur l’analyse de ce critère à la lumière de la LPC dans l’affaire Richard c. Times8.

D’autres lois viennent également encadrer plus spécifiquement les pratiques publicitaires, telles que Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation9 («LEEPC»). En outre, selon l’article 7 LEEPC, il est interdit d’apposer des informations fausses ou trompeuses se rapportant au produit ou pouvant raisonnablement donner cette impression.

En l’espèce, les consommateurs des pâtes Barilla arguent qu’ils pouvaient légitimement avoir l’impression générale que le produit qu’ils s’apprêtaient à acheter provenait d’Italie et était fabriqué avec de la farine Italienne supérieure, et ce après une simple lecture des phrases prédominantes de l’emballage et de la présence du drapeau italien10.

Règles spécifiques aux allégations comparatives et d’origine
L’apposition d’indications géographiques sur les emballages du produit peut également jouer de mauvais tours aux commerçants. En effet, laisser croire erronément au consommateur que le produit provient d’un pays spécifique pourrait être considéré comme une allégation d’origine trompeuse. À titre d’exemple, la Cour fédérale a affirmé que l’étiquetage de bouteilles de vin produites en Cisjordanie avec la mention «Produit d’Israël» constituait une allégation fausse ou trompeuse, car le vin était produit à partir de raisins cultivés et traités dans des colonies Israéliennes basées en Cisjordanie, lesquelles ne font pas partie de l’État d’Israël11. Qui plus est, l’utilisation l’expression «#1» peut être considérée comme de la publicité comparative, pratique également réglementée en matière de publicité fausse ou trompeuse. Les principes régissant la publicité comparative ont été récemment rappelés dans la décision Energizer Brands12, faisant déjà l’objet d’un précédent article13.

Cadre auto-réglementaire
Les Normes Canadiennes de la Publicité (NCP) viennent compléter ces règles législatives par le biais d’un cadre auto-règlementaire14. Par exemple, les lignes directrices du Code canadien des normes de la publicité15, un outil d’autorégulation administré par les Normes canadiennes de la publicité, prévoient que toute allégation dans une publicité doit être soutenue par des preuves concluantes et fiables. Si une allégation s’appuie sur des données de recherche, par exemple, celles-ci devraient être raisonnablement établies et fiables, et tous les détails pertinents doivent être clairement énoncés et compréhensibles.

Les points à retenir
Bien que cette action collective ne soit qu’au stade de la demande, elle envoie toutefois un rappel musclé sur la frontière mince entre de simples inscriptions sur des emballages et la publicité trompeuse. Afin d’éviter de se retrouver dans ces situations, les commerçants doivent considérer leurs produits de manière globale et éviter des titres trop alléchants en utilisant des termes pouvant créer de la confusion dans leur étiquetage, et ce toujours en se plaçant du point de vue du consommateur crédule et inexpérimenté. Si vous avez des questions en matière d’allégations d’origine, de publicité comparative ou de toute autre initiative publicitaire, n’hésitez pas à contacter les membres de notre équipe en Droit de la publicité et du marketing et des Affaires réglementaires.

robicCaroline Jonnaert, Associée, Ph.D., Avocate et agente de marques et Stéphanie Karam, Avocate 1, ROBIC, s.e.n.c.r.l.

[1] Caroline Jonnaert est avocate, agente de marques et associée, et Stéphanie Karam est avocate chez ROBIC, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d’avocats et d’agents de brevets et de marques de commerce. Elles tiennent à remercier Lucie Tornier pour sa contribution à la rédaction de cet article.
[2] Application for authorization to institute a class action, filed by Lex Group on October 25, 2022
[3] Communiqué de presse du Bureau de la Concurrence Canada, Keurig Canada paiera une sanction de 3 millions de dollars concernant les indications sur le recyclage des capsules de café (en ligne)
[4] Loi sur la concurrence, LRC 1985, c C-34, art 52 et 74.01(1)
[5] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1
[6] Au-delà des amendes salées maximales de 750 000$ pour les personnes physiques et de 10 000 000$ pour les personnes morales, une ordonnance de restitution peut également être rendue par le tribunal, exigeant alors le dédommagement direct des consommateurs ayant acheté le produit litigieux
[7] Bureau de la Concurrence Canada, Le critère de l’impression générale (en ligne)
[8] Richard c. Times Inc., 2012 CSC 8 (CanLII)
[9] Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, LRC 1985, c C-38
[10] Knafo c. Barilla Canada inc., 2023 QCCS 3408 (CanLII), au para 1 et 2
[11] Kattenburg c. Canada (Procureur général), 2019 CF 1003 (CanLII), [2019] 4 RCF 747, au para 128
[12] Energizer Brands, LLC c. Gillette Company, (2023) CF 804
[13] Caroline Jonnaert et Stéphanie Karam, Publicité comparative et marques de commerce : l’affaire Energizer Brands LLC c. Gillette Company, Publications ROBIC (en ligne)
[14] Les normes Canadiennes de la publicité, Les lignes directrices portant sur la publicité (en ligne)
[15] Norme de la publicité, Code canadien des normes de la publicité (en ligne), art. 1