Le spectre de l’autisme, ça vous dit quelque chose ? Tel le spectre des couleurs de la charte Pantone, il est extrêmement large et varié. Il est déterminé par un diagnostic établi par des professionnel·les de la psychiatrie, qui indique un niveau entre 1 (faible besoin de soutien) et 3 (grand besoin de soutien). On parle alors de cerveau neuro-atypique. Le spectre est si large et les symptômes sont tellement variés qu’il est possible que des gens de votre entourage évoluent avec cette neuro diversité depuis longtemps sans même le savoir. Le bec a rencontré Valérie Jessica Laporte, alias Bleuet atypique qui a décidé de parle ouvertement de sa différence via ses médias sociaux. On a voulu en savoir davantage sur sa réalité professionnelle et en quoi cette distinction neurologique lui apporte des défis mais aussi des avantages au quotidien.

Comment as-tu obtenu ton premier diagnostic ?
VJL
 : Je faisais du camping avec mes enfants et nous jouions à la pétanque. Une dame m’a approchée. J’ai su plus tard qu’elle avait tout de suite remarqué que j’étais autiste. La manière dont je parlais à mes enfants, dont je tenais la boule de pétanque, la main que je mettais systématiquement sur ma tête, ma manière de bouger… Pour elle, c’était flagrant. Elle a décidé ce jour-là qu’elle allait devenir mon amie. Comme elle connaissait bien l’autisme, elle a su m’approcher de manière à ce que je sois confortable et elle a atteint son but. Ce fut la première amie que j’ai réussi à traiter comme tel, sur du long terme. Après m’avoir mise en confiance durant plusieurs mois, elle a abordé le sujet. Elle m’a proposé de passer des tests pour savoir ce que j’avais. L’idée me terrorisait. Il était évident que j’étais différente et je craignais que ça me mette la DPJ sur le dos, qu’on me surveille, qu’on me force à me médicamenter ou qu’on m’enferme. Je ne connaissais pas du tout l’autisme, alors je n’avais pas pensé que c’était ça, la réponse.

Est-ce que tu mentionnes ton diagnostic dans un contexte ? Et pourquoi ?
VJL
 : Si je ne suis pas dans une situation vulnérable dans laquelle je dois me défendre contre une menace, une relation non égalitaire, ou parce que je sens que la personne en face de moi n’est pas respectueuse, capable de comprendre ou qu’elle pourrait en profiter, je me permets d’en parler. Parfois, je demande à des gens de le faire pour moi. Si je sens de l’inconfort ou de l’incompréhension, je le dis. Souvent j’attends d’avoir commis une erreur. Je ne le dis pas d’emblée, je souhaite que les gens voient au-delà de ça. Je m’excuse de mon erreur, je nomme ma vraie intention, et je mentionne que l’autisme apporte des défis à ce niveau et que ce n’est pas intentionnel. Souvent, je surcharge au niveau sensoriel et alors les gens peuvent croire que c’est leur faute. C’est mieux d’expliquer que l’autisme rend les stimuli agressants. Mon amoureux m’a dit : « Souvent, les gens voient que tu as un truc différent et ils cherchent. Ils se demandent s’ils ont fait quelque chose de mal et quand ils cherchent, ils ne sont pas disponibles aux échanges. Nommer l’autisme, ça te permet de plus facilement tisser des liens. » J’aime suivre ce conseil.

Une personne neuro-atypique dans un milieu professionnel rencontre des défis mais apporte aussi son lot d’avantages. Peux-tu en nous mentionner quelques-uns?
VJL
 : J’ai un grand besoin de compléter les choses, si on me donne une tâche, c’est viscéral, je dois l’accomplir. Je peux passer énormément de temps en état de grande concentration si on me laisse tranquille. Tout doit être classé, pensé, structuré et fait avec logique. Je prends donc le temps de réfléchir à la manière dont je vais accomplir le travail à venir. Ça me permet de l’optimiser et de gagner énormément en vitesse. Je suis rigoureuse, intègre et incapable de fourberie. Si on ne me demande pas de devenir la reine de la machine à café et que l’on comprend ce dans quoi je suis compétente, je peux être exceptionnellement efficace.

Peux-tu élaborer sur les défis ?
VJL
 : La gestion du small-talk est un véritable cauchemar, les pertes de temps entre collègues, le bruit ! Oh le bruit, quelle horreur. Les odeurs multiples et envahissantes, la compétition entre employés, les non-dits, les règles qui ne sont pas de vraies règles, le commérage et les imprévus. Laissez-moi travailler ! Pitié.

Raconte-nous une anecdote d’une expérience passée qui reflète un avantage de collaborer avec toi ?
VJL
 : Je suis maintenant designer graphique à mon compte. Je dois travailler avec des cordonnateurs·trices et ces personnes doivent être claires, concises, précises et ne laisser aucune place à l’interprétation dans leurs communications. Une des premières choses que je fais, c’est de leur apprendre à transmettre correctement les spécifications du mandat. Ça m’est arrivé à plusieurs reprises que ces personnes aient une promotion ou migrent vers un emploi étant une évolution de leur carrière. Un commentaire est revenu à maintes reprises, on m’a dit que je leur avais appris à mieux travailler. Mes besoins obligent les clients à s’interroger sur ce qu’ils veulent vraiment, ce qui leur fait souvent réaliser qu’ils ne le savent pas. Tous les designers graphiques ne sont pas autistes, mais tous ceux qui reçoivent des instructions sont plus efficaces et répondent mieux aux besoins quand c’est bien organisé dans la tête du client et dans la demande. 

On pourrait s’interroger, est-ce que ça m’enlève de la créativité, de l’autonomie ou de l’esprit d’initiative ? Non, pas du tout. Ça me donne simplement des balises claires, des piliers sur lesquels me fonder, et qui varient d’un client à l’autre.

Dans tes mots, qu’elle est ta définition du bien-être?
VJL
 : Avoir la possibilité de se développer à notre plein potentiel en tenant compte de nos forces et de nos défis. La liberté d’être, de ne pas devoir masquer, être authentique. La permission d’exister tout entier et de dessiner notre vie de la couleur qui nous convient. Se réaliser, atteindre des buts et apprécier chaque petite victoire. Être entouré d’humains de notre choix, avec lesquels nous nous élevons mutuellement.

On aurait pu converser pendant des heures avec Valérie Jessica. Son humour fait tomber les barrières et son ton désinvolte nous permet de poser lui poser des questions comme on le ferait avec une amie. Pour en savoir plus, vous pouvez la suivre sur ses médias sociaux sous le nom de Bleuet atypique. Pour vous aider à démystifier l’autisme chez l’adulte, elle offre des conférences, un blogue et des capsules vidéo.

On termine avec cette illustration d’Élise Gravel qui boucle bien le sujet !
eliseSource : Elise Gravel

Pour être accompagné·e selon vos réalités, la ligne d’assistance du bec est là pour vous, 24/7 : 1-888-355-5548.

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