Je me surprends à ressentir beaucoup d’émotion et d’humilité en commençant la rédaction de ce texte. Je me sens privilégiée de pouvoir presque quotidiennement en apprendre sur l’ouverture sur l’autre dans le cadre de mon travail. La curiosité et la réceptivité ont toujours fait partie de ma vie professionnelle. Quand on évolue dans le milieu de la traduction, on découvre toutes sortes de concepts qui nous seraient restés inconnus si on n’avait pas eu à les transposer dans une autre langue. À force de côtoyer une langue, une culture et des concepts étrangers, on élargit ses horizons. Dans un contexte où la polarisation des opinions est omniprésente et vient fragiliser le tissu social, l’ouverture aux autres est un atout indéniable.
Un tout nouveau monde
Depuis plusieurs mois, je me suis plongée dans l’univers de l’écriture inclusive et je me rends compte que jusqu’ici, mon univers était en fait plutôt restreint. La réalité des autres êtres humains recèle encore des secrets pour moi. J’ai une connaissance bien imparfaite des peuples autochtones, des personnes handicapées ou encore des communautés racisées. Ce sont des notions que je n’ai pas souvent eu à nommer, ou bien que j’ai eu à nommer à une autre époque, celle où on ne se posait pas trop de questions sur le poids des mots.
Au cours des derniers mois, mes travaux de recherche et d’observation sur la langue m’ont fait découvrir l’importance de la perception qu’ont les gens des termes qu’on utilise pour les nommer. Je suis profondément contre la censure et la mise à l’index, tout particulièrement dans un contexte d’enseignement. Mais il y a moyen de choisir des tournures respectueuses et justes dans nos communications.
Des mots qui frappent
La polarisation croissante devrait nous pousser à réfléchir et à évoluer. Quand on accepte d’écouter l’autre, de s’ouvrir à sa réalité et de se mettre à sa place, on comprend vite que le choix des mots a un impact. Les puristes me reprocheront l’utilisation du mot impact, mais j’assume pleinement. Parce que certains termes peuvent avoir l’effet d’un coup de poing. Et c’est le rôle des langagiers, rédactrices, journalistes et communicateurs de tous azimuts d’adopter un vocabulaire approprié. Pour le faire entrer dans l’usage. Pour ne laisser personne derrière.
Cette démarche m’a fait sortir de ma zone de confort, comme on dit. Moi qui manie le verbe avec aisance depuis quelques décennies déjà, je me retrouve à douter, à reformuler et à consulter à tout vent. Ce n’est plus seulement la recherche du mot juste qui m’anime, mais bien davantage la volonté de découvrir l’autre, de le comprendre et de lui rendre justice dans mes communications.
Anik Pelletier est vice-présidente du service de Langage de marque chez Bleublancrouge. Elle évolue dans le milieu langagier depuis 30 ans et s’occupe de francisation depuis plus de 20 ans. Ce texte a été écrit avant le retrait d’un commentateur de Radio-Canada des Jeux olympiques pour des propos déplacés.