Alors que l’émission La facture relayait les limites du sociofinancement sur une plateforme comme Kickstarter (liée à des projets créatifs), force est d’admettre que cette option de « financement participatif » ne se limite pas qu’à l’appui de startups et de lancement de nouveaux produits.
En fait, le sociofinancement puise fort probablement ses racines dans la philanthropie traditionnelle, alors qu’on sollicitait déjà nos réseaux personnels et notre entourage immédiat (voir notre voisinage) pour acheter des palettes de chocolat au primaire. La modernité s’est amenée et le sociofinancement se fait désormais sur des plateformes numériques au style liché, impressionnant et qui démontrent que la force du groupe peut avoir un pouvoir exponentiel.
Mais attention.
Effet boule de neige
Les bonnes histoires, il y en a une tonne. Récemment, les proches d’Antoine Frappier (atteint d’un cancer de l’estomac) ont lancé une campagne sur GoFundMe qui dépasse actuellement 245 000 $ de dons auprès de près de 2 000 donateurs, pour un don moyen de près de 125 $. De ces données, 15 dons sont de 2 500 $ et plus — un franc succès en moins de deux semaines !
Car l’avantage de ces campagnes (et leur point fort) réside dans le fait que l’impact est tangible, car on vise généralement à soutenir une famille ou un individu — bref quelqu’un de bien réel et non pas des projets, des programmes ou une mission plus large. Ainsi, le désir de contribuer à quelque chose de plus grand trouve écho dans cette stratégie et l’effet boule de neige généré.
Ce n’est pas pour rien que plusieurs organisations de bienfaisance ont relevé des opportunités dans ce modèle et l’appliquent dans leurs stratégies de collecte de fonds.
Alors où est le mal ?
Génération de donateurs « plaster »
Que cela soit absolument clair, il n’y a rien de mal à soutenir une personne dans le besoin. C’est une forme totalement louable d’appui et le but n’est pas de limiter ces implications philanthropiques. Par contre, il faut aussi avoir un œil plus macro sur la situation. Si nous restons avec l’exemple du cancer, de telles campagnes viennent en aide spécifiquement à un individu, à sa condition.
Que reste-t-il pour la recherche contre le cancer, pour l’amélioration des soins et des traitements, pour les besoins supplémentaires comme l’aide psychologique, les programmes de santé physique et l’hébergement ? Rien. Car si à chaque fois que vous posez un geste philanthropique vous dirigez votre portefeuille vers une campagne de sociofinancement, vous mettez un « plaster » sur le problème. Rien ne se règle à la base, rien ne pourra changer pour d’autres qui vivront, à terme, une situation similaire.
La solution
La solution n’est pas d’arrêter de donner, loin de là. Mais vous pourriez vouloir explorer l’idée de répartir vos actions philanthropiques dans un spectre plus large en considérant l’immédiat, le long terme et même au-delà.
Impact dans l’immédiat : je réponds directement à une histoire ou un projet qui vient toucher ma « corde sensible »
Impact sur le long terme : je souhaite contribuer à [améliorer le sort/éradiquer/favoriser/etc.] une ou plusieurs causes qui rejoignent mes valeurs et mes intérêts.
Impact qui me survivra : je souhaite qu’au-delà de mon vivant, mon legs continue de faire la différence et perpétue mes valeurs.
Ainsi, en considérant les aspects à la fois émotifs et rationnels de vos engagements philanthropiques, vous vous assurez non seulement de panser les plaies, mais également de limiter, voire mettre fin à toute hémorragie future.
Soyez vigilants
Alors que les financements sur certaines plateformes ne garantissent pas l’obtention d’un éventuel produit, les dons sur les plateformes reposent sur le lien de confiance que vous avez avec la campagne de sociofinancement. Car contrairement aux organismes de bienfaisance (OBE), rien ne contraint les individus qui reçoivent vos sommes à les utiliser à l’escient publicisé. Loin de vouloir vous effrayer, soyez minimalement vigilant et portez une attention particulière si la campagne n’est pas endossée par un OBE ou une plateforme de confiance qui versera les sommes à un OBE, comme Simplyk, par exemple.
N’oubliez pas que les OBE sont régis par l’Agence du revenu du Canada et que plusieurs adoptent la Charte des droits du donateur qui donne « l’assurance que [les] dons seront utilisés dans le but dans lequel ils sont faits ». De plus, seuls les OBE sont autorisés à vous remettre un reçu fiscal pour votre don et ainsi vous permettre des économies d’impôts — un élément parfois non négligeable qui pourrait vous permettre de donner davantage.
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Daniel H. Lanteigne, CFRE, CRHA
Consultant, BNP Performance philanthropique
Chargé de cours, Certificat en gestion philanthropique de l’Université de Montréal
Président désigné, Association des professionnels en philanthropie — section du Québec