Chaque épisode de « Créative » met en lumière les dilemmes d’un leader créatif en transformation.
La semaine dernière, Marc a présenté un plan qui s’est heurté à une réception tiède.
Cette semaine, il perd un pilier. Et son départ oblige Marc à regarder ce qu’il projetait sur elle — ses attentes, ses espoirs, et sa peur d’être seul.
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Zarah était revenue depuis quelques semaines. Discrète, mais là.
Marc s’était dit qu’elle observait. Qu’elle prendrait sa place dans ce nouveau virage quand elle serait prête. Et puis un matin, elle lui demande cinq minutes. Juste cinq minutes.
Elle ferme la porte du bureau. Son carnet à la main.
— Je quitte l’agence.
Marc relève la tête, figé.
— T’es sérieuse ?
— Oui. J’ai accepté un poste ailleurs.
Silence. Marc sent une boule de feu se former dans ses tripes.
— Zarah… tu sais dans quoi on est en train de s’embarquer. T’es au courant du plan, de ce qu’on essaie de mettre en place…
— Justement.
Marc se lève, contourne son bureau.
— T’as pas idée à quel point je me suis inspiré de nos conversations au fil du temps. J’ai écouté! J’ai pas juste fait un « plan PowerPoint ». J’ai voulu répondre à ce que j’entendais.
Elle soupire doucement.
— Tu m’as entendue, Marc. Mais t’as pas écouté l’équipe. Pas pour vrai.
— Je vois les signaux. Les départs. L’épuisement. Je les ai sentis passer, moi aussi. J’ai vraiment besoin de faire une étude de marché avant de changer les choses?!
— Exactement. (Elle le fixe.) T’as construit un plan sur des anecdotes, pis sur ton feeling. T’as réagi à l’angoisse collective de l’industrie, mais t’as pas été chercher nos données, notre vérité à nous. T’as fait exactement ce que tu répètes à l’équipe de ne pas faire pour nos clients : créer sans fondation.
— Alors je fais quoi ? Tout pète!
— Tu poses les vraies questions. Tu prends le temps d’explorer ce qui ne va pas, où ça bloque, pis pourquoi. T’assumes que t’as pas encore la bonne lecture.
(Elle le regarde droit dans les yeux.)
— Pis tu laisses pas ton égo prendre le lead juste parce que t’as peur de perdre du monde.
Marc se serre la mâchoire.
— Zarah… t’es brillante. T’es capable d’aider à structurer ça. T’as une place au cœur de ce virage-là.
Elle hoche la tête.
— Peut-être. Mais j’ai pas l’énergie pour ça. J’ai une famille à la maison, j’ai besoin de stabilité. Pis pour être bien honnête : j’veux juste faire de la bonne pub dans un environnement sain. J’ai pas le goût de gérer une transformation culturelle en parallèle. J’ai besoin de clarté, pas de flou.
Marc ne dit rien. Il est figé. Frustré. Triste. Peut-être même un peu jaloux.
— Fait que tu me laisses en plan.
— Non. J’me retire du plan, c’est pas pareil. Je veux pas être une pièce de ton casse-tête. Je veux juste respirer. Pis en ce moment, c’est pas ici que je vais y arriver.
Elle s’apprête à sortir. Puis se retourne.
— Tu veux transformer l’agence ? Commence par changer ta posture. Pose moins de réponses, pis plus de questions. Qu’est-ce que les gens vivent vraiment ? À quoi ils s’accrochent ? Qu’est-ce qu’ils tolèrent, pis pourquoi ? C’est quoi les silences qu’on entend jamais en réunion ? Mais si tu veux ces réponses-là, Marc, va falloir que tu descendes de ta tour.
Elle lui laisse ça. Pas comme une leçon. Comme un constat.
Et elle sort, sans claquer la porte.
Marc reste là.
Pas démoli. Mais vidé.
Il pensait que Zarah resterait. Il l’avait intégrée à son scénario.
Et là, il réalise : elle n’en a jamais demandé le rôle.
Il regarde la porte.
Il ne sait plus s’il veut démolir ou bâtir quelque chose… ou juste prouver qu’il est encore capable de bâtir.
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Carnet de notes:
Est-ce que j’ai écouté pour comprendre, ou pour valider mon instinct ?
Si j’étais vraiment prêt à transformer la culture, est-ce que je commencerais par imposer un plan ?