Affaires de l'industrie

«Créative», une nouvelle série hebdo fictive

par Rachelle Houde Simard 4 avril 2025

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L’industrie créative au Québec est brillante. Vibrante. Mais elle brûle vite — et parfois, elle brûle les gens.

À travers une fiction en 13 épisodes, cette série explore les tensions très réelles que vivent les dirigeant·es d’agences aujourd’hui : comment soutenir des équipes épuisées ? Comment concilier performance, bien-être et sens ? Comment recréer un modèle d’agence qui respire — sans renier ce qui l’a rendue forte ?

Marc, le personnage principal de notre histoire, n’est pas un héros. Il trébuche, doute, avance. Mais c’est à travers lui qu’émergent des voix essentielles : Maxime, Antoine, Zarah, Luc, Sophie, Élise, Anaïs, Isabelle. Ensemble, ils posent des questions que beaucoup reconnaîtront.

Je n’ai pas écrit cette série pour dénoncer. Ni pour prétendre savoir précisément comment formuler une solution qui résoudrait tous les problèmes de tout le monde.

Je l’ai écrite parce que lors des dernières années j’ai eu le privilège de parler à plusieurs Marc. Des Sophie, aussi. Des Zarah. Des Luc. Des Anaïs.

Des gens qui veulent bien faire, qui veulent bien créer et qui veulent bien être. Des gens qui aiment ce qu’ils font, mais qui ne veulent plus le faire au prix de leur santé ou de leur sens. (Et, oui, chaque personnage et scénario est entièrement fictif et ne représente aucune personne en particulier mais plutôt une combinaison de réalités parfois trop communes.)

À chaque semaine, un nouvel épisode de « Créative » explorera comment Marc navigue la réalité de son agence et de son industrie. J’espère que dans ces épisodes, vous vous sentirez moins seul·es dans vos propres réflexions.

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Épisode 1
Le jour où tout a craqué

Par Rachelle Houde Simard

Personne n’avait vu venir le départ de Maxime.

Pas comme ça.

Marc s’était pourtant toujours vu comme un bon leader. Impliqué. Accessible. Capable de flairer les signaux faibles avant qu’ils ne deviennent crises. Mais là, il n’avait rien vu. Ou peut-être qu’il n’avait pas voulu voir.

C’était un mercredi. Maxime, directeur de création depuis quatre ans, lui avait demandé « un moment », avec un ton que Marc n’avait pas su lire. Quinze minutes plus tard, il lui annonçait qu’il prenait un congé de maladie pour épuisement professionnel.

Marc s’était figé. Pas à cause de la nouvelle. Mais parce qu’au fond, il n’était pas surpris.

Il avait senti que quelque chose clochait depuis un moment. Un ton plus sec. Moins d’initiative. Des silences dans les brainstorms. Il s’était dit que c’était passager. Qu’il tiendrait.

Et puis il y avait eu Zarah, sa directrice de planification stratégique. Puis Antoine, le concepteur-rédacteur qui avait été avec eux pendant sept ans, sans jamais lever le doigt ou déplacer de l’air. Trois départs en moins de deux mois, trois piliers de l’agence. Tous pour les mêmes raisons : surcharge, fatigue, perte de sens.

Marc était resté là, dans son bureau, seul, incapable de retourner à ses courriels. Un brief urgent l’attendait. Un client pressait pour sa nouvelle campagne de rentrée. Une réunion stratégique était calée à 14h. Mais tout sonnait creux.

C’était étrange, ce vide.

Marc avait toujours su courir. Il avait bâti sa carrière dans la vitesse, dans l’intensité, dans l’adrénaline des délais serrés et des brainstorms de dernière minute. Il s’était convaincu que cette tension faisait partie du métier. Qu’elle nourrissait la créativité. Que les meilleures idées naissent dans la friction.

Mais là, pour la première fois depuis longtemps, il s’arrêtait.

Pas parce qu’il le voulait. Parce qu’il n’avait pas le choix.

Et dans ce silence, une question s’était imposée. Une question inconfortable, mais tenace :

Quand est-ce que l’agence est passée d’excitante à épuisante?

Marc se leva. Il n’avait pas de plan. Pas encore de réponse.

Seulement un vertige, une fatigue profonde, et ce sentiment amer qu’on lui avait appris à ignorer : celui de ne plus savoir pourquoi il faisait tout ça.

Dans son bureau trop bien rangé, Marc s’était dit que peut-être, ce n’était pas l’agence qui flanchait.
Peut-être que c’était le modèle tout entier.
Ou pire : lui-même.

Il ouvrit son carnet de notes. Un carnet qu’il n’avait pas touché depuis des mois.
Et il y écrit :
Qu’est-ce que je ne veux pas voir?

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