Affaires de l'industrie

L’Alliance au service des créateur·rices de contenu du Québec

par Geneviève Morin 24 avril 2025

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On a tous et toutes vu passer les unes des dernières années visant les influenceur·euses et criant à l’escroquerie, aux publicités déguisées, aux promotions douteuses ou encore aux scandales immoraux. Qu’on pense seulement à la gang « d’ostrogoth » dans l’avion en direction de Tulum, ou encore à l’influenceur de Gatineau en quête d’abonné·es arrêté pour de faux crimes, ou à l’autre qui a fait polémique en partageant une expérience dangereuse de jeûne hydrique.

Difficile de nier que l’image des influenceur·euses souffre d’une réputation fragilisée. Si certain·es exercent leur métier avec rigueur et créativité, l’espace médiatique est trop souvent monopolisé par celles et ceux qui abusent de leur position, accumulant controverses et scandales. Résultat : toute une profession en paie le prix. Et au Québec, plusieurs figures bien connues des réseaux sociaux ont défrayé la chronique, alimentant une méfiance croissante du public et attirant l’attention des médias ainsi que des instances gouvernementales. Face à ces dérives, le vent tourne : les appels à un meilleur encadrement se multiplient, et certains gouvernements commencent déjà à serrer la vis. En France, par exemple, une loi adoptée en 2023 impose désormais des règles strictes aux créateur·rices de contenu, encadrant la promotion de certains produits et renforçant les sanctions en cas de fraude. « C’est un métier encore très mal compris, souvent résumé à des selfies et des placements de produits, mais qui façonnent pourtant l’industrie médiatique d’aujourd’hui », nous explique d’emblée Jean-Michel Lépine, directeur général de l’Association des Créateurs et Créatrices de Contenu du Québec (ACRÉA). Ce dernier constate depuis longtemps que le vent doit tourner en faveur de celles et ceux qui apportent beaucoup à leur communauté. « Le narratif entourant la profession ne nous plaît pas tout le temps, et ça prouve très bien notre point, soit que les gens ne comprennent pas tout à fait le rôle des créateur·rices de contenu. Avec l’ACRÉA, on veut montrer le positif et mettre en lumière leur impact réel. C’est une occasion de démontrer que ce métier exige du travail, de la rigueur et une expertise bien au-delà des clichés. »

Mais comment ? Et surtout, par où commencer ?

Un événement inédit : un Gala
Tout a en effet commencé avec une idée simple : créer un gala qui célèbrerait le travail des créateur·rices de contenu au Québec. Mais très vite, l’équipe organisatrice du Gala InfluenceCréation a réalisé que l’industrie du marketing d’influence souffrait d’un problème plus profond : un manque de reconnaissance et de professionnalisation du métier. De là est née l’ACRÉA.

« Au départ, on ne pensait pas créer une association. On voulait juste organiser un événement qui ferait rayonner les talents d’ici », raconte Jean-Michel Lépine, étant aussi l’un des fondateurs du gala. « Mais après la première édition, on a compris qu’il fallait aller plus loin. »

En effet, le gala a rassemblé plus de 900 professionnel·les du milieu, soulevant un constat unanime : être créateur ou créatrice de contenu au Québec, c’est encore un territoire flou. Peu de cadres légaux, une perception parfois négative, des règles de travail inexistantes… Il y avait donc un besoin urgent d’encadrement.

Professionnaliser un métier encore mal compris
L’image populaire des influenceur·euses est souvent réductrice : des jeunes qui se filment en voyage ou qui recommandent des produits en échange d’un cachet. Pourtant, la réalité est toute autre. Les créateur·rices de contenu construisent des communautés, vulgarisent des thèmes complexes, sensibilisent à des causes sociales et participent à une économie numérique florissante.

« Ce narratif dont parle Jean-Michel, on est tous et toutes d’accord qu’il doit changer », explique Marjolaine Pilon, directrice du comité Adhésion et des relations publiques de l’ACRÉA. « On entend souvent des idées préconçues comme quoi la job est facile, qu’il suffit de publier des vidéos, que ce n’est pas vraiment exigeant. Mais créer du contenu, c’est à la fois être stratège, réalisateur·trice, monteur·trice et gestionnaire d’une entreprise solo. C’est beaucoup plus que ce que l’on pense. »

Au-delà des perceptions, les enjeux sont très concrets : absence de normes contractuelles, manque de protections légales, fiscalité complexe – autant de problèmes auxquels sont confrontés les créateurs et créatrices.

« Aujourd’hui, signer un contrat de collaboration en création de contenu, c’est le Far West, ajoute Jean-Michel. Il n’y a pas de standard, pas de cadre clair. On veut changer ça. On est en retard sur l’Australie ou la France, qui sont particulièrement en avance. Faire grandir la confiance du milieu, autant du côté gouvernemental que du public, permettrait d’augmenter les budgets des entreprises dans le marketing d’influence, et donc, d’assurer une meilleure rémunération des créateur·rices. »

Une association qui offre du concret
L’ACRÉA ne se contente pas de dénoncer ces problèmes : elle propose des solutions tangibles. Premier point fort : l’adhésion à l’association est entièrement gratuite. Un modèle rare pour un regroupement professionnel, qui témoigne de la volonté de réunir un maximum de membres pour créer un front commun.

« On veut que les créateur·rices aient accès à des outils sans barrière financière, insiste Jean-Michel. L’objectif, c’est que personne ne reste isolé face aux défis du métier. » Par ailleurs, le choix d’être une OBNL participe justement à renforcer la mission de l’ACRÉA. « Pour nous, explique Marjolaine, représenter une industrie et défendre ses intérêts ne peuvent pas être faits à but lucratif. On ne veut pas rendre ça pécuniaire, on n’est pas là pour profiter de personne. Et puis, vouloir faire de l’argent, ça contredit le caractère communautaire de notre mission. S’il y avait l’aspect monétaire, ça jouerait beaucoup sur la perception de la chose, la bienveillance de notre organisation. Notre but, c’est de rallier, encadrer et promouvoir les bonnes pratiques. »  

D’ailleurs, parmi les services concrets offerts par l’ACRÉA :

  • Des formations en fiscalité en collaboration avec Revenu Québec.
  • Des gabarits de contrats et autres outils permettant aux créateur·rices émergent·es de démarrer leur carrière sur de bonnes bases.
  • Des événements de réseautage pour permettre aux créateurs de tisser des liens avec des marques et des agences.

Le Gala InfluenceCréation : Un tremplin pour l’industrie
Si l’ACRÉA agit sur le long terme, le Gala InfluenceCréation reste son événement phare. Ce rendez-vous annuel, qui en sera à sa troisième édition en mai, vise à récompenser les talents du milieu et à mettre en avant des contenus engageants et positifs. « Pour poursuivre un peu sur ce que Jean-Michel et Marjolaine ont souligné, le Gala InfluenceCréation est né d’une bonne idée », souligne Matthieu Lizotte, responsable des relations de presse du gala. « Ça vient aussi du fait que les galas étaient un peu en déclin au Québec, et en même temps, il y avait un boom de créateur·rices de contenu sur TikTok. Il fallait un événement qui reflète cette transformation. » Mais au-delà de simplement célébrer une industrie en pleine effervescence, l’objectif du gala s’est rapidement précisé : mettre en lumière les créateur·rices qui façonnent positivement le paysage numérique.

« On veut faire rayonner celles et ceux qui ont un vrai impact, souligne Jean-Michel. Sensibilisation, éducation, engagement communautaire… Il y a une richesse dans ce milieu qu’on veut faire connaître et les catégories du gala sont là pour refléter la diversité des créateur·rices et leur impact : éducation, sensibilisation, vidéo de l’année, découverte de l’année… Ça montre que la création de contenu, ce n’est pas juste du divertissement. »

Les catégories récompensées ne se limitent donc pas à la popularité : elles mettent en avant des contenus inspirants, que ce soit dans la culture, l’éducation ou l’activisme social. « On a d’ailleurs revu nos catégories, renchérit Jean-Michel. Et on a une nouveauté majeure pour cette édition du gala. Rayonnement

international permet d’inclure des créateur·rices de contenu qui produisent en anglais et d’ouvrir ainsi le vote à l’international. On a également précisé certaines catégories, comme celle de l’Éducation, où on a ajouté un critère d’admissibilité de diplôme reconnu au Québec. » 

Avec ces ajustements, le gala ne se contente pas de célébrer les créateur·rices de contenu, il redéfinit aussi les critères d’excellence dans l’industrie. Mais au-delà de cette reconnaissance, se dessine toujours, en trame de fond, l’enjeu réel de l’ACRÉA : changer la perception du métier et structurer un secteur encore en quête de légitimité.

Changer la perception, transformer l’industrie
Derrière l’ACRÉA et son gala, c’est toute une industrie qui cherche à se structurer. La mission de l’association ne s’arrête pas à offrir des services aux créateur·rices : elle veut aussi établir un dialogue avec le gouvernement et le grand public pour faire reconnaître officiellement la création de contenu comme une profession à part entière.

« Si on veut que l’industrie grandisse, on doit commencer par gagner en crédibilité », conclut Jean-Michel. Plus les entreprises et le public auront confiance en nous, plus le métier sera viable à long terme. »

L’ACRÉA est encore jeune, mais son impact est déjà tangible. Reste à voir jusqu’où cette initiative pourra faire bouger les lignes, et si, un jour, la création de contenu sera enfin perçue pour ce qu’elle est : un métier d’avenir. 

Date à venir pour l’ACRÉA
Date de la cérémonie du gala : 31 mai 2025 à la Place Bell à Laval

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L’ACRÉA en chiffres

  • 515 membres en moins d’un an
  • 9 capsules de formation sur la fiscalité
  • 1 gala annuel qui attire chaque fois plus de participant·es
  • 40 millions Nombre d’impressions générées par l’événement

ACREA

Le conseil d’administration : 1ere rangée : Antho Tran (co-fondateur & administrateur), Maude Belval (co-fondatrice & présidente), Laurence LH (co-fondatrice & administratrice). 2e rangée : Simon Boukorras (trésorier), Jean-Michel Lépine (co-fondateur et DG), Dodji E. Koffi (VP), Isabelle Bonin (secrétaire). Absente sur la photo : Olivia Leclerc (administratrice)

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