Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’organisation.
Que serait Simon sans Garfunkel? Laurel sans Hardy? Astérix sans Obélix? Et surtout, Donald sans Trump? (je vous niaise, mais avez-vous tout de même noté, comme moi, que ces deux-là ont le même toupet et le même tempérament explosif?)
Plus près de nous, dans le milieu québécois de la communication-marketing, il y en a également eu, des duos magnifiques. Par exemple, des duos créatifs comme Xavier Blais et Max Sauté (Rethink), Mathieu Bouillon et Miriam Rondeau (Sid Lee), Adrien Heron et Ugo Martinez (Cossette), ou encore Ayesha Lobo et Hayley Lim (Ogilvy). Des duos qui savaient réaliser l’équation magique 1 + 1 = 3, qui veut que les idées de l’un bousculent celles de l’autre au point de faire jaillir une idée finale aussi intelligente que percutante, une idée géniale qu’aucun des deux n’aurait pu imaginer sans l’autre.
La question saute aux yeux : comment former un duo d’exception? Oui, comment, au travail, arriver à composer un binôme susceptible d’être tutoyé par le génie?
Dans son Dictionnaire de musique, le philosophe français Jean-Jacques Rousseau indique que « les duos qui font le plus d’effet sont ceux qui ont des voix égales, car l’harmonie en est plus rapprochée ». Il ajoute que « le premier verset du Stabat de Pergolèse est le duo le plus parfait et le plus touchant qui soit sorti de la plume d’un musicien » (regardez sur YouTube son interprétation par Philippe Jaroussky et Emöke Barath, sous la direction de Nathalie Stutzmann, vous en serez, j'imagine, abasourdi.).
Rousseau considère qu’un duo est en mesure de faire des étincelles dès lors que trois conditions sont réunies. Il faut que le duo se place dans des « situations vives et touchantes », où leur génie peut s’exprimer dans la plus totale liberté. Il doit pouvoir se lancer « dans une sorte de délire capable de faire oublier, aux interprètes comme aux spectateurs, toute forme de bienséance théâtrale ».
Il faut également que le duo se mette à « dialoguer ». Il ne doit « ni phraser », « ni réciter », mais bel et bien « interroger et s’exclamer ». L’échange doit ainsi être fondamentalement « vivant ». Enfin, le duo se doit d’ouvrir la porte aux « passions susceptibles de mélodie douce ». C’est-à-dire aux émotions capables « d’accentuer le chant et de rendre agréable l’harmonie ». Sa sensibilité doit être à fleur de peau. Autrement dit, un bon duo est la réunion de deux personnes mises sur un même pied d’égalité, lesquelles ont un zeste de folie, savent dialoguer et font preuve de sensibilité. Folie, dialogue et sensibilité sont, par conséquent, les trois mots-clés du parfait duo selon Jean-Jacques Rousseau. Parfait. Mais, concrètement, comment peut-on former un binôme capable de folie, de dialogue et de sensibilité?
En juin 2010, le doctorant Sylvain Lafortune a présenté à l’UQÀM une thèse sur la manière dont s’y prennent des couples de danseurs experts pour concocter une toute nouvelle chorégraphie. Son principe était simple : observer soigneusement ce que dit et fait chacun, du moment où le duo découvre une nouvelle musique jusqu’à celui où il exécute une danse d’une beauté à couper le souffle. Le chercheur a ainsi découvert que les couples de danseurs experts s’y prennent toujours en deux temps. Dans un premier temps, ils laissent parler leur intuition. « Chacun se représente mentalement différentes phases de la chorégraphie à exécuter, effectue quelques pas en guise de démonstration, puis valide chacun d’eux auprès de son partenaire », note le doctorant.
Deux intuitions se rencontrent et échangent. « Les représentations de chacun se confrontent, les danseurs devant s’entendre sur un objectif commun vers lequel faire converger leurs actions individuelles », indique-t-il.
Dans un second temps, chacun pétille de créativité en rebondissant sur les suggestions de l’autre. « Dès lors que les danseurs possèdent une maîtrise cognitive (savoir quoi faire) et une maîtrise corporelle (pouvoir le faire), on assiste à l’apparition de nouvelles possibilités : les danseurs se mettent à éprouver un sentiment de liberté qui leur permet de vivre pleinement l’expérience de la danse et de faire des choix propices à une interprétation signifiante de la chorégraphie », dit Sylvain Lafortune. En résumé, les danseurs experts passent de l’intuition à l’innovation à coups d’essais-erreurs, les idées de l’un étant sans cesse stimulées par celles de l’autre.
Le duo, pas le duel
Les experts du site d’emplois Indeed estiment que deux travailleurs peuvent former un bon binôme dès lors que les deux partagent des « valeurs communes » et savent « jouer de leur singularité comme de leur complémentarité ». Il leur faut avoir un « objectif clair et précis », définir ensemble « les missions de chacun » pouvant permettre de l’atteindre, puis effectuer des « rencontres régulières ».
Ces rencontres doivent viser à « confronter des idées » et à « partager des expériences ». Elles doivent aussi permettre de « suivre l’avancement du projet », en évoquant les difficultés rencontrées et autres retards enregistrés. « Ces réunions doivent, bien entendu, ne jamais oublier d’évoquer les bons coups et autres points positifs, car cela permet de fouetter la motivation de chacun », soulignent les experts d’Indeed. S’il y a une entreprise qui a saisi tout le potentiel que peut avoir le travail en binôme, c’est bien AC Mentoring. Cette entreprise française spécialisée dans le coaching professionnel présente en effet la particularité d’offrir non pas un, mais deux coachs à chaque client. « Certes, ça coûte plus cher au client, reconnaissent-ils dans un billet de blogue. Mais celui-ci est toujours gagnant, car il a ainsi deux fois plus d’oreilles pour l’écouter, deux fois plus de cœurs pour le comprendre et deux fois plus de cerveaux pour le conseiller. » À cela s’ajoute un autre avantage: « Quand on travaille en duo, l’un donne de l’énergie à l’autre, disent-ils. C’est une façon hyper stimulante de travailler. »
Il est vrai que le travail en binôme peut présenter nombre de bénéfices, parfois insoupçonnés. Une étude des sociologues Karla Bergen et Chad McBride a mis au jour le fait que travailler à deux sur un même projet peut être « rassurant », chacun se sentant « plus stable » et « plus serein ». C'est que chacun peut s’appuyer sur l’autre en cas de pépin. En guise de conséquence, le travail à deux peut non seulement « diminuer le stress » dans le quotidien au travail, mais aussi, comme l’indiquait AC Mentoring, se révéler « motivant ».
Bref, à deux, c’est franchement mieux! Mais pourvu que chacun veille à ce que le duo ne vire pas au duel.