L’imprévisibilité comme seule certitude
À travers toutes les incertitudes créées par la guerre commerciale, une chose demeure certaine par-dessus tout. Le président américain est hautement imprévisible, et la situation tendue entre les USA et le Canada pourrait changer d’un bord comme de l’autre… avant la fin de cette lecture !
Et si, dans l’immédiat, les marques locales semblent prêtes à profiter d’une certaine conscientisation de nos habitudes de consommation, rien ne garantit que cela leur permette de compenser pour les conséquences d’une guerre commerciale qui perdurerait.
La boîte de Pandore est ouverte
Peu importe que ce conflit perdure longuement ou s’éteigne rapidement ; le mal est fait. Mal superficiel ou blessure profonde ? L’avenir le dira. Plus que jamais les Canadien·nes ont été mis·es devant le fait que l’équilibre économique entre les USA et le Canada est complètement débalancé. Certains tarifs ont d’ailleurs déjà été confirmés dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium, preuve que les menaces sont sérieuses.
Il devient alors essentiel de trouver des stratégies pour devenir plus autonomes et moins dépendant·es de nos voisins du sud économiquement, et ce, peu importe les tarifs.
Les dynamiques économiques
Afin d’exemplifier la dynamique économique entre le Canada et les USA, voici quelques chiffres importants :
- 60 % des importations canadiennes proviennent des USA
- 76 % des exportations canadiennes vont vers les USA
- 15 % des importations américaines proviennent du Canada
- 17 % des exportations américaines vont vers le Canada
À titre comparatif, les produits américains envoyés vers la Chine représentent environ 15 % de leurs exports, un pourcentage comparable aux exportations vers le Canada. L’économie américaine est donc bien plus diversifiée et moins dépendante d’un seul pays.
Fierté nationale et recherche d’alternatives
L’annonce de la hausse des tarifs douaniers entre le Canada et les USA a eu un impact sur le sentiment nationaliste canadien, les provinces ayant notamment entrepris des discussions importantes pour consolider leurs relations commerciales intra-nationales. S’il y a un silver lining dans cette histoire, ce sera la solidification des échanges commerciaux et du sentiment de confrérie entre les diverses provinces. Cela étant dit, le nationalisme ne règle pas entièrement les turbulences économiques causées par cette guerre commerciale.
On peut considérer trois alternatives commerciales principales pour pallier les tarifs :
- Prioriser l’achat local et les produits et services provenant du Québec et du Canada
- Boycotter les produits et services américains
- Diversifier la provenance de nos achats
Trois scénarios potentiels
Alerte au divulgâcheur : le scénario statu quo, ça n’arrivera pas ! Le président américain cherche ouvertement à renforcer son économie au détriment de la nôtre, et la suite pourrait ressembler à cela :
- Scénario optimiste : les tensions tarifaires provoqueront une hausse modérée des prix sur certains produits importés des États-Unis, mais l’impact restera temporaire. L’économie canadienne subira un léger ralentissement, mais sans perturbations majeures pour l’emploi. Les consommateurs s’adapteront en privilégiant davantage les produits locaux, avec un retour progressif vers leurs habitudes.
- Scénario probable : une guerre commerciale prolongée entraînera une inflation marquée sur les produits américains et perturbera certains secteurs clés. En réponse, le Canada accélèrera ses partenariats avec l’Europe et l’Asie, diversifiant ses sources d’import-export. Les consommateurs québécois et canadiens réduiront leur consommation de biens importés des États-Unis.
- Scénario pessimiste : une guerre commerciale de longue durée affaiblira profondément l’économie canadienne, entraînant une hausse durable des prix, une baisse du pouvoir d’achat et une augmentation du chômage dans plusieurs secteurs. Le dollar canadien restera plus faible, rendant certaines importations coûteuses. À long terme, le Canada pourrait expérimenter un repli identitaire et économique, mais au prix d’un choix plus limité et d’une économie moins dynamique.
L’impact sur les consommateurs
Plus la durée et l’importance de la situation est élevée, plus les habitudes de consommation des Québécois·es et Canadien·nes seront impactées à long terme, et plus les nouvelles habitudes se transformeront en réflexes d’achat. Les produits américains deviendront un mal nécessaire et dispendieux, l’achat local sera priorisé et de nouveaux produits provenant d’ailleurs dans le monde deviendront de plus en plus populaires.
Ceci étant dit, peu importe la durée de la situation, la lumière qui a été mise sur les enjeux commerciaux entre les deux pays, et le besoin d’autonomie économique du Canada demeurera présent à l’esprit de la population pour un certain temps. On peut donc prévoir à tout le moins une certaine conscientisation des Canadien·nes à cet égard.
Dans le très très court terme, les consommateurs auront donc une sensibilité plus élevée à l’origine des produits qu’ils achètent. Ils prioriseront, lorsqu’abordables, les alternatives locales et feront des efforts pour identifier, voire agir, afin de diminuer leur propre dépendance aux produits américains. Toutefois, les prix guideront grandement les décisions des consommateurs au-delà de leurs valeurs et croyances ; une étude récente de l’université Dalhousie met en lumière que seulement 7 % à 9 % des Canadien·nes auraient véritablement l’option de boycotter les produits américains.
L’impact sur les marques
La guerre commerciale a déjà eu un impact sur les marques, dont plusieurs ont pris position dernièrement. On peut penser à la bière Boréale qui a fait un pied de nez au Président ou à Heinz qui a rappelé aux Canadien·es que leur production est locale et que la marque a un impact positif sur l’économie canadienne. Les impacts principaux sur les marques dépendront grandement de l’origine de celles-ci, les marques locales se comporteront différemment des marques américaines.
Les marques locales devront être sur l’offensive et considérer des stratégies tel que :
- Rappeler leurs racines locales ou leurs relations avec des fournisseurs locaux
- Mettre de l’avant la stabilité de leurs prix ou les avantages de leurs produits vs ceux des USA
- Explorer de nouvelles sources de revenus en élargissant leur offre à travers de nouveaux produits ou services
- Identifier de nouveaux marchés à pénétrer et de nouvelles clientèles à activer et à convertir
- Identifier des opportunités de partenariats et de collaboration avec d’autres marques locales (québécoises ou canadiennes)
- Se rapprocher des médias et plateformes de contenu locaux pour diminuer leur dépendance aux plateformes américaines
- Investir davantage dans les initiatives sociétales et culturelles locales pour solidifier leur lien avec la culture et ses créateurs
Les marques américaines devront être sur la défensive et considérer des stratégies telles que :
- Démontrer leur présence locale et leur impact positif sur l’économie
- S’associer à des partenaires locaux afin de légitimiser leur présence
- Rassurer les consommateurs sur la stabilité de leur prix et/ou proposer des alternatives pertinentes
- Investir dans les médias et les plateformes de contenu locaux
- Créer un impact sociétal en encourageant des organismes et des OBNL d’ici
Cette guerre commerciale est une opportunité unique pour les marques canadiennes et québécoises de renforcer leur ancrage local, d’investir dans leur culture et de devenir des symboles d’indépendance économique et créative. Dans ce contexte sensible, mieux vaut éviter d’être opportuniste et privilégier un discours axé sur l’engagement local plutôt que de s’opposer ouvertement à l’administration américaine.
Le positif dans tout ça
Étant d’éternel·les optimistes chez Tam-Tam\TBWA, nous préférons éviter les discussions idéologiques par rapport à cette situation et focaliser sur ce qui en sort de positif malgré tout :
- Une conscientisation de la dynamique commerciale canadienne et des faiblesses de notre économie
- Une montée du sentiment de fierté canadien, ouvrant la voie à de meilleurs échanges commerciaux internes
- Une croissance de la sensibilisation à la production et la consommation locale
- La diversification des stratégies des entreprises locales pour pallier la hausse des tarifs
- Une ouverture vers d’autres cultures
Cette guerre commerciale, plutôt que de nous affaiblir, pourrait-elle devenir le catalyseur d’une renaissance économique et culturelle pour le Canada et ses provinces ?