Les données ont radicalement transformé le marketing. Ce qui était autrefois un art, guidé par l’intuition et l’expérience, est aujourd’hui une science où chaque clic et interaction devient une mine d’informations précieuses. Les grandes entreprises l’ont compris : elles investissent massivement pour récolter des données et offrir des expériences toujours plus personnalisées. Pas étonnant, lorsque l’on sait que la personnalisation peut augmenter les revenus de 10 à 15 %. Mais qu’en est-il des PME?
Antoine Grosfilley, directeur de la stratégie de valorisation des données pour Banque Nationale, explique que les PME peuvent se démarquer en misant sur la proximité et l’authenticité. «Même sans les ressources des géants du marché, les PME peuvent utiliser les données pour offrir des expériences hyper personnalisées, en misant sur leur rôle d’actrices locales.»
En photo: Antoine Grosfilley
Une mine d’or à portée de main
L’une des clés du succès, selon Antoine Grosfilley, réside dans l’identification des données déjà à disposition. De nombreuses PME sous-estiment le potentiel des informations qu’elles possèdent. Par exemple, une PME vendant en ligne sur Shopify dispose de nombreuses données sur le comportement d’achat de ses clients. «Ce type de plateforme regorge de données que l’on peut analyser facilement, parfois avec un simple fichier Excel», précise l’expert.
Même sans commerce en ligne, les PME peuvent collecter des informations utiles en analysant les pages visitées de leur site web, les interactions avec leurs contenus ou encore les systèmes de comptabilité. Ces données aident à identifier des opportunités de fidélisation et à proposer des offres sur mesure.
L’infolettre : l’outil de base pour susciter l’engagement
Un des outils les plus puissants pour personnaliser l’expérience client est l’infolettre. «Si j’ouvrais une entreprise demain, je commencerais par les infolettres. Je dois savoir qui achète mes produits et, surtout, je dois les fidéliser», conseille Antoine Grosfilley.
Simples, relativement peu coûteux et ô combien efficaces, les courriels envoyés à partir de plateformes comme Mailchimp ou Klaviyo permettent de suivre l’engagement de la clientèle avec les contenus et d’affiner ainsi la stratégie en fonction des intérêts spécifiques de chaque personne.
C’est exactement ce que fait Oatbox, une PME québécoise spécialisée dans les produits à base d’avoine canadienne. Après avoir lancé sur le marché ses boissons d’avoine, l’entreprise a abandonné son commerce en ligne début 2024. Mais ce n’est pas parce qu’elle a changé son modèle d’affaires que l’entreprise a perdu ses bonnes habitudes en marketing de données.
Au contraire, Oatbox a continué d’utiliser ses courriels pour créer des liens avec la clientèle et susciter encore plus d’engagement. «Ce qui fonctionne très bien, c’est l’automatisation de séquences de courriels définies selon le comportement des clients», affirme Hélène Macquart, directrice marketing chez Oatbox.
Les courriels sont d’autant plus efficaces lorsqu’ils sont basés sur une analyse comportementale. Oatbox utilisait le modèle RFM lorsqu’il vendait encore en ligne (récence, fréquence, valeur monétaire) pour attribuer un score aux consommateurs, leur permettant d’offrir un contenu plus personnalisé et de se concentrer sur les clientèles les plus porteuses. Seule la valeur monétaire n’est plus disponible aujourd’hui dans son système de qualification de sa clientèle web.
«Même sans commerce en ligne, c’est possible de savoir qui sont les clientèles les plus susceptibles d’être des ambassadrices de la marque. Et ces personnes-là, c’est super important de les garder engagées.»
Créer une expérience basée sur le niveau de satisfaction
Oatbox conseille également des outils comme l’enquête NPS (Net Promoter Score) pour évaluer la satisfaction de ses clients et adapter ses communications. «Si quelqu’un donne une note élevée, il faut l’engager davantage en lui offrant des expériences exclusives, comme la possibilité de tester de nouveaux produits ou de participer à des événements spéciaux», explique Hélène Macquart.
En revanche, les personnes qui ont donné une note moyenne ou faible devraient recevoir un suivi personnalisé pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné et améliorer leur expérience.
«Même pour une PME avec des ressources limitées, investir un peu de temps dans l’analyse des données peut avoir un retour sur investissement considérable à long terme», conclut-elle.
Devenir une alliée au quotidien
Une autre dimension importante du marketing de données des PME est la création de contenu personnalisé qui dépasse la simple promotion des produits. Ce contenu lifestyle vise à montrer que l’entreprise comprend la réalité et les besoins de sa clientèle. «Les PME ont l’avantage de pouvoir miser sur cette proximité», souligne Antoine Grosfilley.
L’expert cite notamment l’exemple d’une librairie québécoise qui, dès l’automne, prépare des courriels pour les jours de tempête de neige afin de réconforter ses clients en leur proposant une sélection de livres et des promotions spéciales. «Elle en profite pour montrer aux gens qu’elle est avec eux.»
Chez Oatbox, cette approche s’est intensifiée depuis l’abandon du commerce en ligne. «Nous envoyons des courriels plus lifestyle qu’auparavant, ajoute Hélène. Nous parlons moins de produits et plus des bienfaits de nos ingrédients, de recettes ou de moments partagés avec notre marque. Notre but est de rester dans l’esprit des gens pour qu’ils nous reconnaissent lorsqu’ils voient nos produits à l’épicerie.»
Comment promouvoir l’inscription à son infolettre?
Promouvoir une infolettre nécessite un incitatif, dit Antoine Grosfilley, mais pas forcément des rabais. Selon l’expert en marketing de données, il existe des solutions moins coûteuses : «Offrir un accès VIP à des produits offerts en quantité limitée, comme des billets de spectacle, ou faire tirer un coffret cadeau tous les mois peut être tout aussi efficace.» Et toutes les occasions sont bonnes pour mettre de l’avant son infolettre et ses avantages: réseaux sociaux, site web, en magasin, etc.
Et les réseaux sociaux dans tout ça?
Les réseaux sociaux sont également un moyen puissant pour les PME d’engager leur communauté. Oatbox, par exemple, a créé le compte Instagram Club Foamo pour son produit phare, sa boisson d’avoine Barista, afin de s’adresser spécifiquement à une clientèle passionnée par le café de spécialité. «Nous avons créé une stratégie distincte pour parler à cette nouvelle audience, en personnalisant l’expérience en fonction de ses intérêts», conclut Hélène Macquart.
Les PME ont désormais accès à des outils simples et abordables pour exploiter les données à leur avantage. Que ce soit par l’analyse des comportements des clients sur leur site web ou l’utilisation d’outils comme les infolettres, elles peuvent offrir des expériences hautement personnalisées sans nécessiter un budget conséquent.
Cependant, pour rester concurrentielles, elles ne peuvent pas se contenter de leurs propres données, pense Hélène Macquart. Elles doivent aussi se tenir informées des tendances du marché en tirant parti de ressources accessibles comme les quelques données offertes par Nielsen IQ lors de conférences, le baromètre de l’Observatoire de la consommation responsable ou encore le magazine Bouillon d’ilot qui publie des études sur les comportements des consommateur·rices dans l’industrie bioalimentaire.
En combinant une bonne utilisation de leurs propres données et une veille stratégique sur les tendances de consommation, nos PME peuvent continuer à proposer des expériences clients personnalisées qui rivalisent avec celles des grandes entreprises.