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Ça m’a sauté aux yeux dernièrement. Et j’en ai été flabergasté. Comme tout un chacun au travail, je naviguais tranquillement sur Instagram en quête de pranks hilarants, histoire de me dérider les neurones. Et là, j’ai réalisé que les posts publicitaires qui étaient glissés au sein de mon fil étaient… silencieux. Si je voulais écouter ce que me disait le type désireux de me vendre ses épices à grillade, il me fallait cliquer sur l’icône de haut-parleur. Sans quoi, il parlait irrémédiablement dans le vide.
Comment se fait-il que des annonceurs soient assez stupides pour accepter que leur spot publicitaire soit diffusé sans le son? Ou plutôt, comment se fait-il que toutes ces pubs, ou presque, ne tiennent visiblement pas compte de cette contrainte imposée par Instagram?
Selon une récente étude de Teads, 66% personnes qui naviguent sur le web disent « détester » que les publicités vidéo soient automatiquement diffusées avec le son. Ils ressentent ça comme une véritable « agression sonore », parfois même au point de se mettre à haïr la marque qui a ainsi cherché à s’immiscer dans leur cerveau.
Plus fort encore, 85% des utilisateurs de Facebook regardent les vidéos sans le son, révèle Digiday. Et sur LinkedIn, ce même pourcentage est de 79%. Autrement dit, la grande majorité des internautes semblent préférer que les vidéos, en particulier les vidéos publicitaires, soient carrément dénuées de son!
Le rejet est si massif que nombre de prévisionnistes américains en matière de communication & marketing – Attest, Exploding Topics, etc. – en font l’une des principales tendances de 2025. Oui, la suppression du son dans les vidéos publicitaires, c’est et ça va devenir hot. Mais alors, cela signifie-t-il que le temps des jingles tire à sa fin? N’aurons-nous plus jamais droit à des «Pout pout pout St-Hubert BBQ», «12 pouces, 5$» et autres «La Capitale vendu, Lacapitalevendu.com»? N’entendrons-nous plus des ritournelles publicitaires dignes de celle de Barbie’s Resto Bar Grill, l’œuvre délicieusement quétaine d’Ian Cooney, qui en a signé plus de 400 durant sa carrière dont celles de la Casa Grecque et de Matelas Bonheur? Minute, papillon. N’allons pas plus vite que la musique. Pour mémoire, l’illustre The Economist avait annoncé la mort des jingles publicitaires en 2003. Il conviendrait de ne pas commettre la même erreur.
En vérité, les jingles ont une importance fondamentale en matière de communication & marketing. Charles Taylor, professeur de marketing à l’Université de Villanova, en Pennsylvanie, note dans ses travaux que les bons jingles « captent l’attention » et « s’ancrent dans la mémoire ». Ils « améliorent l’efficacité du message », en créant un « imaginaire propre à la marque ». Et ils rendent « harmonieux » le message en dépit de la fragmentation actuelle des plateformes médiatiques. Bref, ils permettent au message de pogner comme jamais.
Quel dommage, par conséquent, de se priver d’un tel outil! Ou plutôt, d’être contraint de s’en priver en ligne, les plateformes numériques ayant bien compris qu’il ne fallait surtout pas importuner les oreilles des internautes.
Toutefois, je me refuse à croire que les jingles sont bel et bien voués à un funeste destin. Une idée me vient d’ailleurs à l’esprit : si d’aventure plus personne n’est en mesure d’entendre des jingles sonores, pourquoi ne créerions-nous pas des jingles visuels? Plus qu’un logo, qui correspond à une signature visuelle de la marque, il s’agirait d’envoyer un message visuel à la fois bref et récurrent permettant aux internautes d’identifier deux choses primordiales : la marque et la contribution inédite de celle-ci au quotidien du consommateur ciblé.
Pour évoquer la marque, il suffirait de veiller à ce que le message écrit ou figuratif reprenne, disons, la couleur et/ou la police de caractères du logo. Et pour évoquer la contribution inédite de la marque, il conviendrait de recourir à des mots marquants, à l’image du « Pout pout pout » de St-Hubert. Sinon, à une émoticône exclusive (par exemple, une émoticône aux airs du fameux coq de St-Hubert). Sinon encore, à un rapide enchaînement d’images d’une ou deux secondes (par exemple, l’image d’un plat classique de St-Hubert qui prendrait la forme, en un clin d’œil, du coq du logo).
Ces jingles visuels figureraient en surimpression des vidéos, et pourraient a priori avoir la même efficacité que les jingles sonores. Des internautes pourraient en effet capoter sur les meilleurs d’entre eux, au point de les copier et de les diffuser par leurs propres canaux. Qui sait? Certains jingles visuels pourraient dès lors devenir viraux, tout comme l’ont été nombre de jingles sonores.
Si certains studios de production s’inquiètent aujourd’hui quant à l’avenir du son dans les vidéos diffusées en ligne, je me permets de les rassurer : un futur radieux semble attendre ceux qui se lanceront sans tarder dans la confection de jingles visuels. C’est mon humble avis, et je le partage.