L’intelligence artificielle (IA) s’invite dans la production publicitaire, et contrairement à Skynet dans Terminator, elle n’est pas là pour tout détruire. Au contraire, elle ouvre un nouveau chapitre excitant dans l’histoire de la création publicitaire. Jérôme Couture et Ali Kay, deux acteurs de l’industrie et passionnés d’innovation, nous dévoilent les coulisses de cette révolution en marche.
L’influence de l’intelligence artificielle se fait déjà sentir dans le quotidien des professionnels de la production vidéo. Jérôme Couture, producteur exécutif associé, Groupe Cinélande et président du CA de l’Association des producteurs publicitaires (APP), croit qu’il est essentiel de cultiver la curiosité de son équipe sur les possibilités de l’IA. De son côté, Ali Kay, fondateur et producteur exécutif chez Studio Kay, organise, chaque lundi, un partage d’expériences entre collègues sur des trouvailles ou de nouvelles applications de l’IA dans leur quotidien.
Dans l’univers de la production publicitaire, l’utilisation de l’IA se constate davantage en préproduction et en postproduction. Durant la phase de conceptualisation, Jérôme note que « recevoir des mood board, des animatiques, des storyboard, des voix guides, etc. » générées par l’IA, n’est pas rare. Il ajoute qu’en post-production, il existe déjà une panoplie d’outils qui font gagner du temps et qui sont intégrés à des logiciels de montage comme la suite Adobe. Des tâches très répétitives, comme la rotoscopie d’éléments, pour faire disparaître un graffiti, une voiture ou un passant, sont réglées en un claquement de doigts, souligne Jérôme.
L’absence de cette technologie à l’étape de production est essentiellement dû au flou éthique et légal qui l’entoure. Produire des livrables qui seront diffusés au grand public avec la contribution de l’IA devient difficile, voire risqué. Toutefois, les avancées rapides de l’IA mènent à croire que dans moins d’un an, le contexte sera totalement différent. Des outils technologiques comme Sora d’OpenAI et Runway repoussent les limites de ce qu’il est possible de créer en vidéo. Bien que nous en soyons qu’au tout début, il est possible de transformer un texte en vidéo, et ce, de manière de plus en plus précise et réaliste. Jérôme Couture souligne l’impressionnante capacité d’Act-One de Runway à transposer les expressions faciales d’un acteur sur un personnage animé, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives créatives.
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Jérôme Couture, producteur exécutif associé, Groupe Cinélande et président du CA de l’Association des producteurs publicitaires (APP)
L’hyper-personnalisation des contenus, qui permet de les adapter selon les audiences, est l’une des applications de l’IA qui est très prometteuse pour l’industrie publicitaire. Chez Studio Kay, ils utilisent OpusClip pour passer d’un format long à un format court. À l’ère des réseaux sociaux, où les déclinaisons de contenus sont le nerf de la guerre, c’est un outil qui apporte un gain d’efficacité considérable. Ali le décrit comme un puissant outil de remontage : il est capable de choisir les extraits les plus pertinents et percutants selon des paramètres de durée et de mots clés.
Le doublage des contenus dans une autre langue est l’une des applications novatrices de l’IA que Studio Kay a eu la chance d’expérimenter. Ali Kay raconte que c’était dans le cadre d’un mandat de vidéo corporative pour un client B2B, dans le domaine industriel. En ce moment, la faiblesse du doublage par l’intelligence artificielle est de transmettre une émotion, affirme-t-il. Donc, ce n’était pas un enjeu dans le cadre de ce mandat comme il s’agit d’une vidéo informative, explique-t-il. Studio Kay doit utiliser un mélange d’applications pour arriver à un résultat de doublage satisfaisant, dont Rask ai, HeyGen et Synthesia ai.
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Ali Kay, fondateur et producteur exécutif chez Studio Kay
Le rôle des boites de production vidéo sera inévitablement amené à se transformer dans les prochaines années et même prochains mois. Une tendance à l’internalisation de la production vidéo se dessine, accompagnée d’une hausse des attentes pour les productions externes. Ali Kay observe déjà « que les clients commencent à s’attendre de plus en plus à ce que les agences et les boîtes de prod utilisent l’IA pour leur faire économiser de l’argent ». Avec tout ce que l’IA permet de corriger, de compenser et de créer, beaucoup de métiers techniques pourraient être amenés à disparaître dans le futur. « Je pense que ce sont les métiers créatifs qui sont les plus protégés parce que ça demande du jus de cerveau », explique Ali. La pensée humaine vient avec un bagage d’émotions et de vécu qui se transpose dans la création, que les machines ne sont pas capables de recréer (pour l’instant). En alliant l’intelligence artificielle à l’ingéniosité humaine, nous ouvrons la voie à de nouvelles idées et à des productions encore plus innovantes.