Les athlètes ne sont plus seulement des stars des stades, des terrains ou des patinoires. Aujourd’hui, ils·elles sont aussi des influenceur·euses, avec des récits qui dépassent les terrains. Avec leurs millions de followers, ils·elles sont devenus des partenaires de choix pour les marques en quête d’authenticité. Exit les placements de produits trop évidents : place à des collaborations où le storytelling et les valeurs communes prennent le dessus. Et si on plongeait dans cette nouvelle ère des athlètes-influenceur·euses ?
Authenticité, le nouveau match des marques
Les consommateur·rices veulent des histoires, pas juste des logos. Les athlètes, déjà au cœur des émotions de leurs fans, sont parfaitement placé·es pour incarner cette quête. Une étude de Savanta montre que les collaborations avec des athlètes boostent l’engagement, deux fois plus qu’avec des influenceur·euses plus classiques. Et pour cause : les fans d’athlètes, déjà très investi·es émotionnellement, sont 164 % plus enclin·es à acheter un produit recommandé par leur idole.
Marie-Anik L’Allier, experte en relations publiques et en gestion d’athlètes, note que les contenus fonctionnent mieux lorsqu’ils restent fidèles à l’environnement naturel de l’athlète. « Dès que nous sortions du cadre habituel d’un·e athlète, l’engagement était moins bon. Il est important de garder l’authenticité dans ce qu’il·elles font, dit-elle. Il ne suffit pas d’avoir un·e athlète talentueux·euse. Il faut qu’il·elle ait envie de “jouer le jeu”. Certain·es adorent faire des vidéos et s’engager avec les marques, d’autres… moins. Tout est question d’équilibre, surtout avec un agenda chargé par les compétitions. » Pour elle, l’équilibre entre visibilité médiatique et exigences sportives est de taille, « pour que l’athlète ne soit pas submergé·e par les engagements commerciaux au détriment de son sport ».
Avec Marianne St-Gelais, que Marie-Anik L’Allier représente depuis 2010 et Meaghan Benfeito (plongeon) qu’elle a représenté jusqu’au moment de sa retraite après les Jeux olympiques de Tokyo en 2021 – Crédit photo : Jonathan Bordeleau
Des histoires qui font vibrer les audiences
Les grandes compétitions sportives, comme les Jeux olympiques, sont des mines d’histoires épiques. Lors des Jeux Olympiques de Paris, TikTok a explosé avec 521 000 publications utilisant le mot-clic #olympics en seulement cinq jours, contre 29 000 à Tokyo 2020. Le jour et la nuit ! (Il faut dire qu’en 2020, on nageait encore en pleine pandémie. Carrément une autre vibe.)
Prenez Ilona Maher, joueuse de rugby américaine. Grâce à ses vidéos humoristiques, elle a amassé deux millions d’abonné·es pendant les Jeux et a signé des partenariats avec des marques comme Maybelline. Son secret ? Maybe she’s born with it… De l’authenticité, saupoudrée d’un brin d’humour. Léon Marchand, nageur français et ambassadeur de Louis Vuitton et Omega, a lui aussi élargi son influence en restant proche de ses fans au-delà de la piscine. Et que dire du nageur norvégien Henrik Christiansen avec ses muffins au chocolat ? Il est l’exemple parfait d’un contenu léger qui a fait mouche.
Marckey Taylor Mejustin Deshommes d’Inviaglo précise : « Les plateformes comme Instagram et TikTok permettent aux athlètes de partager leur quotidien, renforçant leur influence au-delà du sport. » D’après lui, cette proximité ouvre la voie à des collaborations plus spontanées et sincères avec les marques. Des athlètes qu’il représente, comme Mohamed Farsi ou Firas Ben Arbi, sont non seulement des « modèles de réussite sportive, mais aussi des personnalités qui partagent leurs expériences de dépassement de soi, de travail acharné et de parcours personnels inspirants ». « Ces récits attirent le public parce qu’ils sont ancrés dans des réalités humaines », poursuit Marckey.
Marie-Anik confirme qu’on s’éloigne ainsi des traditionnelles conférences de presse et des transmissions en direct, pour accéder aux coulisses à travers le contenu des athlètes eux-mêmes.
Les marques prennent le relais
Les collaborations ne se limitent plus aux gros logos sur des maillots. Aujourd’hui, les athlètes sont de véritables ambassadeur·rices lifestyle, croit Marckey. « Nous avons constaté un intérêt croissant des industries de la mode, de la technologie et des services financiers pour les athlètes. Le lien entre bien-être et innovation attire les marques technologiques, tandis que le “leadership” des athlètes séduit le secteur financier. Le marché crypto utilise également des figures athlétiques pour toucher un public jeune et dynamique. »
Mélanie Turgeon, ancienne skieuse alpine, a trouvé un écho avec Réno-Dépôt grâce à sa passion pour la rénovation, tandis que Laurence Vincent Lapointe, médaillée olympique en canoë, était en parfaite osmose avec une marque de protection solaire. Ces partenariats ne sont plus des simples deals de sponsoring, mais des rencontres entre l’ADN d’une marque et la personnalité d’un·e athlète. « L’idée est de créer des collaborations qui résonnent avec l’athlète, son sport et sa personnalité, dit Marie-Anik. Ça fonctionne mieux quand l’athlète est dans son environnement naturel. »
S’exprimer ou rester neutre ?
Colin Kaepernick et Nike ont prouvé que les athlètes peuvent jouer un rôle social majeur. La marque avait endossé l’ancien quart-arrière des 49ers dans sa lutte contre la brutalité policière. Cependant, un sondage Léger mandaté par Grenier révèle que les Québécois·es sont divisés·es : 39 % veulent que les athlètes prennent position sur des sujets politiques et sociaux, tandis que 42 % préfèrent qu’ils·elles restent neutres. Les 18‑34 ans sont plus favorables à ce que les athlètes s’expriment, à 56 %. Alors, faut-il laisser les athlètes s’exprimer sur des enjeux sociétaux ? Oui et non, tranche Marie-Anik. « Je suis pour l’authenticité. Si un·e athlète a une opinion, qu’il·elle soit prêt·e à l’assumer. Il faut être capable de répondre à ces enjeux à tout moment. » Mais attention aux périodes de compétition pour ne pas se laisser distraire.
Au-delà du sport : les athlètes-entrepreneur·euses
Les athlètes d’élite ne sont plus seulement des stars du sport ; il·elles deviennent aussi des entrepreneur·euses accompli·es. Dans un univers où leur carrière est souvent aussi éphémère qu’intense, nombre d’entre eux·elles prennent le virage de l’entrepreneuriat en lançant des marques, des lignes de vêtements ou encore des initiatives caritatives avant même la fin de leur carrière. Serena Williams, avec Serena Ventures, investit dans des startups dirigées par des femmes et des personnes de couleur. LeBron James a cofondé Uninterrupted, une plateforme qui permet aux athlètes de partager leurs histoires, et SpringHill Entertainment, une société de production. Quant à Naomi Osaka, elle a cofondé Evolve, une agence de gestion pour les athlètes, centrée sur les partenariats de marque, l’investissement et la philanthropie. Ces athlètes transforment leur notoriété en véritables succès entrepreneuriaux, tout en restant authentiques et en phase avec leurs valeurs.
Le terrain de jeu des athlètes a changé, et leur influence ne cesse de s’étendre. Alors, à l’aube de cette nouvelle ère, quelles histoires allez-vous raconter avec eux·elles ?
Le vrai prix de l’or : entre primes et petits boulots
- Primes de médailles : Les athlètes qui remportent des médailles aux Jeux olympiques de Paris 2024 reçoivent des primes de leurs comités olympiques nationaux, allant de quelques milliers à des centaines de milliers de dollars.
- Revenus complémentaires : De nombreux·euses athlètes, comme le plongeur britannique Jack Laugher et le rameur néo-zélandais Robbie Manson, utilisent des plateformes comme OnlyFans pour subvenir à leurs besoins financiers.
- Création de contenu : D’autres athlètes comme Suni Lee et Hunter Woodhall voient la création de contenu comme un « deuxième emploi ».
- Emplois variés : Certain·es, comme la boxeuse américaine Morelle McCane, cumulent des emplois flexibles (clown d’anniversaire, superviseur de garderie, etc.) pour financer leur préparation olympique.
- Carrières parallèles : Des athlètes comme le nageur Nic Fink ou le grimpeur Jesse Grupper jonglent entre leurs carrières d’ingénieurs et leur engagement olympique.
- Coûts élevés : Le coût annuel d’entraînement pour les athlètes peut atteindre des dizaines de milliers de dollars, couvrant les frais de matériel, de compétition et de voyage.
- Instabilité financière : 58 % des athlètes de haut niveau interrogé·es avant les JO de Tokyo 2020 se déclaraient financièrement instables, beaucoup d’entre eux·elles dépendant de leurs parents ou d’emplois flexibles pour s’entraîner.
- Soutien inattendu : La joueuse de water-polo américaine Maggie Steffens a obtenu un soutien financier du rappeur Flavor Flav pour son équipe après avoir souligné dans une publication Instagram que ses coéquipières cumulaient plusieurs emplois pour financer leur carrière olympique.
Source : Forbes