Affaires de l'industrie

L’ère de la contre-influence

par Lea D. Nguyen 28 novembre 2024

header-image

En réponse à une culture de consommation excessive, la « désinfluence » s’impose comme un vent de fraîcheur. Sur TikTok, le mot-clic #deinfluencing cumule des millions de vues. Contrairement aux tendances qui incitent à l’achat, les nouveaux·elles gourous numériques prônent la réflexion avant de dégainer la carte de crédit. Un contre-courant à #TikTokMadeMeBuyIt.

La désinfluence, nouvelle forme de persuasion
L’art de la « désinfluence » consiste à dissuader les internautes de céder aux sirènes d’un produit viral. Eh oui, vous avez bien lu : le mouvement revient à convaincre les foules de lever le pied sur les achats impulsifs. Popularisée dans les sphères beauté et lifestyle sur TikTok, la contre-influence gagne désormais d’autres plateformes. Petit twist : ces influenceur·euses nouvelle vague prônent modération et minimalisme avisé, en encourageant une consommation plus réfléchie. Un format particulièrement apprécié ? « L’anti-haul », où les créateur·rices déconseillent des produits, à l’inverse des « haul » traditionnels.

Ce phénomène, loin d’être une nouveauté, a émergé en 2017 en réaction au fast fashion et aux vidéos de hauls sur YouTube. Certain·es créateur·rices proposent aussi des « dupes » — des alternatives moins chères aux produits à la mode. La montée de la désinfluence a aussi été amplifiée par des controverses, comme le fameux « MascaraGate » en janvier dernier, où une influenceuse a été accusée d’utiliser de faux cils en vantant un mascara de L’Oréal. De quoi secouer la planète beauté et relancer le débat sur l’honnêteté des recommandations et sur la responsabilité des influenceur·euses envers leur public.

Les marques face à la désinfluence
Et pour les marques, qu’est-ce que ça change ? Beaucoup. Fini le temps où un post sponsorisé faisait le boulot à lui seul. Désormais, il s’agit de jouer la carte de la transparence et d’établir une relation de confiance avec des consommateur·rices plus critiques. Même s’il·elles influencent toujours, les désinfluenceur·euses prônent désormais une consommation plus responsable et réfléchie. Et en ces temps d’inflation, ce message ne peut tomber à un meilleur moment.

Alors que la désinfluence gagne du terrain, des agences comme Clark Influence ajustent leurs stratégies pour coller à cette nouvelle réalité. « Nous misons sur un maximum de flexibilité pour les influenceur·euses, afin qu’ils·elles s’expriment avec leur propre voix, pas forcément celle de la marque », explique Arthur Brenac, stratège à l’agence. On évite de plus en plus les collaborations one-shot pour privilégier des partenariats à long terme. Cela permet aux produits de s’intégrer naturellement dans la vie quotidienne des influenceur·euses et rend la relation avec l’audience plus authentique et moins superficielle. »

Évidemment, nous dit-il, les publications « one-shot » ont leur valeur, surtout lorsqu’il y a un « fort match créatif entre l’influenceur·euse et la marque ». Mais pour des produits qui s’intègrent dans la vie de tous les jours, Clark Influence privilégie des collaborations qui montrent comment un produit fait vraiment partie de la vie d’un influenceur·euse. Selon l’expert, il est important pour les influenceur·euses de réguler le nombre de collaborations avec les marques. Une surcharge de contenus promotionnels consécutifs peut nuire à leur crédibilité, tandis que des partenariats espacés donnent l’impression d’un endossement sincère, rendant l’insertion du produit ou de la marque moins opportuniste. « C’est quelque chose auquel on fait très attention chez Clark Influence. Nous avons lancé une charte éthique de l’influence il y a quelque temps. La surprésence publicitaire fait partie des points sur lesquels les signataires doivent être vigilant·es », précise-t-il.

Arthur Brenac

La Gen Z désenchantée par les « influenceur·euses »
Une récente enquête de Rival Tech et Reach3 Insights montre que près de 50 % de la Gen Z n’est pas séduite par les partenariats payés, jugés « insincères » et « ennuyeux ». Ce que cette génération recherche avant tout, c’est l’authenticité. « Certaines marques craignent qu’en laissant trop de liberté, les influenceur·euses puissent faire des critiques négatives. De plus en plus, on voit des collaborations où les influenceur·euses ont carte blanche. Les marques leur donnent un produit et disent : “Je te rémunère pour cette collaboration, mais tu peux dire ce que tu veux”. Cela peut être positif, négatif, ou entre les deux. Donner cette liberté renforce la crédibilité de la relation avec l’audience, même si cela présente un risque pour les marques. Mais c’est aussi ce qui permet de répondre à la demande croissante d’authenticité », précise-t-il.

Le stratège poursuit avec un exemple marquant : un influenceur YouTube, d’ordinaire réticent à faire des vidéos sponsorisées, a demandé à pouvoir parler librement. « La marque, convaincue par son produit, lui a donné le feu vert. Résultat, il a aimé le produit, mais a aussi relevé des axes d’amélioration. Cela a rendu la revue beaucoup plus authentique », ajoute Arthur.

Dans le processus de création d’une campagne d’influence, il ne faut pas mettre de côté l’importance de la stratégie, fait remarquer Arthur. « Plus la sélection des influencers est adaptée au public de la marque, plus l’audience de ces derniers sera réceptive aux messages publicitaires : c’est notre rôle en stratégie, de chercher le “parfait match” entre marques, publics et influenceur·euses. »

L’influence des petits joueurs
Face à la montée de la désinfluence, les micro et nano-influenceur·euses gagnent en importance. « Ces influenceur·euses, qui ont des communautés plus petites, mais très fidèles, bénéficient d’une relation de confiance renforcée. Leurs recommandations sont perçues comme plus authentiques, et leur pouvoir de conversion est souvent plus fort », précise Arthur. « Pour contrer cette perception d’insincérité, on se tourne donc vers des influenceur·euses plus petit·es, mais dont le produit s’intègre naturellement dans leur univers éditorial. »

Pour le stratège, cette dynamique représente une belle opportunité pour les marques aux enjeux durables et éthiques de se démarquer. De même, pour les marques de masse, c’est l’occasion de remettre en question leur modèle de consommation et leurs méthodes de collaboration.

Alors, la désinfluence (qui influence), un retour à une bonne dose de sincérité ?

Dernières nouvelles

Campagnes et créativité
Absolu et Sogetel signent une campagne qui fait le saut
Lire l'article
Campagnes et créativité
Vegpro s’associe à PIGEON pour donner vie à Folia
Lire l'article
Campagnes et créativité
Au BALNEA spa + réserve thermale, le repos est aussi productif
Lire l'article
Campagnes et créativité
La Vache qui rit milite pour un emoji à son image
Lire l'article
Campagnes et créativité
HGrégoire et Pizza Salvatoré célèbrent la Semaine de la Pizza
Lire l'article
Campagnes et créativité
Ça donne le goût de s’amuser avec Babybel
Lire l'article
Campagnes et créativité
CRI agence dynamise la promotion IGA x Shell
Lire l'article
Campagnes et créativité
Une nouvelle identité visuelle pour Medz Media
Lire l'article