Cannes Lions

Lors de son masterclass aux Lions de Cannes, Amani Al-Khatahtbeh, autrice, activiste et fondatrice de Muslim Girl, a abordé les enjeux de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Muslim Girl, née de la frustration d’Amani face au manque de représentation des femmes musulmanes dans les médias, est devenue aujourd’hui une voix influente pour les musulmanes aux États-Unis.

Muslim Girl

Réhumaniser les représentations médiatiques
Amani a débuté en évoquant les images et sons des enfants palestinien·nes, soulignant l’importance de rappeler notre humanité partagée, trop souvent négligée par les médias. Elle a insisté sur le fait que la mission du DEI va bien au-delà de la « checklist » d’inclusion. Elle a cité la collaboration de Muslim Girl avec Getty Images, qui a permis de créer une collection d’images réalistes et diversifiées de femmes musulmanes, photographiées par des artistes musulmanes. Cette initiative a été saluée par les journalistes et les médias, qui manquaient d’images appropriées pour raconter des histoires plus nuancées sur les femmes musulmanes.

Un appel à l’authenticité des marques par les générations Z et Alpha
« Nous savons mieux que quiconque ce que veulent les jeunes », a déclaré Amani. Elle a accentué l’importance pour les marques de répondre aux attentes des jeunes générations, qui privilégient l’authenticité et le soutien aux causes sociales. Selon elle, 72 % de la génération Z est plus susceptible d’acheter auprès de marques engagées socialement, et 48 % d’entre elles sont prêtes à défier l’inflation pour soutenir des marques authentiques. Ce chiffre grimpe à 51 % chez les millennials. De plus, 90 % de ces jeunes générations estiment que les entreprises ont la responsabilité de prendre position. « La génération Alpha prendra bientôt une grande part du marché de consommation », a-t-elle prédit, soulignant leur passion pour les marques qui reflètent non seulement leurs valeurs, mais aussi leur engagement envers l’inclusion.

Al-Khatahtbeh a mis en garde contre les conséquences de la déconnexion entre les valeurs proclamées par les marques et leurs actions réelles. Elle a rappelé que les jeunes voient cette incohérence comme une trahison. Les boycotts menés par les Gen Z, Alpha et Millennials ont entraîné des pertes de valeur de marché significatives pour McDonald’s (7 milliards) et Starbucks (12 milliards), faute de prise de position sur les droits humains. « Il·elles comprennent que notre pouvoir ne réside pas seulement dans notre vote, mais aussi dans notre argent et la manière dont nous choisissons de le dépenser. La Génération Z ne soutiendra que les marques alignées avec ses valeurs et évitera celles qui ne le sont pas », a-t-elle averti.

La fondatrice de Muslim Girl admet que la marque a été dupée lors de l’une de ses premières collaborations. En 2017, elle a lancé des vernis à ongles halal, résistants à l’eau, en partenariat avec la marque de beauté américaine Orly. En une semaine, tout était épuisé. Cependant, il s’est avéré que le PDG publiait des messages « anti-musulman·nes, anti-noir·es et anti-arabes » sur les réseaux sociaux. Le backlash de la communauté musulmane a été tel que la ligne de produits a dû être retirée. Orly avait alors refusé de faire une déclaration publique. « Pourquoi diable une marque ne se distancerait-elle pas de ces sentiments ? » a-t-elle demandé au public. D’après elle, de nombreuses entreprises se cachent derrière le mot A : apolitique. Mais impossible dans le monde d’aujourd’hui. « Être apolitique revient à prendre position dans un monde où des communautés sont marginalisées. »

La responsabilité des marques : perte ou héritage ?
Amani Al-Khatahtbeh a exhorté les marques à choisir entre la quête de profit à court terme et la création d’un héritage durable. Elle a insisté sur l’impact durable que leurs décisions ont sur leur réputation et leur relation avec les consommateur·rices. Elle a encouragé l’audience à utiliser leur pouvoir pour amplifier les voix des marginalisés et à s’engager véritablement pour l’équité et l’inclusion. « Notre responsabilité, dans l’espace que nous occupons et avec les privilèges dont nous jouissons, est claire : chacun de vous détient de l’influence et du pouvoir d’une manière ou d’une autre. Il est de notre responsabilité d’utiliser ce pouvoir pour permettre aux sans-voix de parler pour eux·elles-mêmes. »