Lauréate du concours international Young Guns 21, célébrant les génies de la création de moins de 30 ans, la réalisatrice québécoise CARAZ se distingue par ses prouesses techniques, ses images puissantes et l’esprit de rébellion qui se dégage de chacune de ses œuvres. Mais avant de diriger des plateaux de tournage, CARAZ a été entrepreneuse en peinture résidentielle et photographe autoproclamée à Bali.
Faites la connaissance de cette artiste au parcours étonnant dont le talent hors du commun est désormais mondialement reconnu.
Quelle a été ta réaction lorsque tu as appris que tu faisais partie des lauréats ?
J’étais au gym, sur un tapis roulant et quand j’ai vu le courriel, je pensais que c’était à nouveau pour m’annoncer que j’étais finaliste. J’ai dû le lire quelques fois pour bien comprendre ce qui arrivait. J’étais toute seule, sans mes amis et ma famille, alors j’ai fait une petite chute de pression dans mon coin au gym.
Que représente cette victoire pour toi ?
Pour moi, les Young Guns, c’est une cuvée d’excellence mondiale. Je ne m’attendais pas à avoir ma place, honnêtement. C’est une confirmation absolument inattendue que mon travail — que j’aime et qui m’inspire — fait partie de cette cuvée. C’est une très, très grosse reconnaissance.
Tu pouvais soumettre six projets au concours. Comment as-tu fait ton choix ?
Le choix a été tout à fait intuitif. J’ai regardé tous mes projets et, sans nécessairement penser à leur réception, j’ai choisi ceux qui m’ont le plus interpellée, qui m’ont le plus fait vibrer. La moitié, ce sont des projets créatifs (Do butterflies remember being caterpillars, Two paper moons de Matt Holubowski et Diego) et l’autre moitié, ce sont des pubs (T-Mobile, Bodacious et Gore-Tex). Tous des projets qui sont proches de moi d’une manière ou d’une autre.
Comment es-tu arrivée à te tailler une place dans l’industrie comme réalisatrice ? Parle-nous un peu de ton parcours.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de s’y prendre. Tous les réalisateurs ont un parcours différent. Dans mon cas, c’est un mélange de facteurs. J’ai l’impression de toujours avoir été au bon endroit, au bon moment. J’ai aussi un sang-froid à toute épreuve et une approche très entrepreneuriale.
Depuis mes études, je savais que je voulais réaliser de la pub – c’est même ce que j’ai étudié en Californie. Mais tu ne passes pas d’étudiante à réalisatrice d’un plateau avec 40 personnes. Aussitôt que j’ai terminé mes études en Californie, j’ai donc décidé que j’allais devenir photographe et que je commençais le lendemain. Je me suis envolée vers Bali, là où personne ne me connaissait, puis, dès mon arrivée, j’ai dit à tout le monde que je croisais que j’étais photographe. Après trois jours, j’avais déjà des contrats. J’ai photographié de la lingerie, des bijoux, des maillots de bain et des lunettes, tout ce qui entrait dans mes bagages, quoi ! J’organisais tout moi-même et, éventuellement, je me suis créé un portfolio de tous ces shoots-là.
C’est là que France-Aimy Tremblay de Romeo & Fils a vu mon travail et m’a donné ma première chance comme réalisatrice. Je n’avais jamais été DOP ou coordo sur un plateau et voilà que j’étais déjà réalisatrice ! Rapidement, je me suis dit : « OK, j’ai moins d’expérience de plateau que tout le monde qui m’entoure, mais c’est une très bonne chose. » Cela m’a permis de faire de la place pour les gens, de rendre à César ce qui est à César. Je pense que si je n’avais pas fait ce chemin-là, je n’aurais pas la réputation que j’ai aujourd’hui, celle d’être une réalisatrice à l’esprit de collaboration et d’ouverture aiguisé.
Peux-tu nous confier un fait surprenant sur toi ?
Il y en a deux ! Premièrement, à l’université, j’étais entrepreneuse en peinture résidentielle. J’ai bâti ma propre entreprise avec 20 employés tout en allant à l’école à temps plein. Ç’a été mon premier travail ! Deuxièmement, j’ai regardé la trilogie du Seigneur des anneaux pour la première fois de ma vie cette semaine. Comme réalisatrice, c’était comme illégal de ne jamais avoir vu ça !
Qu’est-ce qui t’attend dans la prochaine année ?
Je vais réaliser mon premier court-métrage dialogué : Sans soleil. L’histoire se déroule dans un monde dystopique où il n’y a plus de soleil. Évidemment, j’ai aussi prévu continuer la pub, autant ici qu’ailleurs.
Je viens également de terminer des cours de direction d’acteurs et j’ai adoré ça ! Je vais poursuivre cette formation parce qu’il n’y a rien de mieux que se mettre dans la peau d’un acteur pour approfondir ses personnages. Enfin, je compte apprendre à mieux utiliser les outils d’IA.
Quel conseil donnerais-tu à une autre jeune réalisatrice qui souhaite percer dans le milieu ?
En début de carrière, tout le monde va te dire non. Il ne faut pas s’en faire avec ça. Mais le plus gros cheat code, je dirais que c’est de t’associer à des gens qui croient réellement en toi. L’important, ce n’est pas de travailler pour des boîtes réputées ou avec des gens que tu trouves cool, mais d’avoir la certitude que les gens avec qui tu travailles trippent sur ta vision. Surtout en commençant, il est primordial de trouver une boîte qui croit en ton talent.
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L’histoire derrière l’œuvre
Parmi les projets soumis par CARAZ aux Young Guns 21, il y a Diego, un court-métrage tout à fait improvisé et né de retailles vidéo. Après le tournage d’un clip pour Marie-Mai au Mexique, CARAZ a spontanément décidé de filmer des plans supplémentaires avec un personnage qui la fascinait, le petit garçon qui interprétera Diego dans le court-métrage. Le poème accompagnant les images a ensuite été écrit par un ami de la réalisatrice, le scénariste Romain Dumont, puis traduit en espagnol. Une création tout à fait impromptue qui a porté ses fruits !