Dimanche, quand j'ai parcouru le billet du Vice-président Information et éditeur adjoint de La Presse (Désaffection des lecteurs, vous dites ?), une question m'a traversé l'esprit : jusqu'à quel point les médias sont-ils conscients de leur impact sur la confiance du public ? Sa déclaration, tranchante et catégorique, sur l'absence de lien entre la « crise des médias » et la confiance du public m’a semblé ignorer les nuances d'une réalité plus complexe, où la responsabilité journalistique et l'innovation pourraient être plus liées qu'on ne le pense.

J’en avais une démonstration sous les yeux; dans mon application La Presse, juste au-dessus du billet du Vice-président Information, trônait un « Dossier » de trois articles sur un « Nouveau politicien, fils de ». Sa présentation était telle qu'on aurait pu croire à un publireportage. Je me suis alors dit :  «ah c’est drôle, j’aurais pas osé publier ces deux textes le même jour :-) » Ironiquement, cet exemple illustre parfaitement comment les choix rédactionnels et éditoriaux peuvent influencer la perception du public, suggérant une corrélation entre le contenu médiatique et la confiance des lecteurs.

La réaction du Vice-président Information et éditeur adjoint de La Presse aux propos du ministre de la Culture et des Communications Mathieu Lacombe m’a semblé révéler une inquiétante fermeture d'esprit. Réduire le discours du ministre à ceux que l'on trouve sur le réseau social X m’a semblé une tentative  de  minimiser la nécessité de se remettre en question. J’ai peur que cette attitude défensive soit un peu contre-productive. Dans un monde médiatique en évolution rapide, l'auto-réflexion n'est pas seulement une nécessité. C'est, selon moi, une question de survie.

On peut constater que dans son billet, le Vice-président Information de La Presse reprend essentiellement un propos tenu lors du dernier congrès annuel de la FPJQ. Cela m’a rappelé l'affirmation du président sortant, sur le manque d'éducation des masses qui serait, selon lui, la racine du problème. Bien que l'éducation dans des domaines tels que les médias, la santé, la finance, etc., soit essentielle, cela m'a initialement laissé une impression de condescendance. Cela ne devrait pas exclure l’ouverture à se remettre en question. Il me semble que la position des journalistes ne devrait  pas être de regarder de haut leur public. Ils devraient, selon moi, chercher à connecter avec lui, à comprendre ses besoins, ses défis et ses faiblesses. Se tenir éloigné et distribuer l'information du haut vers le bas, comme un adulte tendant de la nourriture à un enfant sans vouloir se pencher, est une approche qui pourrait amplifier un problème de confiance. Il faut se mettre à sa hauteur, entrer dans son monde, pour réellement communiquer et établir un lien.

Cela dit, je pense, comme le Vice-président Information, que cette crise est «aussi» une question de revenus, de publicité et d'innovation. Ces aspects sont cruciaux et je me demande alors pourquoi seulement le gouvernement et l'industrie médiatique se retrouvent autour de la table des solutions ? Où sont les publicitaires, ces acteurs clés qui influencent si profondément cette industrie ? Si, comme le dit le président de la FPJQ, les journaux au Québec et au Canada n’ont jamais autant eu de lecteurs, pourquoi leurs revenus ne suffisent-ils pas à assurer leur survie ? Sans une réflexion parallèle sur l’industrie de la publicité, nous risquons de passer à côté de solutions essentielles.

Je propose à tous de mettre de côté les blessures d'orgueil, de s'élever et d'agir pour la démocratie. Dire que la crise de confiance touche toutes les institutions démocratiques ne pourra pas être une excuse. Au contraire, c'est une raison supplémentaire pour réfléchir collectivement avec ouverture, pour nous adapter et nous renforcer. Le déni donne des leviers aux ennemis de la démocratie.

J’adore cette scène du film La haine : «C’est l'histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages, le mec au fur et à mesure de sa chute il se répète sans cesse pour se rassurer : « jusqu’ici tout va bien ». Je souhaite que nous arrêtions de nous rassurer avec des vérités partielles, en évitant d'affronter la réalité dans toute sa complexité. Mathieu Lacombe ( sur X ;-) ) a un point intéressant, il a précisé sa pensée. Une “crise” est souvent la convergence de plusieurs maux, la question ne me semble toujours pas si tranchée. La crise des médias est à la fois une crise de confiance, une crise de modèle économique et une crise d'innovation. Se remettre en question, innover, s'ouvrir à de nouvelles perspectives et, surtout, écouter la population et véritablement se connecter à elle – voilà ce qui pourrait non seulement amortir la chute, mais nous permettre de rebâtir sur des fondations plus solides.

denis martel

Denis Martel
Stratège numérique et animateur du balado Les Engagés Publics