« Je vais donc supprimer les réseaux sociaux de mon téléphone pour le restant du mois d’août afin de me libérer l’esprit. Ne le prenez pas mal si je ne vous réponds pas, j’ai juste besoin de reconnecter avec la réalité. »
Voilà ce qu’on pouvait lire en août dernier sur la page publique d’Arnaud Soly. Se disant profondément « miné » par le manque de nuance et d’écoute qu’il observait sur les plateformes sociales, l’humoriste annonçait une pause d’un mois à son public. Le créateur de contenu n’est pas le seul à avoir ressenti un « trop-plein » par rapport à son usage des réseaux, puisque c’est une tendance qui devient de plus en plus populaire. L’impact des réseaux sociaux et la fréquentation abusive de ceux-ci ont tout à voir avec ce qu’Arnaud Soly a tenté de nommer.
Stress et santé mentale
En effet, une étude menée par la neurologue et chercheuse Najmeh Khalili-Mahani à l’Université Concordia montre que l’utilisation des réseaux sociaux et la fréquence passée devant les écrans ont augmenté avec la pandémie. Elle révèle que le niveau de stress et la dépendance à l’écran sont étroitement liés. Parallèlement, le Dr Russell Viner, de l’University College de Londres, au Royaume-Uni, montre dans une étude éloquente que : « les médias sociaux en soi ne causent pas de dommages, mais que leur utilisation trop fréquente perturbe les activités qui ont un effet positif sur la santé mentale. » Cette question de fréquence a été longuement réfléchie et étudiée partout à travers le monde. À Montréal, les chercheurs et psychiatres Patricia Conrod et Elroy Boers ont recueilli beaucoup de données auprès de 4000 adolescents pour constater la corrélation entre le temps passé devant les écrans et les symptômes de dépression. « C’était pourtant l’une de nos trois hypothèses au départ. Que ça causait un vide sédentaire qui limitait le nombre d’heures pendant lesquels ils sont actifs. Mais nous n’avons pas trouvé d’impact », affirme Patricia Conrod. Or, l’analyse des données a dévoilé que le contenu présent derrière l’écran se recoupe avec la cause du stress. « Ce que nous avons montré, c’est que la télévision et surtout les médias sociaux font la promotion [d’un] type d’image. »
Algorithmes et estime personnelle
L’évolution de la dépression, quand elle est reliée à la fréquence de consommation des médias sociaux, correspond donc à une baisse d’estime personnelle. Selon Elroy Boers, les algorithmes ont tout à voir avec cette évolution : « Les caractéristiques algorithmiques de la consommation télévisuelle et, en particulier, de la présence sur les médias sociaux créent et entretiennent une sorte de cercle vicieux en suggérant un contenu similaire aux utilisateurs en fonction de leur comportement de recherche et de sélection antérieur. » Une autre étude, menée cette fois par La Revue canadienne de psychiatrie en 2016, montre que la dépression touche en moyenne 20 % des adolescents et que parmi cette statistique, on constate que les filles sont plus nombreuses que les garçons à souffrir de dépression.
La spirale des algorithmes amène alors beaucoup de jeunes, et d’adultes, à consommer du contenu qui corrobore certains de leurs complexes et/ou fantasmes. L’état dépressif et anxieux qui fait état de cette fréquence de consommation des réseaux sociaux explique alors que ces images parfois sublimées et sérielles ont un impact majeur sur les consommateurs d’écran.
Les filles et les médias sociaux
Il ne faut pas non plus lancer toutes les pierres sur les médias sociaux. Leur apport dans l’évolution des mouvements comme LGBTQ+ et particulièrement cet été pendant la vague de soutien au hashtag Black Lives Matter a été majeur et bénéfique pour la cause. Cela dit, on constate qu’ils font du corps féminin le lieu par excellence du sujet féminin. La chercheuse américaine
Peggy Orenstein observe cette tendance avec inquiétude. Dans son livre Girls & Sex — Une étude américaine, elle montre que plusieurs études tendent à expliquer la cause entre la basse estime des filles et la fréquentation des réseaux sociaux : « Plusieurs études montrent que plus une jeune fille est préoccupée par son apparence, son poids et son image corporelle, plus elle est susceptible de se tourner vers le miroir magique de ses profils sur les réseaux sociaux, et vice versa : plus elle consulte son profil, plus elle se préoccupe de son apparence, de son poids et de son image corporelle. »
Des responsabilités partagées
De fait, il apparait clair que les réseaux sociaux forcent les gens à amplifier leur conscience d’eux-mêmes. Comme l’affirme Adriana Manago, une chercheuse du Children’s Digital Media Center de Los Angeles, beaucoup de jeunes parlent de leur moi comme d’une marque plutôt que comme de quelque chose qui naît d’un développement intérieur et leurs amis deviennent un public.
On en vient finalement à cette fameuse idée de « reconnexion » lancée par Arnaud Soly en août dernier. Faut-il se déconnecter pour mieux se reconnecter ? C’est du moins ce que propose l’initiative PAUSE dont la campagne a été menée par lg2. Comprenant les impacts reliés à la surutilisation des médias sociaux, la plateforme a pour but de sensibiliser les gens, et les jeunes, à consommer de manière plus saine les réseaux en montrant que les techniques marketing redoutables peuvent les forcer à consommer davantage leur écran. La question se pose et devient légitime, les médias et les marques ont-ils une responsabilité vis-à-vis du contenu ?