Ici comme ailleurs, l’internalisation chez l’annonceur des services habituellement fournis par une agence est devenue une tendance lourde. Simple rationalisation des coûts, remise en question de la plus-value qu’apportent — ou non — les agences ou hérésie marketing ? On en parle avec le directeur marketing de Canac qui lançait récemment une campagne entièrement développée à l’interne.

Le principe n’est pas nouveau. On a déjà vu des entreprises comme Labatt ou Ford créer leur agence à l’interne. Puis éventuellement renouveler avec des agences. On a vu des entreprises intégrer la gestion des médias sociaux à l’interne, puis redonner la tâche à une agence numérique externe. Ça fait partie du mystérieux balancier publicitaire.

Pour Patrick Delisle, il s’agit plutôt de ce qu’il qualifie d’un perfect storm. « Lors de mon arrivée l’été dernier, notre objectif était de créer une campagne-pont qui nous permettrait de nous rendre jusqu’au printemps avec le lancement d’une campagne majeure. »

Patrick Delisle
Patrick Delisle, directeur marketing | Canac

L’entreprise n’ayant pas d’agence de publicité attitrée à ce moment, elle a décidé de tout faire à l’interne. « C’était une petite campagne sans prétention, basée sur nos acquis publicitaires. Rien que notre équipe de quinze personnes ne pouvait prendre. Et ça a très bien été », se souvient Patrick.

Mais en parallèle, l’entreprise planchait aussi sur un nouveau positionnement publicitaire. « La signature C’est pas compliqué nous avait bien servis pendant une quinzaine d’années. Mais pour s’attaquer au marché du Grand Montréal, il nous fallait un axe plus clair, plus direct. Et comme la compétition s’intensifie dans nos marchés matures (90% des ventes de Canac), il fallait également rappeler à nos clients actuels pourquoi ils nous aimaient depuis 25-30 ans. »

Or, même si la haute direction de Canac n’est pas du genre à « s’enfarger dans les fleurs du tapis », il fallait tout de même créer un gros « wow ! » pour rallier celle-ci au nouveau positionnement. Alors sans trop y penser, l’équipe interne développa le positionnement et l’axe créatif, puis les concepts.

« On s’est donc retrouvé début décembre avec un plan hyper précis, et pas vraiment d’agences avec qui ça cliquait à 100%. Comme on était rendus au bout de la piste, on s’est demandé si on avait vraiment besoin d’une agence pour livrer le bébé. » La réponse fut non. « Aussi coco que ça », ajoute Patrick Delisle.

L’équipe marketing, aidée de quelques collaborateurs externes, a démontré qu’il était possible de développer une campagne publicitaire à l’interne de A à Z, sans transiger avec une agence. Est-ce à dire que la chaine de quincaillerie indépendante renie à tout jamais une relation avec une agence ? La météo annonce-t-elle une série de perfect storms au cours des prochaines années ?

« La volonté de s’adjoindre des spécialistes est là. Mais pour l’instant, on va laisser la campagne prendre son envol et laisser la poussière retomber. »

« J’ai énormément de respect pour les agences. Et il y a beaucoup de travail en coulisse qui se fait qu’on ne voit pas toujours. Les contrats UDA, le casting, etc. L’objectif n’est certainement pas de continuer de faire tout ça à l’interne, chaque année ! ».

Toutefois, j’imagine que la réalisation de ce proof-of-concept aura une incidence sur la sélection d’une éventuelle agence. Une fois que l’on a réussi à tout faire à l’interne, on doit se demander ce qu’une ressource extérieure amène sur la table, non ? Patrick opine.

La plus-value d’une agence vient dans sa capacité à « nous pousser plus loin.   On ne se le cachera pas, nous les annonceurs, on se fait souvent croire qu’on possède la vérité. Mais même si on est bien content de notre nouvel axe créatif, ça va prendre du monde pour nous challenger, prendre nos idées et les amener ailleurs, les faire vivre sur d’autres plateformes. »

« J’ai eu l’occasion de travailler avec des agences réputées comme Sid Lee, Cossette, Publicis et LG2. On a besoin de ces spécialistes. Des gars comme Luc Du Sault, tu lui donnes un pouce et il fait un mille avec ! Ça ne peut pas arriver de l’interne, ça ».

« À notre avis, notre nouvel axe On aide pour vrai va nous permettre de faire du chemin pour les dix prochaines années. La question est: où ira-t-on chercher la créativité pour le faire vivre? »

Car il existe d’autres avenues. « Il y a d’excellents pigistes sur le marché. Des gens qui peuvent très bien nous accompagner tant au niveau de la rédaction, de la direction artistique, de la production ».

« Plusieurs agences savent très bien qu’elles doivent m’appeler cet été pour 2020 », me confirme-t-il.

J’ai l’impression que le téléphone de Patrick Delisle va sonner énormément au cours des prochains mois. Le défi sera toutefois pour elles de le convaincre qu’elles peuvent aider Canac pour vrai.

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Canac