Maud Cohen, Paul Bergeron et Lucie Drapeau ont ceci en commun : tous trois ont délaissé une carrière florissante pour prendre respectivement les rênes des fondations des hôpitaux Sainte-Justine, Sacré-Cœur et Maisonneuve-Rosemont. Étrange ? Pas du tout !

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Car qui de mieux placé qu’une ex-ingénieure pour solidifier une fondation ? Qu’une ex-publicitaire pour faire briller une marque dans l’écosystème surchargé de la philanthropie ? Ou qu’un ex-marketer pharmaceutique pour naviguer allègrement à travers les méandres organisationnels du monde de la santé ?

Diriger une fondation d’hôpital n’est plus ce que c’était. Même si l’incontournable tournoi de golf tire encore — curieusement — son épingle du jeu, « ce n’est plus une question de qui connait qui », reconnait d’emblée Paul Bergeron. « Ça implique de fortes capacités en gestion, en relations interpersonnelles, en marketing. » Entre autres.

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Paul Bergeron, Président - directeur général, Fondation de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
Donnez à la Fondation de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

« Ça stimule le système D  , corrobore Lucie. Oui, travailler pour une fondation d’hôpital, c'est un peu comme travailler en agence; on fait de la publicité, de l'événementiel, des médias sociaux et du marketing direct. Mais tout ça sans budget, ou presque ! », ajoute-t-elle.

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Lucie Drapeau, Directrice générale, Fondation de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Donnez à la Fondation de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

L’image de marque devient donc un atout précieux pour se démarquer. C’est  dans cette perspective que la Fondation Sainte-Justine a profité d’une refonte de site obligée pour revoir son branding. « En intégrant l’image de la mère à cette de l’enfant, on reflète plus clairement la réalité actuelle de Saint-Justine », mentionne Maud Cohen.

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Maud Cohen, Présidente et directrice générale, Fondation CHU Saint-Justine
Donnez à la Fondation CHU Saint-Justine.

Mais l’image de marque ne suffit pas toujours. Car contrairement aux rubans roses et aux Movembers de ce monde, les fondations d’hôpitaux doivent composer avec de multiples causes à supporter, de front.

Ainsi pour Sacré-Cœur, outre la campagne globale, la Fondation compose avec six « sous-campagnes », associées à des axes distinctifs de l’hôpital (blessés médullaires, cancérologie, santé mentale, etc.). Dans le cas de Maisonneuve-Rosement, le nombre de sous-campagnes — appelées des affectations — s’élève à 68 ! Ça prend donc des sous.

D’où provient l’argent ?

D’un côté, des dons et commandites corporatifs. Ceux-ci représentent 50% du trois milliards de dollars en dons annuels au Québec. Mais en réalité, dans ce contexte de mondialisation, de fusion et de ventes d’entreprises québécoises à l’étranger, « le nombre de grands donateurs corporatifs au Québec tourne maintenant autour de seulement 200 entreprises », raconte Paul, citant l’étude Épisode.

En réaction à une demande accrue, celles-ci ont dû se structurer et profiter de l’occasion pour cibler des causes qui leur sont chères, en ligne avec leurs marques. « Tu n’es pas actif dans la prévention du diabète de type B ? Désolé, on ne peut rien faire pour toi », ironise à peine Lucie.

« Ça devient comme un pitch d’agence , raconte Paul. Il faut se distinguer des autres demandeurs en trouvant l’angle précis qui vendra notre cause ».

Et pendant ce temps, l’attitude des donateurs individuels a changé.

Outre les gros donateurs privés qui ont créé leurs propres fondations eux aussi,  «les petits donateurs ne veulent plus vaguement donner , explique Lucie. S’ils ont été soignés en cardiologie, c’est à ce service qu’ils veulent donner. »

« Finie l’époque de la cause pour la cause , confirme Maud. Si on veut faire réagir le donateur, on doit lui démontrer l’impact direct du don. »

Lucie acquiesce. « Parler de recherche fondamentale et de recherche clinique, c’est bien. Mais quand ça se concrétise par un œil bionique qui redonne la vue à une femme, c’est du concret. »

Comme ce fut également le cas des exploits largement publicisés du docteur Daniel Borsuk, ce plasticien montréalais qui a procédé coup sur coup à une greffe de visage sur un accidenté de la chasse puis à la réduction de 60% de la boite crânienne d’une petite fille souffrant d’hydrocéphalie. Aucune campagne publicitaire ne peut accoter ça.

Même si « le Québec tire de l’arrière en matière de dons caritatifs en santé, on réussit des exploits médicaux dont on peut être très fiers , lance Maud.  Au même titre que nous sommes fiers des entreprises qui ont du succès à l’étranger. »  Les hôpitaux participent elles aussi à notre rayonnement international.

Perspectives d’avenir ? Avec le vieillissement de la population, « il est utopique de penser que le nombre de travailleurs qui ira en s’amenuisant pourra supporter au même niveau le système de la santé via les impôts », constate Maud Cohen.

Le travail n’est donc pas terminé. Mais comme ont mentionné ces trois directeurs généraux, le tout se fait dans la passion. L’implication de leurs employés est constante et le sentiment d’accomplissement qui accompagne les durs efforts comblent ces trois DGs.

À quand la retraite ? « Dans 35 millions $ », répond Paul.

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