À l’ombre des Youtube, blogues et autres Instagram de ce monde, le podcast semble jouer le rôle du vilain petit canard des me-media. Mais ne vous y trompez pas. Depuis quelques années, il connait une croissance éloquente. Le petit canard à la patte cassée serait-il sur le point de briller — enfin — de ses mille feux ?

Pour écouter le podcast, cliquez ici. 

Le podcast se fait encore très discret. Trop même, se sont dit les organisateurs de Transistor, le premier festival québécois dédié à la radiophonie numérique qui présentait en mai dernier sa deuxième édition, à Gatineau.

Steven Boivin
Steven Boivin, Directeur général, Transistor

Marie-Hélène Frenette-Assad
Marie-Hélène Frenette-Assad, Directrice de production, Transistor

«  Je suivais une formation en radiodiffusion. Mais quand j’ai compris que tout était axé sur le modèle de la radio commerciale, j’ai décroché. Je n’avais juste aucun intérêt à apprendre comment bien lire la météo ! , confie Steven Boivin, directeur général du festival.  Heureusement, le podcast est venu vers moi.  »

«  C’est Julien (Morrissette, partenaire et cofondateur de Transistor) qui m’a fait découvrir cet univers .  À Radio-Canada, on faisait le « documenteur » En direct de, une radio-fiction sur l’histoire de petits villages du Québec. J’adorais ça !  »

Il venait de «  pogner la piqûre  ». Et il n’était pas le seul.

Car le podcast ne rejoint pas que deux pelés et trois tondus. À son tour, il vient valider la théorie de la longue traîne de Chris Anderson. Oui, une multitude de sujets, pointus, variés, avec plus ou moins d’auditeurs. Mais en additionnant tout ce beau monde, on ne peut que constater qu'il attire une grande quantité de gens.

À preuve, en 2013, Apple recensait 1 milliard d’abonnés sur sa plateforme iTunes. Plus récemment, l’étude Infinite Dial d’Edison Research nous apprenait que 44 % des Américains avaient écouté au moins un podcast en 2017 (Nielsen avance même le chiffre de 50 %). Faites le calcul, on se parle ici de 124 millions d’auditeurs ! Phénomène marginal, le podcast ?

Le combat n’est toutefois pas gagné. « Le podcast est pris entre deux générations », explique Steven. «  En haut, il y a une génération à qui il faut expliquer comment ça marche. En bas, une autre à qui il faut expliquer c’est quoi !  »

Le podcast ne se bat effectivement pas à armes égales. Oui, une section lui est dédiée sur iTunes, mais difficile de s’y retrouver. «  Si au moins, il y avait une section francophone, ça aiderait  », remarque Steven.

Oui, il y a les baladoquebec.ca et les player.fm, mais tout n’est pas là. Ce qui explique probablement pourquoi on commence à retrouver des podcasteurs sur YouTube qui l’utilisent comme plateforme de diffusion en y roulant des vidéos «  audio  ». AdSense, quand tu nous tiens !

Mais au fait, les podcasteurs seraient-ils en compétition avec les youtubeurs ?

«  Ce n’est pas la même clientèle  », croit Marie-Hélène Frenette-Assad, directrice de production chez Transistor et créatrice du podcast F#. « Professeure de musique, j’ai pu constater que si mes ados d’étudiants ne connaissaient aucun podcasteur, ils étaient par contre capables de me nommer tous les youtubeurs (RIRES) !  »

« Moi, comme adulte, je n’ai plus les moyens de perdre vingt minutes de mon temps devant un écran à regarder quelqu’un. Mais quand je conduis, quand je cuisine, je vais me mettre un podcast », ajoute-t-elle. «  Rien de mieux qu’un bon Sous écoute de Mike Ward en tondant le gazon !  », confirme Steven.

Le modèle d’affaire de l’industrie n’est pas clair non plus. Oui, des producteurs tels que Transistor peuvent vendre leur service à des organismes qui désirent avoir leur propre podcast. Ou encore vendre des concepts à des diffuseurs officiels. Mais moi, Normand Miron, simple podcasteur, comment je fais pour en vivre ?

« Certains vont faire appel à la générosité de leurs fans. Mais c’est un fait que le modèle publicitaire tarde à se développer  », constate Steven. Toutefois, avec des revenus record de 314M$ en 2017 aux É-U selon l’IAB - une augmentation de 86% vs 2016 - le marché commence à tendre l’oreille à ces émissions virtuelles.

Exemple ? L’insertion publicitaire dynamique qui permet de garder à jour, publicitairement, une émission plutôt que d’y retrouver la même pub, peu importe le profil sociodémographique de l’auditeur, jusqu’à la nuit des temps.

«  Au Québec, le marché est plus petit à cause de la langue , reconnait Steven. C’est pourquoi un festival comme Transistor a sa place  ». «  Il faut continuer à faire connaitre le média, ajoute Marie-Hélène. Les habitudes de consommation ne sont pas encore ancrées, mais ça va venir . Dans le fond, ça nous prendrait juste un gros podcast du genre Serial, mais québécois, pour mettre le podcast sur la map ici. J’espère bien que ça va être nous qui allons le produire ». (RIRES)

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