Il y a moins d’un mois, l’Interactive Advertising Bureau (IAB) faisait son mea culpa au regard de la publicité en ligne, jugée beaucoup trop intrusive. « On a merdé », ce sont les termes employés par Scott Cunningham, vice-président de la technologie et des opérations publicitaires à l’IAB.
En marketing, on parle souvent de « besoin » chez les consommateurs. Cette fois-ci, il semblerait que cette appétence était de supprimer totalement la publicité du paysage numérique, via l’utilisation de logiciels d’adblocking.
La publicité native est-elle en voie de restaurer ce fragile lien de confiance qui unit les publicitaires aux consommateurs ?
Réintégrer le consommateur au coeur de l’expérience publicitaire
Avec un chiffre en constante augmentation (près de 200 millions d’utilisateurs), les logiciels d’adblocking semblent avoir causé de douloureux dégâts dans le monde de la publicité en ligne. À cet effet, PageFair annonçait 44 milliards de dollars de perte en revenus publicitaires d’ici à l’horizon 2016.
Principal suspect, le matraquage publicitaire que nous subissons en ligne, et hors ligne, y est pour beaucoup. En 2014, par exemple, quotidiennement, nous étions confrontés à près de 360 messages publicitaires. Cette même année, on se souvient encore de la campagne publicitaire de Trivago, inondant télévision et Internet, qui avait finalement réussi à créer une vague de ras-le-bol chez les consommateurs.
C’est à la lumière de ces faits que les spécialistes en marketing ont décidé de prendre les devants. Il était temps de trouver un nouveau format publicitaire, beaucoup moins invasif, au message bien plus fort. La publicité native semble être alors une alternative viable aux messages publicitaires traditionnels. Pourquoi? Parce qu’elle est :
Ciblée : de par son aspect « éditorial », la publicité native est bien plus ciblée. Vous choisissez l’endroit et l’audience à qui elle s’adresse, ce qui en fait un format attrayant et intéressant.
Engageante: les visiteurs qui visionnent la publicité native sont déjà dans le processus de consommation de contenu, la publicité n’interfère donc aucunement dans ledit processus, tel que pourrait le faire la bannière, par exemple.
Économique : comparée à d’autres formes de publicité, la publicité native reste un format abordable, pour tout type de budget et d’industrie.
Pour illustrer ces propos, DELL, dans son partenariat avec le New York Times (NYT), a quant à elle réussi à récupérer près de 90 mentions et liens – en provenance de 37 sites différents –, de même que des milliers de réponses positives sur les réseaux sociaux, ainsi que de la visibilité de marque, et ce, grâce au léger habillage de la page. Pourtant, mis à part les mentions obligatoires du NYT, la marque n’est citée qu’à 5 reprises, dont 0 fois dans le contenu de l’article!
Bref, la publicité native est donc un format non invasif, permettant de susciter l’engagement auprès d’une audience ciblée, accessible à tout type d’entreprise, peu importe le budget marketing. Mais est-ce vraiment efficace?
Les effets de la publicité native sur le cerveau
Pour connaître son efficacité, Sharethrough, en partenariat avec Nielsen, a conduit une étude comparant les effets de la publicité native par rapport à la publicité bannière. Tout d’abord, il est important de mentionner que le traitement d’une image n'utilise qu’une seule zone du cerveau, tandis que la publicité native, de par son aspect éditorial, fait plutôt intervenir l’ensemble des parties du cerveau.
Lorsque l’on s’attarde sur l’attention des utilisateurs mobiles, il semblerait que ceux-ci soient deux fois plus attentifs lorsqu’ils sont confrontés à de la publicité native, tendance qui semble moins se dessiner pour les utilisateurs « desktop ».
Lors d’une autre étude, Contently s’intéressait à la perception des utilisateurs quant à la publicité native. La méthodologie utilisée était simple : montrer sept publicités natives, puis demander aux utilisateurs lesquelles étaient plutôt des sentiments, des publicités ou de simples articles? Uniquement 38 % des répondants se sont aperçus que les articles étaient en fait commandités par des entreprises!
D’un autre côté, 27 % des utilisateurs semblaient être déçus après avoir découvert qu’un contenu était commandité par une marque, ce qui soulève une question intéressante : est-il important de dissimuler l’aspect « commercial » dans la publicité native?
L’art de la dissimulation, « nativement » parlant
La publicité native soulève des questions d’ordre éthique, autant pour les marques que pour les éditeurs. Aux États-Unis, par exemple, la dissimulation de ce type d’information est strictement interdite par la loi. N’ayez pas peur de faire savoir aux lecteurs que l’article a été commandité par votre marque; leur réaction pourrait être bien plus virulente s’ils venaient à s’en apercevoir d’eux-mêmes.
Gardez toujours en tête que la publicité native (bien que son but ultime soit de promouvoir un produit, un service ou une marque) doit toujours raconter une histoire. Elle rejoint alors le paradoxe du marketing de contenu : on ne parle pas de la marque, mais on crée plutôt une trame narrative autour de celle-ci.
À cet effet, Netflix publiait un parfait exemple réussi de publicité native, dans le New York Times. Pour la sortie de sa série Orange is the new black, les éditeurs du célèbre journal New-Yorkais et Netflix se sont associés, pour créer un savoureux mélange incluant éditorial, vidéo, audio et infographie, relatant ainsi la condition des femmes dans les prisons américaines.
Les retombées furent bien au-dessus des attentes de la célèbre compagnie spécialisée en vidéo sur demande. La série était mentionnée uniquement dans une bannière au-dessus et via un lien à la fin de l’article. Les réactions du public semblaient plutôt être positive, comme en témoignent certains tweets :
Il semble donc que la publicité native, lorsqu’elle est bien réalisée, peut obtenir des performances bien plus supérieures que tout autre type de publicité sur Internet. Pour conclure, ne cherchez jamais à dissimuler la nature « tarifée » de vos articles, puisque le résultat et la performance de ceux-ci pourraient être gravement influencés. Trouvez un angle d’approche non éloigné de votre produit/marque et pensez à toujours garder un ton neutre!
Alexandre Delierre est analyste acquisition média chez iProspect. Le Web est son terrain de jeu depuis près de 12 ans.