Les mots-clics #mercilavie ou #lifeisgood cacheraient-il un désespoir honteux à remiser au plus profond de soi? Ce bonheur fragile tel qu'affiché sur les réseaux sociaux répondrait-il pas à un désir de performance quelconque?
Ce bonheur de pacotille étale son empire à bien des niveaux. Ses tentacules se déploient sous différentes facettes: la pensée positive, la croissance personnelle, la loi de l'attraction. Marie-Claude Élie-Morin dénonce les travers de cette bonne conscience manufacturée dans son essai La dictature du bonheur.
Souvent, un ésotérisme latent se dégage du discours des multiples coachs de vie aux compétences obscures ou autres conférenciers louches. Selon ces rhétoriciens: la solution se trouve en vous. Votre bonheur, vous le fabriquez. Vous pouvez venir à bout de tout avec la pensée positive: la maladie, la précarité, le célibat.
Rapidement, la pensée positive aux États-Unis, permettant de se guérir par la pensée, s'est transformé en doctrine de l'enrichissement personnel. Le tout enrobé d'un zèle religieux. Robert Harold Schuller, télé-évangéliste adepte de la pensée positive, avançait qu'il ne fallait «jamais verbaliser une émotion négative» en précisant que «si vous échouez, c'est que vous avez choisi d'échouer.»
Le Québec n'échappe au phénomène. Le conférencier Alain Samson pond bon an mal an un nouveau guide de la pensée positive ou ses dérivés. À ce jour, il en a écrit plus de 50! Véritable Balzac de la psycho-pop de motivation. Un de ses plus grand succès? Sois positif ou bedon reste chez vous.
Mais en quoi la poursuite du bonheur peut-elle être dommageable? Dans leur approche, les «gourous» s'en remettent constamment à la responsabilité individuelle. Comme si aucune interaction entre les individus n'avait de conséquence. La solidarité et la compassion ne sont pas de mise quand on reproche à quelqu'un de dégager des énergies négatives causant son propre malheur.
Cette pensée magique, selon Marie-Claude Élie Morin, se décline dans le discours de la classe politique vantant encore et toujours la croissance comme seul véhicule possible pouvant nous mener à l'enrichissement collectif alors que trop souvent cette croisse effrénée s'effectue au détriment des ressources.
Et cette dictature du bonheur prône un conformisme épeurant. Car le bonheur renvoie souvent au consensus. Comme le précise l'auteure: «On continue de faire comme si de vivre en couple et de fonder une famille était la seule et unique norme: hors du couple, hors de la maternité, point de salut.»
La pensée positive entretient donc un culte inouï de l'individualisme. Aucune considération collective dans ce charabia pseudo-scientifique. VOUS êtes responsables de votre bonheur, de votre malheur.
La dictature du bonheur
Marie-Claude Élie-Morin
VLB éditeur
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Stéphane Plante cumule plus de 20 ans d’expérience en tant qu’animateur, comédien, improvisateur et rédacteur. Il joindre à l'équipe du Grenier aux nouvelles en tant chroniqueur pour décortiquer les bouquins consacrés au monde du travail et à la vie socioécocomique.