La trentaine peut entraîner, chez certaines personnes, un soudain désir de renouveau. Pour Louise Descarie, présidente et fondatrice du cabinet de chasseurs de têtes La tête chercheuse, la trentaine est venue confirmer un désir qui grandissait tranquillement depuis une demi-douzaine d’années, celui de posséder sa propre entreprise.
Communicatrice hors pair, Louise Descarie a d’abord songé à créer une agence de rencontres. N’étant pas convaincue de vouloir connaître une foule de détails personnels sur ses clients, elle s’est finalement tournée vers l’univers des chasseurs de têtes et a lancé, en 1997, La tête chercheuse. Près de deux décennies plus tard, Louise ne regrette pas son choix.
Comment avez-vous développé votre goût pour l’entreprenariat? Louise Descarie : Alors que je faisais mon bac en psycho-sociologie de la communication, je travaillais, en parallèle, chez Cossette. À l’époque, Cossette était séparée en centres de profits, qui étaient en fait des entités distinctes. À ce moment, j’avais 24 ans, et des centres de profits, j’aimais ça! J’ai navigué dans cet univers pendant environ sept ans, et j’ai eu la chance, pendant ce temps, de créer des choses de A à Z. C’est à cette époque où je me suis dit que j’aimerais avoir une entreprise. Mais je n’avais aucune idée quoi. J’avais en tête une maison, peut-être une maison pour jeunes ou pour personnes âgées. Puis je me suis rendue compte que ce que j’aimais vraiment, c’était les gens. J’ai pensé à une agence de rencontres, mais je n’étais pas intéressée à avoir le feedback des rencontres que j’aurais organisées. J’ai alors eu l’idée de le faire professionnellement, pour le monde des communications et du marketing; un monde que j’aimais déjà. J’ai donc décidé de partir un cabinet de chasseurs de têtes, même si je n’avais jamais fait de recrutement. J’ai simplement décidé de le faire de façon à ce qu’au final, les employeurs et les chercheurs d’emplois soient traités comme j’aurais voulu être traitée à leur place.
À quoi ressemble le quotidien d’un chasseur de tête? L. D. : C’est très valorisant. Une amie avocate me faisait remarquer un jour que, si elle gagne une cause, son client se plaint de la facture qu’elle lui refile, et si elle perd une cause, son client se plaint d’avoir perdu. De mon côté, je suis valorisée autant du côté des clients que des candidats. C’est vraiment un plaisir de joindre des passions, de trouver le bon candidat pour le bon client!
La tête chercheuse se spécialise dans le recrutement en communications, marketing, ventes, ressources humaines, création et numérique. Y a-t-il un de ces domaines qui est aujourd’hui plus en demande? L. D. : Tout ce qui est numérique est très fort. Tout ce qui pivote autour du numérique est en croissance. Aujourd’hui, on cherche des gens qui comprennent le numérique, la programmation, les ventes et le marketing.
Est-ce que l’avènement du numérique, l’arrivée de LinkedIn par exemple, a transformé le travail des chasseurs de têtes ? L. D. : Ç’a changé notre travail, mais pas du tout au tout. Aujourd’hui, le client s’imagine que c’est facile. Par exemple, un employeur qui cherche un directeur numérique peut aller sur LinkedIn et voir qu’il y en a 120 et vouloir leur écrire des messages. Mais la différence entre chercher quelqu’un et le travail des chasseurs de têtes, c’est la qualité des relations. Quand on reçoit un message ou une invitation de quelqu’un qu’on ne connaît pas, il n’est pas dit qu’on y répondra. Le contact humain demeure très important. De plus, pour plusieurs clients, c’est très difficile de trouver le temps de lire 120 cv et de contacter autant de gens. Le numérique ne nous a d’ailleurs pas enlevé de travail. Certaines personnes ont essayé de faire le travail de chasseur de têtes elles-mêmes et plusieurs se sont découragées devant la lourdeur de la tâche et sont revenues vers nous!
Au-delà des médias sociaux, comment sélectionnez-vous les candidats? L. D. : Je rencontre les candidats en personne et je leur pose des questions qui me permettront d’évaluer, sur une échelle de 1 à 10, leurs compétences, leur motivation, leur expérience, etc. On interviewe ensuite cinq personnes qui ont côtoyé le candidat (supérieurs, employés, clients) et on leur demande de noter, de 1 à 10, différentes qualités. On juxtapose à ça les demandes des clients, qui nous précisent quelles qualités, quel type d’expérience ou quelles compétences ils recherchent. Après six mois ou un an, on fait un suivi avec le client et le candidat pour connaître notre indice de succès et savoir si les deux parties sont toujours heureuses ensemble.
Qui peut faire appel à vos services? L. D. : Autant les clients que les candidats peuvent faire appel à nos services. Les clients sont toutefois les seuls à devoir payer. Du côté des candidats, la plupart du temps, on les chasse, mais il peut aussi y avoir des candidats qui viennent vers nous. On en profite généralement pour faire des entrevues exploratoires pour apprendre à les connaître, et ce, avant de les ajouter à notre banque de candidats.
Depuis son lancement, en 1997, comment a évolué La tête chercheuse? L. D. : Le cabinet a toujours grandi en termes d’employés et de chiffres d’affaires. Mais pour nous, ce qui est important, c’est d’être efficaces et pertinents. On vise donc une croissance normale. Small is beautiful! Mais on se remet toujours en question. On revoit nos façons de faire, par exemple, on regarde comment on pourrait mieux utiliser la technologie, sans pour autant tomber dans le panneau de la technologie. On ne deviendra jamais une boîte qui fait du volume, comme Adecco ou Randstad. On veut continuer à faire de la qualité!
Quels sont les défis auxquels les chasseurs de têtes doivent faire face? L. D. : La plupart des clients cherchent des candidats jeunes, dynamiques et intelligents, qui demandent 50 000 $ par année. Ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est qu’il y a de plus en plus de travailleurs qui vieillissent, mais on cherche toujours le même profil socio-démographique. On se rend compte, lorsqu’on présente des candidats à des entreprises, que les entreprises ne veulent pas engager des personnes de plus de 50 ans, parce qu’elles sont trop « vieilles ». Les clients ont envie d’engager des travailleurs de la relève, ils recherchent une certaine énergie. Les salaires entrent aussi en ligne de compte.
Les employés sont-ils aujourd’hui moins loyaux envers leurs employeurs? L. D. : Je pense que la loyauté des employés envers leur employeur est proportionnelle à la loyauté des entreprises envers leurs employés. Avant, les gens passaient leur vie dans une même entreprise. Maintenant, trois ans c’est long. Le côté éphémère a pris de l’ampleur. La longévité n’est plus autant valorisée.
Quels objectifs La tête chercheuse poursuivra-t-elle au cours des prochaines années? L. D. : On veut rester à l’écoute du marché et se réinventer. On pense à offrir davantage nos services dans les grands marchés de la province, à Québec et à Sherbrooke, par exemple. On veut y être plus connus et être à l’écoute des besoins de ces marchés. On voudrait aussi développer d’autres produits, qui pourront répondre aux grandes questions qu’ont les entreprises et les candidats en matière de recrutement, dont le recrutement d’experts pour des mandats à durée déterminée (congé de maternité, mandats de courte durée, projets spéciaux, etc.). On veut enfin améliorer notre processus de recrutement avec les nouvelles technologies et nos face-à-faces. Ultimement, on aimerait devenir un centre d’excellence qui aiderait les spécialistes du recrutement en entreprises à améliorer leurs processus, à développer de bonnes stratégies de recrutement, à faire des entrevues pertinentes, etc.
Article paru dans le Grenier magazine du 10 octobre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.