Le 17 novembre 2014, les Producteurs de lait du Québec ont vécu un important changement. Après 29 années passées à la tête du marketing de l’organisation, Nicole Dubé a alors cédé sa place à Julie Gélinas qui, en quatre ans à peine, avait fait sa marque à l’UPA, avec les Éleveurs de porcs du Québec.
À l’orée d’une carrière qu’elle espère longue chez les Producteurs de lait du Québec, Julie Gélinas a fait le point avec Grenier magazine sur son nouveau poste, sa vision et l’héritage que lui a légué Nicole Dubé.
Vous êtes devenue, en novembre 2014, directrice du marketing des Producteurs de lait du Québec. Comment se passe votre acclimatation ?
Julie Gélinas : Cela se passe bien. J’ai eu le privilège d’avoir un excellent coaching de la part de Nicole Dubé, qui a été très généreuse avant son départ. Les semaines que j’ai passées avec elle m’ont été profitables et, surtout, très agréables.
Nicole Dubé avait-elle beaucoup d’informations à vous transmettre ?
J. G. : J’ai eu l’impression de me retrouver sur les bancs d’école, à l’université avec une Nicole Dubé très rigoureuse et très à l’ordre, des qualités qui s’avèrent nécessaires quand on gère cinq produits avec autant de brio pendant tant d’années. Elle avait des historiques de performance très bien archivés et tous ses dossiers étaient nickel. Elle avait carrément préparé un plan de transfert avec des ordres du jour quotidiens. J’ai été très choyée.
Comment avez-vous réagi quand vous avez obtenu le poste ? Y rêviez-vous ?
J. G. : Je travaillais au sein de l’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) quand Nicole Dubé a annoncé qu’elle souhaitait passer à autre chose. Les PLQ m’ont invité à faire partie faire partie de la sélection. Le processus a été exigeant, mais j’étais très enthousiaste, même si j’adorais travailler aux Éleveurs de porc du Québec. J’ai eu un coup de cœur pour les Éleveurs de porcs et je les ai quittés en versant quelques larmes. Les producteurs agricoles sont des clients extrêmement attachants, dédiés, pour qui la dimension humaine, la famille, sont très importantes. Ils sont très reconnaissants et ils font confiance. J’ai été charmée par ce modèle d’affaires et l’idée de poursuivre avec un groupe associé au Lait me plaisait beaucoup.
Quel bagage amenez-vous aux Producteurs de lait du Québec ?
J. G. : J’ai travaillé dans l’industrie agroalimentaire très tôt. Déjà, en agence, j’avais des comptes en agroalimentaire, dont Weston, Métro et celui du Lait. Par la suite, j’ai travaillé du côté annonceur chez Metro et au sein du groupe Loblaws, pour Maxi et cie. J’ai ensuite fait un petit aparté de 12 ans dans les centres commerciaux, au sein d’Ivanhoé Cambridge et de la Caisse de dépôt. Ça m’a été très utile de travailler dans le domaine de la mode, surtout au profit des Éleveurs de porc du Québec, où j’ai eu le mandat d’ennoblir le Porc du Québec et de le positionner comme un produit « cool et tendance ». Mon background en mode m’a permis de dresser beaucoup de parallèles. Le porc était une viande de commodité et j’ai puisé des rapprochements avec les H&M et Zara de ce monde, qui sont des marques accessibles mais très tendances, que tout le monde est fier de porter.
Avez-vous vécu d’importants bouleversements lors de votre passage des Éleveurs de porc aux Producteurs de lait ?
J. G. : Le porc est ouvert à l’international donc il n’y avait pas de protection des marchés et la concurrence était beaucoup plus vive qu’elle ne l’est avec le lait. Mais l’accord de libre-échange commercial avec l’Europe et l’invasion des fromages européens va vite me ramener dans ce contexte d’affaires. Je retrouve par ailleurs, chez les Producteurs de lait du Québec, sensiblement les mêmes collaborations et plusieurs partenariats que j’ai eu plaisir à orchestrer aux Éleveurs de porc. Et, jusqu’à présent, je retrouve chez les Producteurs de lait les mêmes valeurs qui me plaisaient tant chez les Éleveurs de porc. Mon plat préféré est évidemment devenu le porcelet de lait !
Y a-t-il des façons de faire, des idées que vous amenez des Éleveurs de porcs aux Producteurs de lait du Québec ?
J. G. : Tout le travail que j’ai réalisé au niveau de l’ennoblissement de la marque Porc du Québec sera utile, ne serait-ce que pour assurer une continuité avec ce que Nicole Dubé avait mis en place. Il faut dire que les cinq marques qui étaient sous sa gouverne – le lait, le lait au chocolat, les fromages d’ici, la crème et le beurre – sont des marques chouchous des Québécois. Mes efforts de différenciation du Porc du Québec des produits américains, par exemple, sera mis à contribution avec l’invasion des fromages européens. Bien que les fromages d’ici soient très reconnus et s’enorgueillissent d’une belle lancée, l’équation mise en marché sera bientôt déstabilisée en tablettes. Nous devrons nous assurer que nos fromages soient bien repérés et sélectionnés au détriment de la concurrence.
Outre la promotion des fromages d’ici, quels seront vos plus grands défis à court terme ?
J. G. : Le lait blanc est en baisse de consommation partout dans le monde et subit une sévère compétition des breuvages. Nicole Dubé avait lancé l’axe Tout va bien avec le lait. On suivra de près, au cours des prochains mois, cette offensive qui rappelle que le lait peut être consommé en toute occasion. Le lait au chocolat va, pour sa part, très bien depuis qu’on l’a positionné comme une source d’énergie et de récupération après l’effort physique. Le défi sera de maintenir cette progression. Le marketing 360 mis en place par Nicole Dubé représente une belle occasion. Les Producteurs de lait du Québec ont plus de 200 partenariats de commandites. En termes d’agenda, je suis en mode speed dating. J’ai beaucoup de gens à rencontrer, qui ont beaucoup d’attentes auxquelles je souhaite répondre dans les meilleurs délais. C’est surtout ça mon défi: me familiariser avec toutes ces alliances, comprendre les enjeux de tous ces partenariats et allier tout ça.
Sentez-vous une pression à remplacer Nicole Dubé, qui a fait sa marque avec les Producteurs de lait du Québec ?
J. G. : Je vous mentirais si je vous disais que je n’avais pas trouvé que je chaussais de grandes pointures. Mais, les Producteurs de lait sont très accueillants. Ils sont prêts à travailler autrement, même si je ne suis pas là pour faire de grands virages à court terme. Mme Dubé avait des résultats convaincants et on vise la continuité de ce rendement.
Avez-vous carte blanche au sein des Producteurs de lait du Québec ?
J. G. : On m’a clairement dit : « tu mets les choses à ta main », mais honnêtement, à ce stade-ci, rien n’aurait justifié un changement de cap. En même temps, je fais preuve d’une certaine humilité puisque j’arrive en poste. Je me laisse du temps pour m’imprégner de tous les dossiers et me faire une tête. Ce qui est clair par contre, c’est que les Producteurs de lait du Québec aiment innover. Ils aiment prendre des risques et être audacieux pour s’assurer une différenciation. Mais innover, ça veut aussi dire qu’il faut faire les choses autrement…
Avez-vous déjà des idées d’où vous souhaitez aller ?
J. G. : Le marketing d'aujourd’hui, pour tous les annonceurs, c’est un défi. On doit se positionner avec le marketing de contenu. On a lancé [le 31 mars] une offensive basée sur des témoignages dans le cadre des Fromages d’ici. C’est mon premier bébé. Madame Dubé était une grande dame qui s’est toujours préoccupée de la relève et qui faisait preuve de leadership. Ces ambitions m’animent également. M’entourer de talents modernes et audacieux est la clé du succès.
C’est important pour vous que Nicole Dubé soit fière de votre travail ?
J. G. : Oui, certainement. C’est quelqu’un qui a tellement donné à ses producteurs et qui a été généreuse dans l’industrie. Je me souviens très bien qu’à 24 ans, c’était ma cliente. C’était une annonceuse exigeante, mais dédiée, qui prenait le temps de bien verbaliser ses critiques, qu’elles eurent été positives ou non. J’espère être aussi appliquée avec les gens.
Le Lait a eu droit à plusieurs campagnes publicitaires marquantes. Laquelle est votre préférée ?
J. G. : Les campagnes nostalgiques du BLANC ont été très fortes. Comme plusieurs consommateurs, Jamais sans mon lait m’a marquée. C’est encore aujourd’hui une référence de choix.
Plusieurs agences ont indiqué devoir composer avec des budgets publicitaires restreints. Est-ce que les Producteurs de lait du Québec doivent aussi faire face à la diminution de leurs budgets publicitaires ?
J. G. : Le marketing au sein des Producteurs de lait du Québec a toujours été une cellule dominante. En effet, le marketing a clairement contribué à l’élan des Producteurs de lait du Québec, comme en témoignent les hausses de vente dans la majorité des catégories. Pour l’instant, on maintient le cap, mais nous ne sommes pas à l’abri des temps difficiles comme les contrecoups d’une nouvelle politique de gestion de l’offre… C’est à suivre.
Article paru dans le Grenier magazine du 12 septembre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.