La Société des designers graphiques du Québec (SDGQ) fête cette année un demi-siècle de soutien et de promotion de la profession de designer graphique. À l'occasion de cet anniversaire marquant, nous avons eu l'opportunité de discuter avec les coprésidents Mario Mercier et Julie Royer pour explorer les débuts de la SDGQ, son évolution, et sa vision pour l'avenir.
La SDGQ célèbre cette année ses 50 ans. Pouvez-vous nous parler des débuts de l’organisation et des principales motivations derrière sa création? Pourquoi créer une société pour les designers graphiques du Québec?
Mario Mercier : Il faut dire que la SDGQ est née d'une nécessité fondamentale : celle de définir et de structurer une profession en plein essor. Dans les années 70, il y avait un grand besoin de reconnaissance de notre savoir-faire au Québec. Les designers graphiques n'avaient pas de cadre officiel qui régissait la profession, et il fallait établir des règles du jeu claires, notamment en ce qui concerne la valeur de notre travail. Le design graphique, c'est un métier qui demande de l'intelligence, du flair et une bonne connaissance du marketing. Nous devions définir nos responsabilités, tant vis-à-vis des client·es que de la profession elle-même.
Julie Royer : En effet, dès le départ, l'une des premières actions, lors de la création de la SDGQ en 1974, a été de mettre en place un code de déontologie, qui est d’ailleurs encore au centre de notre mission aujourd'hui. Ce code définit non seulement les responsabilités des designers envers leurs clientèle, mais également envers le public, la profession et leurs confrères. Par exemple, il stipule que « le graphiste ne travaille que sur commande ferme, les travaux sans rémunération sont inadmissibles ». Ce sont des principes qui n'ont pas changé, même 50 ans plus tard.
Parlant de mission, à la lumière de ces grandes idées, comment diriez-vous que la mission de la SDGQ a-t-elle évolué au fil du temps pour s’adapter aux besoins des designers graphiques au Québec?
Julie Royer : Depuis sa fondation, la SDGQ a continuellement mis à jour son rôle pour répondre aux changements dans notre domaine. Aujourd'hui, le design graphique est devenu un pilier fondamental dans presque tous les secteurs. Les entreprises qui l'intègrent dans leur stratégie globale sont souvent plus innovantes et résistent mieux aux crises économiques. À la SDGQ, nous avons renforcé notre rôle en tant que référence pour les designers, en créant des ponts entre différents secteurs. Tout ça dans le but d’aider les designers à mieux collaborer et à se soutenir. On parle de mission et ce point est vraiment central dans la SDGQ : nous encourageons les designers à collaborer, à partager leurs expériences et à échanger des idées.
Mario Mercier : J’ajouterais aussi que la profession de designer graphique ne consiste plus seulement à faire du beau. Le design, aujourd'hui, est au cœur des communications. Publicité et design travaillent maintenant main dans la main, et cette complémentarité est devenue essentielle pour le succès de campagnes créatives. Et ça, la SDGQ en est bien consciente. Cette évolution de la profession fait partie de nos réflexions et de nos actions. Les enjeux changent, maintenant nous avons toute la question de la propriété intellectuelle et de l’intelligence artificielle générative qui est en jeu. On voit que ça préoccupe nos membres et on tente de mieux les outiller pour aborder ce gros changement dans notre profession, notamment en fournissant des séminaires de formation.
Julie Royer : Oui, Mario le nomme très bien : notre mission, c’est la collaboration, le soutien aux membres et la reconnaissance de la profession.
Justement, en quoi la SDGQ a-t-elle contribué à faire évoluer la reconnaissance de la profession de designer graphique au Québec?
Mario Mercier : Ouf, la SDGQ a fait beaucoup de choses pour la profession. À commencer par le rôle essentiel qu’elle a joué dans la reconnaissance de la qualité des productions graphiques québécoises, en rassemblant les talents et en organisant les premiers concours de design. Ces concours ont permis de reconnaître et de célébrer la créativité des designers, et d'inspirer de jeunes designers et étudiant·es. Je pense que ça a inévitablement contribué à élever le niveau de jeu en imposant une certaine rigueur dans la profession. On le voit, le Québec se démarque tellement à l’international, avec les prix que remportent les designers québécois·es, que ce soit ici ou ailleurs.
Julie Royer : Je pense que c’est intéressant de noter que notre travail a aussi permis de mettre en lumière l’importance de notre métier et la reconnaissance à l’international. Le Québec est reconnu internationalement comme une référence en design graphique, notamment pour son héritage marquant lors d'Expo 67 et des Jeux olympiques de 1976. Un peu partout sur le globe, on reconnaît que les designers québécois·es se distinguent par leur rigueur et leur créativité audacieuse, ainsi que par leur capacité à innover dans le design numérique. Régulièrement primé·es dans des concours internationaux tels que les Cannes Lions, les talents d’ici sont également admiré·es pour leur engagement social et éthique, intégrant des préoccupations environnementales et sociétales dans leurs créations. Il ne s'agit pas seulement de produire des œuvres visuellement attractives, mais aussi d'intégrer un processus de réflexion profond derrière chaque projet. Ce niveau de rigueur est particulièrement respecté, notamment dans la conception de marques, l'identité visuelle, et le design d'emballage, où l'on valorise la capacité des designers à raconter des histoires tout en répondant aux besoins spécifiques de chaque client·e.
Mario Mercier : Et enfin, ici même, la SDGQ s’est dotée depuis 2014 d’un rigoureux programme de certification professionnelle qui confère le titre de designer graphique agréé·e, en abrégé DGA. Il s’agit d’un sceau de qualité qui confirme compétences et talents. C’est un très grand pas pour la profession.
5 éléments marquants des 50 ans de la SDGQ
- 1974 - Création de la Société des graphistes du Québec, qui changera de nom en 1995 pour devenir la Société des designers graphiques du Québec.
- 1982 - Création de Graphisme Québec, premier concours québécois récompensant les meilleures réalisations en design graphique au Québec. Ce concours sera ensuite connu sous le nom de prix Grafika et mené en collaboration avec Infopresse jusqu’en 2019.
- 2014 - Dans le cadre du 40e anniversaire, création du titre de DGA (designer graphique agréé), certification confirmant le statut d’expert en communication visuelle. Création de la Bourse Marc H. Choko, concours annuel d’affiches étudiantes portant sur un thème social différent relié à l’actualité
- 2020 - Création du concours Idéa en collaboration avec l’A2C.
- 2024 - La SDGQ célèbre ses 50 ans.
Outre sa présence dans le milieu et à l’international, la SDGQ a aussi un rôle important dans les écoles. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre implication auprès des jeunes designers?
Julie Royer : Oui, absolument. Une des missions clés de la SDGQ est de soutenir les étudiant·es. Par exemple, nous organisons la Bourse Marc H. Choko, un concours d’affiches réservées à la relève, qui permet aux jeunes de proposer des projets sur des thèmes sociétaux et de remporter des bourses. Ce concours est soutenu par les institutions scolaires, et il est intégré dans leur programme d’études. C’est une belle manière de faire le lien entre l’enseignement et la profession qui participe à élever l’importance sociale du designer.
Mario Mercier : Au-delà de notre implication dans les écoles, je crois que si on a autant de talent au Québec, c’est parce que les universités et les collèges au Québec font un excellent travail de formation. Les jeunes ne sont pas seulement formés sur les aspects techniques du métier, ils apprennent aussi à développer un esprit stratégique et créatif. C'est sans doute pour cela que le Québec se distingue autant dans les concours nationaux et internationaux. C’est aussi pourquoi la SDGQ s’implique autant auprès de la relève, c’est parce que la société nourrit le rêve de rassembler plus de membres, tout ça dans le but d’élever ses actions pour les designers graphiques.
Parler de relève, c’est un beau pont pour parler d’avenir, il me semble. Quels sont les défis les plus importants auxquels la profession de designer graphique est confrontée aujourd’hui, et quelles initiatives la SDGQ envisage-t-elle pour l'avenir?
Mario Mercier : J’en ai parlé un peu plus tôt, mais un des défis actuels est la question des droits d’auteur, en particulier avec l’arrivée de l’IA. De plus en plus de gens sont perdus face à ces nouvelles technologies. À la SDGQ, nous avons organisé une conférence sur ce sujet en 2023 pour guider les designers dans cette transition et nous la referons sous peu pour tenir compte des derniers changements légaux. Il est important de continuer à défendre les droits des créateur·rices face à ces évolutions.
Julie Royer : En plus de cela, nous travaillons sur une plateforme de réseautage qui sera lancée à l'occasion de notre 50e anniversaire. Cette plateforme permettra aux membres d’échanger et de collaborer plus facilement. Nous avons également des événements en préparation, comme des formations sur les droits d'auteur et l'IA. Mais il est clair que pour être plus actifs et offrir encore plus de soutien à nos membres, nous avons besoin d’augmenter notre nombre d’adhérents.
Mario Mercier : Exactement. Avec plus de membres, nous pourrions avoir une équipe permanente qui travaille à temps plein pour la SDGQ. Cela nous permettrait d'être plus proactif·ves et d’organiser davantage d'événements et de conférences.
Bon, on arrive enfin à la grande question : qu’est-ce que la SDGQ a prévu pour souligner ses 50 ans. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui est prévu?
Julie Royer : Oh! Nous travaillons sur une campagne qui prendra forme sur nos réseaux sociaux (Instagram et Facebook) et qui durera 50 semaines.
Mario Mercier : Pour être concept avec le 50 ans, on a une campagne de 50 semaines qui prendra cours durant toute l’année du cinquantième. Pas pire hein? (rires)
Julie Royer : Chaque semaine, nous mettrons en avant des portraits de membres qui ont marqué l’histoire de la SDGQ par leurs réalisations. Nous allons également ouvrir nos archives pour montrer les grandes réalisations de l’organisation au fil des ans. L’objectif est de rappeler la mission de la SDGQ et de montrer à quel point nous sommes ancrés dans la société québécoise.
En conclusion : 50 ans de créativité et d'engagement pour la profession de designer graphique
En 50 ans, la SDGQ a su s'imposer comme un acteur incontournable dans le domaine du design graphique au Québec. Avec leurs regards tournés vers le futur, Julie Royer et Mario Mercier sont optimistes quant aux défis à venir pour la SDGQ et rappellent à quel point la contribution des adhésions peut contribuer à rendre l’avenir de la profession plus brillant et invitent tous les designers graphiques à faire partie du groupe.
En photo : Mario Mercier et Julie Royer