Dans l’écosystème dynamique du design, tous les éléments choisis peuvent influencer la perception d’une marque, mais attention: ils ne se limitent pas qu’au logo, loin de là. Car les marques qui connaissent le plus de succès sont celles qui ont créé une image distinctive, désirable et crédible aux yeux des gens. Comme l’a dit le célèbre designer Walter Landor, «Products are built in the factory, brands are created in the mind.» Clairement, une image de marque forte peut être un puissant atout pour une entreprise. Souvent, c’est même un des atouts les plus importants. Comment une marque peut-elle créer ce genre d’influence? Et surtout, comment faire rimer «image de marque» avec «réussite financière»? Est-ce que la perception d’une marque peut favoriser son succès? Un peu beaucoup, oui. Et les éléments du design n’y sont souvent pas pour rien. On explique.

La perception d’une marque: un volet multi surfaces
Rappelons d’abord que pour 87 % des Canadien·nes et des Québécois·es, la réputation d’une marque est un facteur de décision important lors de l’achat d’un produit ou d’un service. Dans son rapport Réputation 2023, la firme Léger va même jusqu’à dire que «les attentes réputationnelles des consommateur·rices à l’endroit des entreprises sont claires, sans équivoque et surtout, irréversibles.» Dans ce contexte, une marque crédible repose donc sur une bonne réputation et sur une identité clairement identifiée avec des valeurs bien définies. C’est là que le branding entre en jeu, indique Isabelle Lapierre, vice-présidente, marketing stratégique et média à l’agence &CO. «On voit que les mentalités commencent à changer, mais pendant longtemps, quand on parlait de branding, on pensait automatiquement au logo. Maintenant, la question d’image de marque dépasse largement le logo, et touche tout ce que la marque présente aux yeux du public. Ça ratisse large et, à mon avis, une entreprise qui veut durer dans le temps doit avoir une vision holistique de son branding.» Pensons à Red Bull, par exemple, la marque qui vend des boissons énergisantes sponsorise des sports extrêmes, des cascades et des jeux, a d’ailleurs fait parler d’elle en 2012 pour son stunt du plus haut saut en parachute jamais réalisé. Rien à voir avec un liquide embouteillé, pourtant, ça a tout à voir avec les valeurs de la marque, qui sont le dépassement de soi, l’énergie, la jeunesse, etc. Le branding, c’est donc aussi ça. Mais bon, pour que ces valeurs soient cohérentes, elles doivent aussi être incarnées dans le design choisi.

isabelleIsabelle Lapierre / © agence &CO Collaborateurs créatifs

Décisions esthétiques et perceptions
«Par design, on entend donc tous les éléments graphiques tangibles qui représentent la marque, explique Isabelle Lapierre. Aujourd’hui, les équipes qui travaillent à construire une image de marque vont penser à tous les angles. Ça va des espaces qu’on remplit à ceux qu’on laisse vide, au choix des couleurs, des formes utilisées à la typographie. On parle du packaging, du site web et on ne laisse rien sous le radar. Car ce sont tous ces éléments qui font qu’une marque a une identité claire, cohérente et solide, inspirant la confiance.» En effet, une forme ronde n’est pas perçue de la même manière qu’un carré, un Comic sans MS inspire plus ou moins le sérieux et le rouge dégage plus d’énergie que le bleu. Alors que doit-on savoir avant de se lancer dans un nouveau design?

Séquence cognitive et design
Pour mieux comprendre les considérations à prendre avant de faire peau neuve, il faut faire un petit saut du côté de la science. Eh oui, la science derrière la relation entre le design et le cerveau ratisse plusieurs aspects, mais tout commence par la façon dont on perçoit le monde qui nous entoure, ce qu’on appelle la séquence cognitive. En d’autres termes, la séquence cognitive, c’est la manière dont notre cerveau traite les informations visuelles. Et parce que nos cerveaux fonctionnent presque tous de la même manière, la psychologie a été capable de prouver qu’il était possible de prédire l’ordre des séquences traitées par notre cerveau. Selon la réputée spécialiste de marque Alina Wheeler, qui en parle longuement dans son livre phare Designing Brand Identity, la perception d’une image se fait en trois étapes : le cerveau remarque d’abord les formes, ensuite la couleur et finit par lire les mots.

La forme
C’est d’ailleurs une des premières choses qu’on apprend aux enfants: les ronds, les carrés et les triangles… Les formes sont une des toutes premières choses que le cerveau humain apprend à traiter et à mémoriser. Cette notion est d’autant plus importante quand l’idée est de créer une image de marque mémorable. Rappelons-nous l’impact des marques comme Apple, Nike ou Shell, qui sont reconnaissables seulement par leur forme. Le choix d’ajouter ou non une forme pour représenter votre brand n’a rien d’un hasard, comme le spécifie Isabelle Lapierre: «Les formes qu’on choisit de mettre ou non sur notre logo, mais aussi sur nos étiquettes de packaging, elles sont importantes, car elles vont induire un message au public. Une marque en rondeur implique une convivialité différente qu’une autre qui joue avec les angles droits.» Une pomme croquée inspire l’accès à la connaissance, un choix loin d’être anodin pour une compagnie de technologie, et un crochet marque bien ce qu’on peut réaliser, et donc le côté accessible du sport.

La couleur
Au-delà de la forme, les études démontrent que les couleurs sont la deuxième chose que notre cerveau décode à la vue d’une image. «En tant qu’outil de marketing, la couleur peut être une force de persuasion incroyable, expliquent les chercheuses Nayanika Singh et S. K. Srivastava. Les couleurs ont toujours joué un rôle important dans l’influence de l’humeur, des émotions, des sentiments, des sensations et de la perception. Et comme les émotions influencent nos comportements en tant que consommateur·rices, l’application d’une couleur, ou de plusieurs, peut influencer la décision d’achat des consommateur·rices, leur façon de percevoir la marque, leurs émotions et leurs choix. Dès lors que nous savons que la couleur influence la perception d’un message, il est possible de jouer avec les codes sémantiques des couleurs et d’adresser un message implicite et saisissable à travers la couleur choisie pour sa marque.» Ces éléments sont plus importants qu’on le pense. «On ne s’en rend pas compte, commente Isabelle Lapierre, mais les marques les plus identifiables ont toutes penser à définir le moindre détail dans leur image.»

Le texte
Enfin, après avoir analysé les formes, les couleurs, le cerveau (ça se passe en une fraction de seconde) décode finalement les signes du langage. «Il y a beaucoup d’efforts à mettre dans le texte, explique la vice-présidente, marketing stratégique et média à l’agence &CO. À commencer par le message qu’on veut communiquer, puis à la typographie qui reflète notre énergie et nos valeurs. On doit aussi penser à son importance dans le design. Si on prend l’exemple d’une tendance répandue chez certaines marques de cosmétiques de luxe, on remarque qu’elles vont laisser beaucoup d’espace dans leur design et qu’elles vont opter pour l’épuration, alors on sait implicitement que les mots qui seront écrits sont importants. C’est ce que nous dit implicitement ce choix esthétique du vide et l’économie des mots.»

La durabilité, une perception importante
Forme, couleur, texte : aucune étape ne doit être laissée au hasard. Ces trois éléments influencent la perception des consommateur·rices et l’opinion qu’ils et elles se font d’une marque. Or, faut-il se laisser tenter par une envie de refaire peau neuve? Il faut y penser, met en garde Isabelle Lapierre. «On conseille toujours, quand une entreprise vient vers nous pour refaire son image de marque, de réfléchir au pourquoi. Souvent, l’humain a tendance à se fatiguer de ce qu’il ou elle voit beaucoup, une impression subjective qui est souvent aussi contredite avec les données et les résultats publicitaires. Autrement dit, ce n’est pas toujours une bonne idée de changer son image de marque parce qu’on est tanné·e de son logo. La réflexion est plus complexe et nécessite une remise en question plus profonde qu’une fatigue visuelle. On ne veut surtout pas faire l’erreur de ne plus se faire reconnaître par notre clientèle. À l’inverse, quand on crée une image de marque, on pense toujours à créer un design cohérent avec la personnalité et le produit du client·e, mais qui le différencie de ses compétiteurs. Surtout, on pense à la durabilité du design pour créer quelque chose qui marque l’imaginaire et qui fait que notre marque est mémorable.»

Un peu plus loin que le design
À mesure que les recherches s’intéressent sur la compréhension de la relation entre l’image de marque et le comportement des consommateur·rices, il devient de plus en plus clair que le branding ne se limite plus à un logo ou à un slogan. C’est devenu une histoire qu’on raconte et qu’on adapte sur diverses plateformes. Et on doit se permettre d’être créatif et créative et ce, bien au-delà du design. Car comme l’explique l’auteur du livre Branding that Means Business, Matt Johnson, «il existe de nombreuses possibilités pour les marques de définir l’excellence et le sens à leur manière: une myriade de possibilités de créer des personnalités de marque qui inspirent et parlent aux consommateurs modernes dans toutes leurs nuances et leur complexité; une multitude d’espaces riches et émotionnels pour construire et forger des liens. En s’efforçant d’exprimer pleinement leur potentiel, les possibilités sont illimitées.»

couleurs