Rum-dum-dum-wa-la-do ! Le matin à flâner, les deux pieds dans le sable, à respirer l’air marin, et l’après-midi en mode boulot et autres tâches connexes. Allier travail-vacances… le rêve ou l’angoisse ? Ça dépend. Tendance à la hausse par les temps qui courent, faites gaffe à ne pas vous laisser embarquer dans le contresens des «tracances» ! Mise à jour.
Comme une envie de partir
Alors que vos feeds Instagram sont saturés de stories, de reels et de photos de gens qui ont fui le blues hivernal le temps d’une semaine de relâche, vous songez peut-être à votre prochaine escapade estivale. Contraction du mot travail et vacances, «tracances» est une tendance qui séduit. Pas étonnant. Après avoir goûté à la liberté du télétravail encloîtré·es entre 4 murs pendant près de 2 ans, les salarié·es souhaitent étendre cette latitude depuis n’importe où dans le monde, et pourquoi pas dans une destination idyllique. Parce que s’exaspérer (!) au boulot dans un décor pittoresque se prend mieux que s’exaspérer (! !) dans un 4 1/2 dans un décor fade. Surtout si on en a les moyens. Pourtant, ce mode de vie n’a rien d’une innovation. Et à ne surtout pas confondre avec le mode de vie des nomades numériques, ces personnes maîtres de leur temps, qui travaillent à partir de différents endroits dans le monde, sans avoir de base fixe. Leur style de vie est associé à l’aventure, à la flexibilité et à la liberté. Le concept de «workation» (work et vacation) ou encore «bleisure» (business et leisure) implique plutôt de travailler à distance à partir d’un lieu de vacances, combinant travail, loisirs, et détente. Mais pourquoi s’entêter avec des termes antinomiques? En fin de compte, tracances veut simplement dire télétravailler. Que ce soit au chalet ou en front de mer!
Un terme qui sème la confusion
Le hic, avec ce concept, c’est de lui donner un nom qui brouille carrément les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle. La psychologue du travail Daphnée Breton expliquait le danger d’un tel terme au ELLE France puisqu’il peut être interprété à tort et «faciliter ou démocratiser le fait qu’on peut travailler pendant ses vacances et que ce n’est pas si grave que ça». Selon elle, ce néologisme est apparu depuis la grimpette du télétravail – jusque-là peu connu – depuis la crise sanitaire. Être en tracances ne veut PAS dire travailler sur son temps de vacances, et vice versa. Attention à l’équilibre entre la sphère privée et professionnelle! On se souvient notamment de la difficile période d’adaptation des travailleur·euses propulsé·es du jour au lendemain dans cette «nouvelle» façon de bosser – sur le mental, sur le physique. Plus que jamais, les gens cherchent à respecter l’équilibre entre boulot et vie perso. En réponse, de nombreuses organisations ont revu leurs perks pour le meilleur. Allocations de bien-être à la Tedy, horaires plus flexibles, vacances supplémentaires, semaines écourtées, plus, plus, plus… au profit des employeurs et des salarié·es. Qui dit employé·e heureux·se, dit meilleure productivité, dit gestionnaire content·e!
Les perks de changer d’air
Après l’introduction de la semaine de 4 jours ou le modèle 9/10 qui fait son bout de chemin dans les entreprises, est-ce qu’offrir des tracances permettrait d’attirer (et de retenir) des talents? Considérant que 27% des Canadien·nes et 38% des salarié·es de la génération Z avaient l’intention de télétravailler à l’étranger en 2022 selon une étude menée auprès de 1000 personnes de la société de réservation de vacances Kayak, ce serait peut-être une avenue intéressante à envisager. Publicitaire chevronnée installée au Mexique avec sa famille pendant les mois d’hiver, Schehrazed Hamidi nous partage son quotidien via visioconférence. La verdure IRL de son arrière-plan détonne avec l’hiver grisâtre d’ici qui ne finit plus de finir. Elle nous dit que la clarté après ses heures de bureau fait le plus grand bien sur son humeur, et par ricochet, sur sa productivité. En sachant que la plage l’attend à la fin de son shift, évidemment qu’elle sera plus efficace dans sa journée de travail ! L’idée de partir travailler sous le soleil a germé dans son esprit alors que Schehrazed sortait d’un rude burnout. Il n’était pas question qu’elle passe un hiver de plus au Québec. C’est ainsi que toute sa famille, incluant son énorme chien Labrador, s’est envolée vers le Sud. «Les tracances amènent une plus grosse discussion entourant le télétravail. Si les entreprises ne le permettent pas, elles vont se fermer à de bons talents», dit celle qui estime que certaines organisations sont plus avant-gardistes que d’autres.
Si les employeurs sont encore réticents à laisser partir leurs effectifs au loin, ils peuvent prendre l’exemple sur des entreprises d’ici qui ont surfé sur la vague. Comme l'agence de relations publiques torontoise Media Profile, qui permet à ses employé·es de s'évader entre 2 et 4 semaines et qui offre une allocation maximale de 3000 $ en frais de déplacement et d’hébergement.
LEBLEU Communication Humaine, une agence québécoise, offre elle aussi à ses collaborateur·trices l’opportunité d’expérimenter les tracances. L’objectif était de «contribuer au bonheur des membres de l’équipe en leur permettant une liberté et un équilibre entre le plaisir et l’efficacité au travail», et ce, dans une «optique de rétention», tout en étant cohérent avec les valeurs, l’approche et la culture d’entreprise, explique LEBLEU sur son blogue. La possibilité de prendre des tracances est également offerte chez TACT Conseil. D’ailleurs, quatre employé·es de la firme ont partagé leurs expériences sur son blogue. Enfin, chez BRP, le programme de développement des employé·es Air BRP donne l’occasion aux salarié·es d’exercer leur rôle à l’étranger dans un autre bureau régional, et ce, pendant 3 mois. Visant à appuyer le développement des talents, cette initiative mondiale aide les employé·es à améliorer leurs compétences tout en découvrant différents marchés, défis et cultures.
Des études montrent que le travail à distance stimule la productivité des employé·es, notamment grâce à des horaires plus flexibles, à moins de distractions associées au travail dans un bureau, et moins de temps de trajet. Et devinez quoi? On retrouve ces mêmes avantages en tracances. 86 % des salarié·es croient que le workation augmente leur productivité.
De la Vitamine D svp!
Tracances ne veut pas nécessairement dire partir à l’extérieur du pays. Si se ressourcer dans un chalet à Tremblant pour être en contact avec la nature et le sport d’hiver vous allume, so be it. Histoire de recharger vos batteries avant et après votre journée de travail. Dans le cas de Schehrazed, qui a la déprime saisonnière facile, comme 36% de la population adulte nord-américaine, c’est le besoin de lumière, de sports comme le paddle board et le snorkling, c’est de pouvoir retrouver son humeur d’été à l’année longue qui lui permet de carburer. Selon la jeune femme, les tracances devraient être vues par les employeurs dans une optique de bien-être. D’ailleurs, elle planche actuellement sur un service d’accompagnement pour les gens souhaitant prendre des tracances en Amérique du Sud. «Souvent, les employé·es ne sont pas capables de vendre cette idée aux ressources humaines. Ultimement, c’est ce service que j’aimerais offrir pour que les entreprises et les agences comprennent qu’il s’agit d’un investissement pour la santé mentale, et possiblement d’éviter burnout et dépression saisonnière au sein de leurs équipes.» Son projet, Vitamine D, est prévu à l’été 2023. Comme avant-goût, quel est LE conseil qu’elle donnerait aux gens qui envisagent de partir ? Schehrazed recommande aux personnes de préparer leur argumentaire, comme dans toute demande d’accommodation pour avoir une meilleure performance au travail, et discuter ouvertement avec son ou sa gestionnaire, lui exposer comment partir au loin (ou pas) tout en travaillant serait bénéfique pour les deux parties. Win-win, comme on dit.
Prendre de vraies vacances aussi
Télétravailler de l’étranger s’apparente peut-être à des vacances, mais ce n’est pas le cas. Oui, on a une belle vue du matin au soir et on en profite au max les soirs et les week-ends, mais reste qu’il s’agit de bosser de 9 à 5 (c’est selon !) tout de même. Schehrazed est d’avis que tracances ne sont pas synonymes de vacances. Du tout ! «On téléporte notre routine habituelle dans un environnement plus beau», relate celle qui fait du 8 à 4 ou du 9 à 5. Il est donc essentiel de prendre ses vraies vacances annuelles et de poser ses journées de congé pour vraiment décrocher. Petite astuce des habitué·es de tracances, c’est de faire du télétravail quelques semaines au loin avant de slam their laptop shut afin de profiter de leur lieu de vacances pour vrai.
Le droit à la déconnexion, c’est en tout temps!