2022 est l’année butoir au cours de laquelle les cookies tiers, ou third party, disparaîtront pour de bon. Qu’est-ce que cela signifie exactement et que devez-vous faire pour vous préparer à ce qui s’avère être le plus grand changement de l’histoire du marketing numérique, dixit les experts ? Voici un état des lieux.
Pour rappel, les cookies tiers sont un fichier qu’une tierce partie, qui n’est donc pas liée au nom de domaine du site web, enregistre sur le fureteur d’un utilisateur afin de capter des données sur lui, comme son historique de navigation. Les annonceurs peuvent ensuite utiliser les données récoltées pour faire du ciblage pratiquement personnalisé dans leurs campagnes publicitaires, notamment. « Ce type d’information-là est très intéressant pour les annonceurs », confirme Alexandre Thériault-Lachance, cofondateur de l’agence numérique Hamak.
Compte tenu de leur rôle clé dans les campagnes publicitaires numériques, pourquoi donc les cookies tiers sont-ils appelés à disparaître ? C’est principalement pour améliorer la protection de la vie privée, dans la foulée de l’adoption de lois et règlements en ce sens dans de nombreux pays, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques au Canada ou le Règlement général sur la protection des données en Europe.
Parallèlement, Apple et Google ont annoncé à leur tour d’importants changements à leurs produits. Officiellement, leur motivation est d’améliorer la protection de la vie privée et des données de leurs utilisateurs. Que ce soit avec le Google Privacy Sandbox, qui permet de dépersonnaliser les données des utilisateurs et la fin de l’utilisation des cookies tiers sur Chrome ou de l’Intelligent Tracking Protection (ITP) d’Apple, visant à réduire la portée de même que la durée des cookies primaires et à carrément bloquer les cookies tiers. Mais dans les coulisses, les fameux GAFA se livrent une guerre pour la propriété de ces précieuses données. « Certains ont abusé des cookies dans les dernières années, ce qui a mené à une écœurantite dans la population », souligne Benoit Domingue, président d’Ursa Marketing.
Les conséquences de leur disparition
Concrètement, cela signifie d’abord que les fournisseurs de données tierces qui ne réussiront pas à s’adapter seront aussi appelés à disparaître, estime Alexandre Thériault-Lachance. « Pour un marketeur, cela veut aussi dire que les options pour déployer des campagnes médias seront limitées. Il y aura une concentration des investissements médias sur Google, Facebook et Amazon. »
Ce changement peut aussi se traduire par une plus grande difficulté à mesurer la performance d’une campagne de pub et à attribuer précisément une vente ou une conversion à celle-ci, ajoute Benoit Domingue. Face à cette inquiétude, Google a promis de mettre en place des outils de suivi et de mesure de performance à même son Privacy Sandbox sans utiliser les cookies tiers.
Or, du côté du public, les changements seront peu perceptibles, si ce n’est que les utilisateurs verront peut-être moins de publicité ultra ciblée après avoir visité la page d’un produit. « On peut présumer que l’expérience client sera meilleure. Le consommateur en sortira gagnant », croit Alexandre Thériault-Lachance.
Les solutions de rechange
En matière de solutions de rechange, Benoit Domingue affirme que c’est un peu l’équivalent d’une « grosse partie de poker que jouent les géants ». « Ils dévoilent leur jeu petit à petit. Chacun ne fait un move que si un autre en fait un. On est tous un peu spectateurs de ça. »
Heureusement, des solutions se mettent graduellement en place pour remplacer les cookies tiers. C’est là qu’entre en jeu la technologie Federated Learning of Cohorts (FLoC), incluse dans le Google Privacy Sandbox. Celle-ci est basée sur une approche de ciblage en fonction des intérêts d’un utilisateur en créant des groupes, dépersonnalisant ainsi les données des utilisateurs dans chaque groupe. « C’est l’une des technologies alternatives que Google prépare les marketeurs à utiliser. Selon l’entreprise, la FLoC sera 95 % aussi efficace que le ciblage par cookies tiers plus traditionnel », précise Alexandre Thériault-Lachance.
Pour le reste, on est encore un peu « dans le néant », affirme Benoit Domingue.
Pour les deux spécialistes, c’est donc l’occasion pour les marketeurs de devenir propriétaires des données de leurs utilisateurs. « On verra sans doute davantage de sites où l’on doit créer un compte d’utilisateur auquel il faudra se connecter pour accéder au contenu », dit Alexandre Thériault-Lachance.
De son côté, Benoit Domingue anticipe un regain de popularité des infolettres et des programmes de fidélité. Il explique également que la nouvelle version de Google Analytics (GA4) permet l’exportation des données collectées sur le site web de l’entreprise dans une base de données qui lui appartient. « Ça ouvre tout un monde de possibilités au niveau de l’analyse de données. » « C’est le plus grand changement de l’histoire du marketing numérique », résume-t-il. Chose certaine, les Google, Facebook et Amazon de ce monde ressortiront — encore une fois — gagnants de la disparition des cookies tiers.